Intervention de Jacques Myard : « Le terrorisme, un défi de société »
La lutte contre le terrorisme exige une réponse globale et surtout une connaissance de l’Islam qui dépasse largement la question posée sur la police de proximité.
Conseiller des Affaires Etrangères, membre de la commission des Affaires Etrangères et de la Commission aux Affaires Européennes pendant cinq mandats à lAssemblée nationale, membre de la Délégation parlementaire sur le Renseignement depuis sa création, je me suis toujours fortement intéressé à lIslam. En 1995, jai rédigé un rapport sur les défis en Méditerranée : les dérives de lislam étaient déjà dactualité.
Je ne changerai pas une virgule à ce que jai écrit alors. Le profil des terroristes que nous avions essayé détablir nétait pas celui de quelques « paumés », délinquants en tout genre, mais celui de personnes dotées dune formation, ingénieurs par exemple, souvent en informatique, embrigadées dans un intégrisme forcené, et désireuses dappliquer à la société les certitudes scientifiques dont elles étaient pétries.
Avant toutes choses, je tiens à rendre un hommage appuyé à nos agents du renseignement dont lengagement est total et qui exercent leurs missions dans le cadre dune politique publique indispensable aux prises de décisions du gouvernement de la République qui doit être en mesure dêtre au fait des enjeux géostratégiques et des menaces à lencontre de la France. En un mot, nos agents qui paient malheureusement un lourd tribu ne sont pas des barbouzes mais bien des serviteurs de lintérêt général républicain.
Les intervenants précédents lont déjà dit, il faut connaître lennemi, le nommer, pour mieux le combattre.
Cest la raison pour laquelle je vous donne un premier conseil : apprendre larabe sera plus utile que le globish aliénant. Il ne sagit pas là dune boutade mais dun principe fondamental.
La France a eu de très grands arabisants, spécialistes de lIslam. Hélas , pour de multiples raisons auxquelles participe la fascination pour le monde anglo-saxon, nombre de nos diplomates nont eu de cesse de vouloir faire carrière à Bruxelles ou à New York, méprisant cette civilisation que travaillent de multiples frustrations politique, religieuse, culturelle. La paix se joue sur notre flanc sud, ne loublions pas !
Il est donc impératif que nous investissions à nouveau dans le monde de lIslam et cet investissement est dabord un investissement intellectuel.
Membre des commissions denquête de lAssemblée nationale sur le financement du terrorisme ou sur les individus et filières djihadistes, jai participé également aux trois commissions denquête parlementaires sur les sectes.
On ne peut sempêcher de tisser un parallèle entre le phénomène sectaire et les dérives intégristes islamiques. Comme certaines sectes, la Scientologie ou le Temple solaire, les intégristes islamiques propagent une vision eschatologique du monde. Ladepte de la secte est prêt à tous les sacrifices au nom dune vision eschatologique, incompréhensible pour des esprits rationnels.
A titre dexemple, lors dune audition danciens membres de sectes, une adepte de lEglise de la scientologie affirmait avoir signé un contrat de travail avec cette Eglise pour plusieurs centaines dannées… comprenne qui pourra !
Alors comment lutter ?
Des auditions des commissions denquête à celles de la Délégation parlementaire au renseignement, sans en dévoiler les secrets, jai appris que la lutte contre le terrorisme nest plus simplement une question de police et renseignement, cest un problème de société, un défi de société.
Ce combat politique culturel commence dès lécole maternelle et doit être poursuivi en permanence. Ce travail passe notamment, de mon point de vue, par lenseignement du doute afin de combattre les certitudes intégristes rabâchées à longueur de temps par de véritables gourous.
Je cite souvent ce proverbe indien, qui a une résonance actuelle centrale et qui devrait guider tout citoyen lucide : « Suis celui qui cherche la vérité, fuis celui qui la trouvée ».
Jinsiste sur un point majeur, lIslam intégriste et les intégristes ne veulent pas le pouvoir, cest-à-dire contrôler le gouvernement dun pays et notamment des pays musulmans, ce quils veulent cest contrôler la société, en y imposant leurs lois, leurs conceptions de la société et la charia.
Ce phénomène commence à se développer dans certains quartiers de nos villes perdus par la République. Ces quartiers sont abandonnés au nom dun laxisme et dune prétendue liberté individuelle qui résulte de la fin de comète soixante-huitarde, ce qui conduit à des tensions aujourdhui, à des difficultés sérieuses, voire des affrontements demain.
Je constate que les derniers attentats commis en France, comme en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis – ces derniers abritent la bagatelle de 16 agences de renseignement et une 17ème pour tout coordonner lont été par des individus non connus des services de police et du renseignement et radicalisés en lespace de quelques semaines avant de passer à lacte. Nice, Londres, Berlin sont des attentats perpétrés par des terroristes qui ont échappé aux radars de la détection.
Toutefois, on peut avoir de la chance ! Lorsque des douaniers contrôlent, dans une opération de routine, un bus à Marseille en provenance de Belgique pour rechercher de la drogue, ils découvrent par hasard un individu qui sapprête à commettre des attentats, en possession darmes telles que des kalachnikov. A Clichy-la-Garenne, le plombier est intrigué par du matériel et des substances tout-à-fait inusuels dans un appartement, il alerte les services de police et on découvre un réseau qui préparait des explosifs, bon réflexe !
Ces deux exemples montrent que pour éviter le pire, un simple indice, même faible, doit être rapporté afin dêtre contrôlé.
On est bien au-delà des services de la police de proximité.
Nous sommes tous des victimes potentiels, devenons tous des acteurs de notre sécurité ; sans tomber dans la schizophrénie permanente, ni renouer avec les techniques de lîlotage consistant à rapporter les faits et gestes de toute la population. Nous devons savoir que la lutte contre le terrorisme dépasse le cadre de la police et du renseignement, cest un enjeu pour tous, pour chacun dentre nous.
On disait jadis quun Anglais, quel quil soit, était un agent de renseignement de sa Majesté. Aujourdhui plus que jamais, nous devons prendre conscience que chacun dentre nous a une mission à mener, un rôle à jouer contre des terroristes islamiques décidés à ne nous faire aucun cadeau !
Je vous remercie.