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Denis Tillinac : « Le jeu dangereux de la séduction » par S de La Houssière

 
Que vous inspirent l’actualité de l’affaire Harvey Weinstein et ses conséquences ?
J’observe dans un premier temps que l’outrance de la médiatisation conduit à un déchainement de plainte sur un mode hystérique et collectif que je récuse tout comme je récuse tout appel à la délation, caractéristique des régimes totalitaires. De façon générale je me méfie de toute indignation consécutive à un déferlement médiatique…
Deuxièmement, derrière la vulgarité du hashtag Balancetonporc , on semble oublier cette part obscure du désir. Le désir n’est jamais innocent. Il est dissymétrique et trouble. La quête de féminité révèle une part de clair-obscur : tant que les hommes et les femmes désireront s’unir, il faudra bien que l’homme désire et que la femme soit désirable. Cette dissymétrie est naturelle, incontournable. Elle donne sa marque à toute la polarité du masculin et du féminin. C’est elle qui met davantage la violence du côté masculin. Plus on libérera la sexualité, plus on s’apercevra que le désir de l’une et celui de l’autre ne sont pas branchés sur la même prise. On assiste donc la récusation de toute l’ambiguïté, de toute l’ambivalence du rapport homme/femme, ce mystère de la séduction, jeu que les Latins pratiquent avec plus de décontraction que les Anglo-saxons ou les Scandinaves : c’est le marivaudage à la française.
Bien entendu le viol et la violence sous toutes ses formes y compris sexuelle sont un crime qu’il nous appartient de condamner
Le combat historique d’une pleine majorité civile de la femme est pratiquement terminé ; elle jouit de la plénitude des droits dévolus aux adultes de deux sexes. Ce fut le combat légitime et courageux (nonobstant certaines outrances) d’ Antoinette Fouque qui survalorisait l’altérité des genres, posant en axiome la singularité de l’imaginaire, du désir et de la créativité proprement féminine s’opposant à une masculinité brutale, métallique et quantitative.
On n’en est plus là avec le militantisme néo féministe qui devient une radicalisation sectaire et une récusation du genre qui dénonce toute forme possible de virilité en passant par l’égalité strictement comptable, véritable atteinte à la liberté démocratique aboutissant à un androgynat mental. Que cherche t-on dans cette affaire : à émasculer les psychismes au prix d’un flicage kafkaïen ?
 
Aussi longtemps que l’infériorité physique sur le plan de la force assura à l’homme l’exclusivité du combat guerrier, la femme fut à sa botte. Il fallait être un mec pour porter une armure de 20 kilos et brandir un glaive. Avec l’avènement des armes à feu, la prérogative masculine a perdu son fondement : nul besoin de biceps pour larguer des bombes d’un avion.
Elle fut en Occident la page blanche sur laquelle l’homme a inscrit les figures essentielles de son imaginaire : la Vierge puis Yseult, Héloïse, Ophélie, la sylphide de Chateaubriand, Emma Bovary, Brigitte Bardot. La femme désormais est un individu. Elle vote, elle siège, elle gère, elle gouverne à l’occasion, elle est chef d’entreprise, pilote de chasse ou universitaire. Elle maîtrise sa fécondité avec le concours de la science. Elle revendique son droit aux prérogatives jadis dévolues à la virilité avec des impatiences et des contradictions qui désorientent son père, son mari, son amant, ses enfants, son patron, ses subordonnés.

Dans ces conditions quel est l’avenir de l’“éternel féminin” sur lequel repose notre architecture spirituelle, esthétique, sentimentale et érotique ? Comment se redessinera la polarité homme/femme ? Si elle périclite, un Big Brother sans sexe prendra sûrement le relais. Comment éviter que la femme “moderne” ne devienne une déclinaison féminine du macho ?
La civilisation occidentale est fondée sur deux héritages, le gréco-romain et le judéo-chrétien, qui se conjuguent avec deux cultes de la féminité: Aphrodite et la Vierge, qui fondent l’histoire de l’art occidental.La féminité est plus que la singularité de la psyché féminine, elle est un imaginaire qui permet à l’homme de se dépasser.
Le rapport de séduction doit persister sur la base d’une altérité et d’une séduction qui ne doit jamais tomber dans la guerre des sexes car elle produit le pire : une femme qui devient un homme au féminin.

Comments

  • Anonyme
    novembre 4, 2017

    4.5

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