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Les patriotes sont de retour ! Par la grâce de Florian Philippot

Les patriotes sont de retour ! Par la grâce de Florian Philippot, ex-numéro 2 du FN, fondateur du mouvement-parti « Les Patriotes », le mot « patriote » fait un retour inattendu dans la sémantique politique.
Patrie, patriotisme, patriote, c’est la trilogie apparue en 1789. Pour être précis, rappelons un fait majeur. En juillet 1792, l’Assemblée du peuple décrète « la Patrie en danger ». Aussitôt des milliers de Français âgés d’au-moins 16 ans se précipitent pour s’enrôler dans les armées de la République, en guerre, depuis le mois d’avril, contre l’Autriche. Tous veulent mourir pour « la défense de la Patrie ». Ils le font au son de La Marseillaise qui, dès le premier couplet, en appelle aux « Enfants de la Patrie ». Certains tomberont au champ d’honneur. On dira alors qu’ils ont bien « mérité de la patrie ».
On l’aura compris, le patriote est d’abord un homme en armes. C’est le nom que se donnent déjà les révoltés américains, en 1776. Dès lors, l’Histoire va se remplir régulièrement de patriotes. Les « poilus » de 1914-1910 sont des patriotes, les résistants durant l’Occupation sont aussi des patriotes. Tous se lèvent pour « défendre la Patrie en danger ». C’est donc clairement dans un contexte de guerre que s’exprime d’abord le patriotisme.
Ce premier caractère du patriotisme explique le second. Le patriotisme est un mot « fédérateur », au contraire du nationalisme par exemple, qui a toujours été un mot « diviseur », classé tour à tour à gauche (sous la Révolution) et à gauche (durant l’Entre-deux-Guerres). Le patriote donc, au contraire du nationaliste, n’est ni à droite ni à gauche (on ne parle pas du reste de « patriotiste »). Il y a des patriotes partout. Jaurès est un patriote socialiste, Maurras un patriote nationaliste, Marchais un patriote communiste. En 1945, la CGT se présentera comme un syndicat en lutte contre les « trusts sans patrie », tout en reconnaissant qu’il puisse y avoir des « patrons patriotes ». Et l’on sait combien le général de Gaulle était attaché à la patrie française, mentionné dans tous ses discours.
A la mort du fondateur de la Vème République, et avec l’essor de la construction européenne, le mot de « patrie » va perd de sa force sémantique structurante. Les mots de « nation » et de « souveraineté » le remplacent. Il sera désormais question plutôt de « souverainistes », ceux-ci pouvant du reste se situer tant à droite, avec Charles Pasqua, qu’à gauche avec Jean-Pierre Chevènement.

Aujourd’hui plus aucun homme politique ne parle de Patrie, et seuls nos chefs de l’Etat, à l’occasion d’allocutions télévisées, s’adressent encore aux Français, en parlant de « Chers compatriotes ».
Non-usité, le mot « patriote » n’a en tout cas plus la connotation « extrême-droite » qu’il pouvait avoir au temps de Paul Déroulède. Autrement dit, il n’est pas répulsif. Reste à savoir si, par l’initiative de Florian Philippot, il peut retrouver sa vertu fédératrice d’antan. Nous verrons ce point ultérieurement.
Quel est donc aujourd’hui l’avenir des « Patriotes » de l’ex-numéro 2 du FN ? Ce parti, créé à l’été 2017, revendique 5 000 adhérents (mais l’on sait la fragilité des chiffres communiqués par les responsables des formations partisanes) et dispose désormais d’une « charte » en 26 points. Parmi les idées-phare, la sortie de l’Union européenne, une nouvelle monnaie nationale et le « patriotisme économique ».
Cette dernière idée revitalise la notion de patriotisme. Celui-ci n’étant plus, dans nos sociétés européennes apaisées, « guerrier » (au sens de conflit armé), il devient, par la volonté de M. Philippot, « économique » (à cet égard, en pensant à l’exception culturelle chère à la France, on pourrait, me semble-t-il, tout autant parler de « patriotisme culturel »).
Le pari du « patriotisme économique », visant à rétablir une totale « souveraineté économique » de notre pays, est osé, et sans doute risqué, dans l’optique du rassemblement trans-partisan tenté par le leader des « Patriotes ». En effet, à l’évidence un « patriote économique » est un « anti-européen » assumé.
Ainsi, de fédérateur qu’il était à l’origine, le terme « patriote » devient clivant. Le « patriotisme économique » est bel et bien un « nationalisme économique ». Néanmoins, si l’on considère que les « pro » et les « anti » européens » se rencontrent aujourd’hui dans chaque camp, aussi bien à gauche qu’à droite, toute perspective de rassemblement des « patriotes de gauche » et des « patriotes de droite » n’est pas à exclure. Nous verrons bien !

Michel FIZE, auteur de « Radicalisation de la jeunesse : la montée des extrêmes » (Eyrolles, 2016).

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