Les nouveaux voyages dans la Lune
Jeudi 1er septembre 2016, jour où Elon Musk a trébuché ? L’explosion sur le pas de tir d‘une fusée Falcon-9 est une mauvaise nouvelle pour le patron de SpaceX (et de Tesla).
Elle jette un doute sur les capacités techniques de l’entreprise spatiale alors que l’un de ses principaux concurrents, Ariane 5, vient d‘aligner 73 lancements réussis d‘affilée.
Pourtant, SpaceX dispose encore des atouts dissimulés dans ses manches. Si le dernier test de Falcon-9 a tourné court, SpaceX est parvenu, cette année, à récupérer plusieurs de ses fusées. Objectif à terme : les réutiliser pour drastiquement abaisser les coûts de lancement. Un avantage de poids face à ses concurrents. Le coût de lancement via la future Ariane 6 sera en effet deux fois plus élevé que celui des fusées d‘Elon Musk.
La société a en outre signé des contrats phares dont celui avec la NASA. SpaceX est la première entreprise privée à avoir obtenu un contrat avec l’agence américaine pour le ravitaillement de la Station spatiale internationale (ISS).
Preuve que les vieux routards de l’espace font confiance à Musk et à ses ingénieurs. Et signe, aussi, d‘un changement majeur des temps : celui de la privatisation de l’espace.
Jusqu’à très récemment, tous les projets d‘exploration et d‘exploitation de l’espace étaient entre les mains d‘organismes publics, souvent en coopération internationale. Mais l’arrivée progressive d‘acteurs privés bouleverse déjà les règles du jeu et ouvre la voie à une exploitation ouvertement commerciale de l’espace.
En août dernier, le gouvernement des Etats-Unis a ainsi autorisé la start-up américaine Moon Express à lancer un vol vers la Lune l’année prochaine. Une petite révolution car ce sera le premier vol privé vers notre satellite.
D‘un côté, c’est excitant, du moins pour tous ceux qui demeurent passionnés de conquête spatiale. De l’autre, c’est préoccupant car Moon Express n’oeuvre pas pour la beauté du geste.
La Lune, enjeu de pouvoir
Il est vrai que la conquête spatiale n’a jamais été exempte d‘objectifs très politiques. Ses débuts ont été marqués par la féroce compétition entre l’URSS et les Etats-Unis sur fond de Guerre froide. Si, à partir des années 80, une certaine détente s’est mise en place et que la collaboration internationale a été privilégiée, les intérêts nationaux n’ont jamais complètement disparu.
Ces dernières années, les ambitions clairement affichées de la Chine ou de l’Inde en matière d‘exploration spatiale sont à comprendre comme une affirmation de force venant de puissances économiques et géopolitiques montantes. Etre une puissance spatiale, c’est s’imposer comme une grande puissance terrestre.
Les récents regains de tension entre l’Occident et la Russie ont même fini par avoir des répercussions dans l’espace. Si Washington a offert un contrat de ravitaillement de l’ISS à SpaceX, c’est aussi pour que celui-ci ne dépende plus uniquement de Soyouz.
Les richesses lunaires font rêver, et pas seulement les enfants
Aux fiertés nationales, voire nationalistes, il faut ajouter de nouveaux enjeux — économiques. Car l’espace est riche en matières premières potentiellement exploitables par nous. Dans de précédentes articles (à relire ici et là), je vous avais parlé des projets de mines spatiales, en particulier sur les astéroïdes qui contiennent non seulement des métaux de base mais aussi métaux précieux (or et platine), des terres rares ou de l’eau.
La Lune pourrait servir de base arrière pour ces projets miniers. Elle pourrait aussi héberger des « usines solaires ». Notre satellite ne dispose pas d‘une atmosphère semblable à la nôtre. Le rayonnement solaire y est donc plus important que sur Terre, et l’absence de nuages rendrait les panneaux solaires bien plus efficaces que sur le plancher des vaches.
Certains se prennent donc à rêver de centrales solaires installées sur notre satellite. Resterait « seulement » à transférer l’énergie produite jusqu’à nous. Plusieurs solutions sont envisagées (dont l’utilisation de lasers) et nous aurons certainement l’occasion d‘en reparler.
Outre sa position « spatiale », la Lune recèle d‘autres richesses. Son sol contient, entre autres, du fer, de la silice, du titane ou de l’aluminium. Depuis 2009, on sait en outre que notre satellite contient de l’eau — même si en quantités certainement bien inférieures à celles estimées en premier lieu.
