Les vieux sont-ils inflationnistes ?
Un vieux oui, les vieux non. « Un vieux » oui : il consomme, surtout des services – tourisme et voyages en début de retraite, soins domestiques ensuite, soins médicaux après, et bien sûr sans produire. Sur la période 1955-2014 et sur 22 pays avancés, le vieux entre 65 et 79 ans serait responsable de 0,4% d’inflation en plus que l’indice total. Il est inflationniste, mais pas seul. Le jeune, entre 15 et 25 ans, l’est plus que lui pour 0,7%, lui qui consomme biens et services neufs, souvent chers, sans plus produire !
Mais « les vieux » ne sont pas non plus seuls : l’espèce humaine vieillit partout, en Italie et au Japon surtout, en Allemagne et en Chine ensuite, puis en France et aux États-Unis. En Italie et au Japon en 2050, il y aura 8 personnes de plus de 65 ans contre 10 entre 20 et 64 ans (« taux de dépendance des personnes âgées »), 7 en Allemagne, 6 en Chine, 5 en France et 4 aux Etats-Unis. Partout, sous le double effet de la baisse de la natalité et de l’allongement de la durée de vie, 85 ans à la naissance désormais, le vieillissement fait monter ce taux de dépendance. Pour l’ONU, Japon, Italie et Allemagne ont des « populations très âgées » (la part des plus de 65 ans y représente plus de 20% de la population totale). Celles de France et des États-Unis sont « âgées » (plus de 14%), la Chine vieillit, 10%, très vite.
Les pays les plus vieux ont peu d’inflation : 0,5% en Italie, 1,4% en Allemagne, 1,5% au Japon, avec beaucoup de dette publique : au Japon (2,5 fois le PIB) et en Italie (1,3 fois le PIB), l’Allemagne étant un modèle, avec 0,8 fois le PIB. Dans ces vieux pays, la déflation a frappé, éloignée par des achats de bons du trésor par les banques centrales. Ils ont fait baisser les taux d’intérêt et poussé à la croissance par la dette. Mais pour combien de temps ? Et la France, vieillissante, assez inflationniste (1,1%) et endettée (une fois le PIB), va-t-elle pencher vers l’inflation ou la déflation ? Comment analyser ce jeu de forces entre « le vieux » et « les vieux » ?
Oui, les personnes âgées sont inflationnistes parce qu’elles arrêtent de produire. Elles exercent une pression à la hausse sur la demande de biens et de services, et diminuent l’offre, sortant du marché du travail. Mais elles sont aussi déflationnistes, parce qu’elles arrêtent de produire ! Leur départ est une perte de compétences et de capital humain. Et la croissance future en sera plus faible. Elle sera aussi plus fragile en cas de chocs externes, sociaux, politiques, militaires… par manque du « ressort » imputé aux jeunes. En plus, « les vieux » consomment moins. Entre les 80 et les 40 ans d’aujourd’hui, c’est une consommation totale diminuée des deux tiers que l’on mesure en France : moitié moins de produits alimentaires, boissons et dépenses de logement, huit fois moins de dépenses de vêtements et chaussures, un tiers de moins de biens et services culturels. Certes, il y a autant de communication et bien plus de services (huit fois), mais avec des montants évidemment plus faibles.
Surtout, comment consommeront dans vingt ans les quadras d’aujourd’hui, et dans quarante les geeks actuels ? Voudront-ils plus de services, pour vivre plus longtemps chez eux ? Inflationniste ou déflationniste ? Achèteront-ils plus par internet, partageront-t-ils les logements et les moyens de transport, vont-ils communiquer et se cultiver plus de chez eux ? Déflationniste ?
Et quelles retraites, quand les « jeunes » seront « vieux » ? Si les retraités actuels et futurs vendent leurs actions pour conserver leur niveau de vie, l’effet sera déflationniste. Mais nous serons alors bien plus soucieux de la lutte contre l’inflation, à l’allemande. Les gouvernements d’aujourd’hui et de demain devront se soucier plus de la dette publique, aujourd’hui en mains françaises pour 44,5%, soit plus qu’il y a dix ans (32,2%). Attention, les vieux plus nombreux votent plus ! Au deuxième scrutin des législatives de 2017, le taux d’abstention des 18-24 ans est de 74%, celui des 70 ans et plus de 39%.
Eh oui, « les vieux » sont désinflationnistes. C’est une bonne chose si les entreprises s’adaptent à leurs besoins, si les politiques en profitent pour moderniser les structures publiques, réduire les impôts et moderniser les systèmes de soin, avec plus de suivi et de prévention. Sinon, les vieux se vengeront : ils épargneront plus, ce qui sera déflationniste, achèteront la dette allemande ou, pire, chinoise. Le vieux est l’avenir du jeune !