La technologie la plus cruciale pour notre survie
La vague de chaleur qui s’est abattue sur Paris il y a quelques jours m’a donné envie de m’intéresser… non pas à la climatisation… mais à l’eau.
La question de l’accès à l’eau potable est fondamentale, vitale même. On sous-estime parfois l’ampleur des conséquences d‘un manque d‘accès à l’eau potable. Un article publié en 2015 dans Proceedings of the National Society of Sciences faisait le lien entre le chaos politique actuel en Syrie et la vague de sécheresse qui touche la région du Croissant fertile.
Evidemment, la sécheresse n’explique pas l’émergence de l’Etat islamique ou pourquoi Bashar el-Assad trouve judicieux d‘avoir recours à des armes chimiques sur sa population mais, selon les auteurs de cette étude, associée à d‘autres facteurs comme la mauvaise utilisation des ressources en eau, elle a conduit à un exode massif des populations rurales syriennes vers les centres urbains. En quelques années, ce sont environ 1,5 million de Syriens (sur une population qui dépassait alors les 20 millions) qui avaient pris le chemin des villes, accentuant les tensions sociales et la contestation politique contre le régime d‘el-Assad.
En Californie, la sécheresse n’a pas créé de guerre civile mais plonge l’Etat américain dans une préoccupante crise environnementale et économique. Après cinq ans de sécheresse, des restrictions d‘utilisation de l’eau ont en effet été imposées aux particuliers mais pas à l’agriculture, pourtant responsable de 80% de la consommation de l’Etat, première ressource du pays et moteur économique trop important pour être sacrifié sur l’autel des considérations environnementales.
Quelques chiffres permettent de comprendre que notre planète a beau être bleue, l’accès à l’eau potable n’est pas si évident que cela. Seul 0,7% de l’eau de la planète est de l’eau douce disponible. Et encore, les réserves d‘eau douce sont très mal réparties puisque à eux seuls neuf pays (le Brésil, la Russie, les Etats-Unis, le Canada, la Chine, l’Indonésie, l’Inde, la Colombie et le Pérou) disposent de 60% d‘entre elles.
750 millions d‘entre nous n’ont pas accès à l’eau potable, et les régions touchées par un stress hydrique (moins de 1 700 mètres cubes disponible par an et par habitant) ne cessent de s’étendre.
Source : Le Monde/ONU
Plus inquiétant encore, selon l’ONU, au rythme actuel de progression des besoins en eau douce, d‘ici 2030 la demande mondiale surpassera de 40% les ressources actuelles.
Si rien n’est fait, nous allons donc être confrontés à de très gros, et vitaux, problèmes d‘approvisionnement dans les années qui viennent — ce qui accentuera les problèmes sociaux et économiques de régions entières. Heureusement, des solutions existent et les innovations technologiques se multiplient.
Ces technologies — et tout particulièrement celles de dessalement, que nous allons explorer aujourd’hui — sont certainement parmi les plus cruciales pour l’avenir de l’humanité. Elles méritent donc que nous nous y intéressions, et que nous y investissions.
Le dessalement, une solution au trop-plein d‘eau… salée
Notre planète est à 70% recouverte d‘eau. Problème, celle-ci est en immense majorité… salée (à 97%). Une des solutions possibles pour répondre à nos grandissants besoins serait d‘utiliser ces immenses réserves, en les dessalant.
La technique n’est pas nouvelle, elle est certainement millénaire, mais elle est entrée dans une ère plus industrielle et viable à partir des années 60, avec l’inauguration des premières usines à dessalement puis l’invention de l’osmose inverse (qui consiste à faire passer de l’eau à travers une membrane pour en filtrer le sel) et qui représente les trois-quarts des usines de dessalement.
Le dessalement n’est évidemment pas la panacée. Coûteux, énergivore, écologiquement très contesté, il est tout de même parvenu à s’implanter dans les régions qui souffrent le plus cruellement de la sécheresse — et qui ont les moyens de s’offrir ce genre d‘usines.
En 2014, 17 000 usines étaient installées à travers le monde, fournissant de l’eau à 300 millions d‘entre nous. Ces usines font particulièrement florès au Proche-Orient où le manque d‘eau et les importantes réserves énergétiques en font une solution viable. Dans certains pays, comme le sultanat d‘Oman, 90% de l’eau douce provient du dessalement.
L’efficacité, la capacité de traitement et la rentabilité de ces usines se sont considérablement améliorées. Le coût énergétique de l’osmose inverse tient principalement au fait qu’il faut une importante pression pour faire passer l’eau à travers la membrane chargée de la débarrasser de son sel. En réduisant l’épaisseur de la membrane, la pression nécessaire décroît. Au cours des 10 dernières années, les membranes se sont donc affinées, permettant de réduire de moitié les coûts de production d‘eau douce par osmose inverse.
En parallèle, les nouvelles usines de dessalement en cours de construction sont régulièrement associées avec des centrales électriques, et de plus en plus souvent, avec des centrales solaires pour réduire au maximum la facture énergétique.
La plus grande usine du monde est installée en Israël, à Sorek, qui est situé à une quinzaine de kilomètres de Jérusalem. L’usine fournit 20% de la population israélienne et a permis de régler, à court terme du moins, les énormes problèmes d‘approvisionnement du pays. Le gouvernement a d‘ailleurs décidé de massivement investir puisque quatre autres usines sont en projet avec pour objectif de couvrir les besoins en eau de 70% des Israéliens. En parallèle, le pays traite 86% de ses eaux usées, le plaçant en tête du podium mondial, très très loin devant le deuxième, l’Espagne, avec 20% des eaux traitées.
L’émergence de nouveaux nano-matériaux devraient permettre d‘encore améliorer la technique de l’osmose inversée. Je vous en reparlerai bientôt et nous verrons les biais pour investir dans ces technologies qui sont peut-être les plus cruciales pour notre futur.
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C.Chevré