SNCF ET RFF: LA REUNIFICATION EST PROCHE
S’il faut agir au plus vite, c’est parce que mal du rail français est aujourd’hui bien identifié et qu’il s’aggrave. Il avait été diagnostiqué l’an dernier lors des Assises du ferroviaire où des experts avaient planché sur l’impasse financière du système. Ils avaient identifié plusieurs problèmes: un réseau pas assez rénové au profit d’onéreuses lignes à grande vitesse, des travaux de maintenance trop coûteux ou encore une gouvernance partagée, source d’inefficacité.
Depuis 1997, la gestion du réseau est confiée à RFF (Réseau ferré de France) et son exploitation assurée par la SNCF et quelques opérateurs privés. Mais les compétences se chevauchent et l’endettement conjugué des deux entreprises, qui s’élève à plus de 32 milliards, croît de plus d’un milliard par an et devrait doubler d’ici à 2025.
La réunification de la SNCF et de RFF a fait couler beaucoup d’encre depuis une semaine. Cette nouvelle organisation sous forme de « pôle public ferroviaire intégré » comme l’a annoncé le ministre, avec d’une part un « gestionnaire d’infrastructure unifié » (GIU) regroupant les personnels de RFF de SNCF Infra et de la DCF, et d’autre part, la SNCF, exploitant ferroviaire, à laquelle le GIU sera rattaché, devrait être proposée en 2013. Guillaume Pépy s’est lamenté qu’à peine annoncée la réforme soit « flinguée » par les observateurs. Procès d’intention ou véritable occasion manquée ?
Certes la réforme simplifie l’organisation complexe mise en place en 1997 par manque de courage politique. Cette situation avait pourtant duré pendant 15 ans, et même si tout le monde s’accorde à dire que la répartition des rôles était inefficace et source de gaspillages, elle avait été le préalable à l’ouverture à la concurrence du réseau français et à l’arrivée de nouveaux entrants progressivement dans le fret ferroviaire, puis dans le transport international de voyageurs. La SNCF reconnaît d’ailleurs sur son site « une concurrence ferroviaire très dynamique » puisqu’en 2011 les nouveaux entrants en matière de fret détiennent tout de même 29% des parts de marché (en trains.km). C’est sans doute pourquoi de nombreux observateurs redoutent que la réforme ressemble à un grand bond en arrière en limitant la concurrence et le développement du rail.
D’abord, parce que cette réforme semble avoir été faite au seul bénéfice de la SNCF qui sort renforcée de cette nouvelle gouvernance et l’assurance donnée par le ministre que l’ouverture à la concurrence sur le trafic voyageurs domestique sera reportée le plus tard possible, c’est-à-dire en 2019 dernière limite. Par ailleurs, le ministre veut donner des gages à la famille cheminote à qui il veut offrir un nouveau pacte social. Une configuration qui fait craindre un possible abus de position dominante de la part de l’opérateur historique.
En théorie cette crainte est infondée si l’on en croit la Cour de justice européenne qui a donné son aval à cette organisation, assez fréquente en Europe et dans le monde. De toute façon des garanties devraient être données grâce à des pouvoirs étendus donnés à l’ARAF – autorité de régulation des activités ferroviaires – et la création d’un Haut-comité. Mais le président de l’ARAF, Pierre Cardo, reste dubitatif : « je ne sais pas si j’aurai toutes les informations dans mon viseur puisqu’elles me parviendront d’une seule entité unifiée« . A Bruxellesi, cette organisation ne passe pas auprès du Commissaire européen aux transports Sam Kallas qui a déclaré : « le retour aux structures intégrées d’il y a 20 ans n’est pas la voie d’avenir« . La Commission doit dévoiler les grandes lignes du 4e paquet ferroviaire européen d’ici la fin de l’année, qui prévoit de renforcer la concurrence pour développer le ferroviaire en rendant obligatoires les appels d’offres pour les transports régionaux et en ouvrant le transport domestique, notamment les TGV, à la concurrence. La France semble donc à contre-courant avec sa nouvelle organisation institutionnelle.
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