» What’s wrong with France? » : telle est la question que me posent depuis des mois les amis de la France partout dans le monde.
WHat’s wrong with France ?»
«Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez vous ?»
Telle est la question que me posent immanquablement, depuis des mois, les amis de la France aux États-Unis, en Europe et où que je me déplace dans le monde. Point de «French bashing» ici de la part des détracteurs habituels de notre pays, ni même de commisération émanant de simples amateurs de gastronomie française : il s’agit au contraire d’une interrogation sincère formulée par de très nombreux francophiles inquiets de voir la France décliner et s’éloigner de la haute image qu’ils ont toujours eue d’elle.
Ce petit livre est né de la volonté de méditer cette question au-delà des réponses superficielles sur la faiblesse de la croissance, l’incapacité à réduire le chômage, la dévalorisation de la fonction présidentielle, la décomposition du paysage politique, le malaise social, la montée des populismes, qui sont en vérité les effets de maux beaucoup plus profonds, renvoyant aux analyses déjà quarantenaires d’un Alain Peyrefitte, Michel Crozier ou Stanley Hoffmann plutôt qu’à celles des déclinologues contemporains.
De cette lointaine filiation, je suis intimement convaincu depuis longtemps, mais l’environnement dans lequel j’amorce cette réflexion au printemps 2014 – l’université californienne de Stanford où j’enseigne, au coeur de la Silicon Valley – me la confirme avec une force particulière. Ici, dans ce berceau de l’innovation, plus que partout ailleurs aux États-Unis, la crise est derrière nous, l’économie est repartie, les valorisations des start-up technologiques et les prix de l’immobilier s’envolent à nouveau, au point que l’on évoque une nouvelle bulle comparable à celle de la fin des années 1990.
Abreuvé par les gigantesques donations de ses illustres et richissimes anciens étudiants – fondateurs de Hewlett-Packard, Google, Yahoo !, Linkedln et tant d’autres entreprises «locales» -, le campus de Stanford et la Silicon Valley tout entière sont, certes, un îlot à l’écart du «monde réel». Mais ces entreprises, leurs fondateurs et leurs ingénieurs et informaticiens multinationaux issus de Stanford n’en ont pas moins changé le monde et notre vie quotidienne jusqu’aux confins de l’Asie et de l’Afrique, et n’ont pas fini de le faire.
Dans cet environnement exceptionnellement stimulant, les Français sont présents et plutôt bien représentés : echnologico-entrepreneuriale de la Bay Area, tout autour de San Francisco. J’en tire une double confirmation : l’enseignement supérieur français, notamment scientifique, se portait encore très bien il n’y a pas si longtemps – la France est à égalité avec les États-Unis en nombre de médaillés Fields ; mais ses bénéficiaires les plus dynamiques, ceux qui souhaitent innover et entreprendre, se sont souvent expatriés – non pour échapper à une fiscalité trop lourde, mais parce que l’environnement français paralyse leurs aspirations, qui sont pourtant le nerf de la croissance et de l’emploi.
Ce n’est là qu’un aspect d’un problème beaucoup plus vaste.