Trésor énergétique lunaire
Mais la grande richesse naturelle lunaire qui aiguise tous les appétits, c’est l’hélium 3. L’hélium 3, isotope de l’hélium, est un gaz léger, non radioactif, rare sur Terre… mais extrêmement utile.
Nous avions exploré le potentiel de la fusion nucléaire. La fusion, c’est la promesse d‘une énergie presque inépuisable et très peu polluante. La solution à tous nos problèmes d‘approvisionnement en énergie. La plupart des projets en cours (dont ITER) reposent sur la fusion de deux isotopes de l’hydrogène, le deutérium et du tritium. Problème, cette fusion dégage de nombreux neutrons, et est légèrement radioactive.
Certains chercheurs prônent donc l’utilisation de l’hélium 3, qui aurait l’avantage de ne pas être radioactif, de n’émettre aucun neutron, et de réduire notamment les pertes d‘énergie du processus de fusion.
Mais voilà, l’hélium 3 est, comme je vous le disais, rare ici-bas. Il est, par contre, abondant à la surface de la Lune. On estime qu’entre 1 et 2 millions de tonnes y ont été déposées par les vents solaires — l’hélium 3 étant éjecté par notre Soleil — et n’attendent plus que nos mains avides.
Car c’est un gaz qui vaut de l’or qui est mélangé à la poussière lunaire. En 2011, un gramme d‘hélium 3 valait 7 000 $, et il a depuis dépassé les 10 000 $. De quoi nourrir quelques ambitions, clairement affichées. Plusieurs études se penchent donc sur la faisabilité d‘une telle exploitation, ses contraintes techniques, son coût et surtout sa rentabilité. La plupart de ces études sont d‘accord : une exploitation de l’hélium 3 lunaire est non seulement possible techniquement mais aussi rentable du moment que la demande et le prix de l’hélium 3 ne cesse de progresser.
Les nouveaux voyages dans la Lune
Voilà donc les raisons qui expliquent la multiplication des projets de retour sur la Lune. Pour rappel, la dernière fois que notre satellite a connu le pied de l’homme, c’était en décembre 1972.
Or depuis quelques années, Etats et entreprises privées sont pris d‘une nouvelle frénésie spatiale. La NASA agite régulièrement l’idée, imitée en cela par la Russie et surtout par la Chine. Le pays s’est embarqué dans un ambitieux programme spatial, comprenant une reprise de l’exploration lunaire. L’année prochaine, la Chine devrait ainsi lancer la sonde spatiale Chang’e 6, dotée d‘un atterrisseur qui sera capable de récolter et de ramener sur Terre plusieurs kilos d‘échantillons lunaires. Un des objectifs officiels de cette mission sera d‘étudier la composition de la poussière lunaire, sa teneur en hélium 3 et les possibilités d‘exploitation de ce gaz.
Comme je vous le disais, la grande nouveauté, c’est l’arrivée d‘acteurs privés — confirmation du potentiel économique de la Lune et de l’espace. En 2007, Google inaugurait un nouveau type de compétition spatiale, le Google Lunar X Prize. 300 millions de dollars récompenseront la première entreprise privée qui parviendra à envoyer un robot sur la Lune, lui faire parcourir au moins 500 mètres et prendre vidéos et photos qui doivent ensuite être transmises vers la Terre, et tout ceci d‘ici fin 2017.
Moon Express, en obtenant l’autorisation du gouvernement américain pour une première mission a pris une longueur d‘avance sur ses concurrents. Au cas où vous auriez des doutes sur les ambitions économiques et commerciales de l’entreprise, voici les mots de son co-fondateur, Naveen Jain :
Dans un futur immédiat, nous envisageons de rapporter sur Terre des matières premières précieuses, des métaux et des roches lunaires.
Et voilà…
Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
L’espace intéresse de nouveau et c’est une bonne nouvelle pour tous les acteurs du secteur. Moon Express et SpaceX sont privées mais ceux d‘entre vous qui souhaiteraient participer à cette nouvelle course à l’espace peuvent s’intéresser au constructeur allemand de satellites OHB (OHB:XETRA), ou encore aux fleurons français de l’aérospatial — tout particulièrement DASSAULT AVIATION (FR0000121725).
Un autre fabricant de satellites a retenu l’attention de Ray Blanco dans NewTech Insider : spécialisé dans l’accès à Internet via satellites, dont la demande explose, cette valeur dispose d‘un fort potentiel de croissance, et d‘une situation de quasi-monopole. Rendez-vous dans NewTech Insider pour ne pas
C. Chevré