« POLITIQUE DE DEPENSE PUBLIQUE STRUCTURELLE DISCRETIONNAIRE »
Le keynésianisme à la française que je préfère appeler « politique de dépense publique structurelle discrétionnaire » est en train de toucher à sa fin.
Ce fut très long, très inefficace mais cela le sera encore plus dans la défaisance de cette politique basée sur l’électoralisme et l’assurance que les nations fourmis financeront sans arrêt la dette des cigales, et que les banques para-étatiques ou les zinzins aux ordres continueront sans limites à acheter des obligations du Trésor…
1/ La principale cause de cet effondrement du modèle keynésien est bien sur le niveau élevé de la dette publique réelle.
Rappelons qu’il ne s’agit pas de la dette comptabilisée selon Maastricht mais aussi des engagements de l’état. Dette française à fin 2009 : 1 500,8 milliards d’euros, soit 77,9 % du PIB. Déficit public français 2010 : 173,7 milliards d’euros (soit 5508 euros par seconde). La dette publique réelle est d’environ 1500 + 173 (déficit 2010) + 900 (engagements des retraites et autres avantages sociaux) = 2573 milliards d’euro. PIB (France 2009) = 2676 milliards d’euro. Dette réelle en % du PIB: 96,2%
2/ La deuxième cause est conjoncturelle.
Les investisseurs qui sont, rappelons-le, des gestionnaires de fonds, en particulier de fonds de pension mais aussi d’autres investisseurs sur toute la planète, doutent de la capacité des états européens à rembourser leur dette publique en raison du ralentissement économique. En conséquence les taux de rendement demandés pour les obligations d’état grimpent comme les contrats d’assurance contre le défaut de paiement. Un enfant de 5 ans est capable de comprendre ce mécanisme qui n’a rien à voir avec une spéculation animée par la cupidité. Les spéculateurs sont essentiels car ils voient loin; ils étudient les situations économiques, et informent le marché par leurs prise de position. Les états sont trop endettés, depuis trop longtemps et sans perspective raisonnable de désendettement, ce qui suffit à entretenir la défiance des investisseurs.
3/ La troisième cause est politique.
Nous assistons à une crise sérieuse entre la France et l’Allemagne et, plus généralement, entre un bloc de pays qui entendent maîtriser la dépense publique coûte que coûte pour éviter le syndrome grec et d’autres qui voudraient, après avoir pris beaucoup d’euphorisants, continuer dans la même voie, s’endetter pour dépenser et relancer. La situation est très grave car les pays endettés sont pour la plupart au seuil du syndrome grec et que la France pourrait se laisser glisser dans le paquet arrière du peloton, notamment en raison de son déficit budgétaire record et de la dégradation de sa notation.
Les keynésiens français ne cessent de critiquer l’Allemagne, qu’il s’agisse des journalistes du Monde ou bien de Mme Lagarde, bien mal inspirée en la matière. La critique est toujours la même : les allemands ne consomment pas assez. Ils suffirait qu’ils consomment un peu plus pour que la relance par la demande (l’alpha et l’oméga des keynésiens)
nous tire d’affaire. Voyons pourquoi ils ont profondément tort :
3.1/ Il est particulièrement arrogant dans un monde libre que certains veuillent obliger d’autres peuples à consommer d’avantage.
A coup sur il s’agirait d’un nouveau planisme à la soviétique avec diverses primes et bons d’achat dont on sait le bilan néfaste puisqu’ils ne contribuent qu’à pérenniser des parts de marché en favorisant les entreprises établies au détriment des nouveaux entrants ou en prolongeant des industries en bout de course – ce qui conduit à priver d’investissement l’innovation, et à fausser les choix des consommateurs en abaissant les prix par des subventions.
Les peuples ont des comportement collectifs qui témoignent de leur histoire, de leur culture, et il est choquant d’entendre des responsables politiques européens juger la façon dont les allemands consomment, s’habillent ou changent de voiture. Le consommateur, le citoyen doit rester libre de ses choix dans un marché concurrentiel et ouvert. Autant dire que les allemands préfèrent la sécurité de l’emploi à des augmentations de salaire et, en aval, au chômage. Autant dire qu’ils sont libres de construire leur contrat social, et que les jugements hasardeux des politiques européens ne les feront pas changer d’un iota.
Après tout, ce contrat social marche assez bien et si leurs produits sont préférés aux autres ce n’est que le résultat de leur travail et de la concurrence libre et non faussée.
3.2/ Les keynésiens, dans leur volonté permanente de privilégier la demande sans se préoccuper de la dette, sapent les fondements sociaux qui incluent, pour les ménages, une épargne de sécurité et une préférence pour l’avenir.
Selon eux, l’épargnant est en effet le coupable. S’il achetait,au lieu d’épargner, la machine repartirait.
Cette fable est fausse, du début jusqu’à la fin. Tout d’abord l’épargnant n’est pas épargnant toute sa vie; il épargne puis il dépense. Il faut scrupuleusement respecter son sens de l’anticipation qui est fonction des perspectives économiques et fiscales (équivalence Ricardienne), et enfin personnelles. Epargner est donc vital pour un individu ou un ménage. Anticiper les conditions de sa retraite l’est tout autant. Au moment de vérité actuel, où l’illusion de la répartition lors d’un déclin démographique des actifs a été comprise par beaucoup d’entre nous, il convient aussi de laisser le choix pour le futur s’exercer, au lieu de continuer à faire croire que l’état subviendra aux besoins des retraites par répartition à des taux d’actifs de 1,5 pour 4 retraités !
L’individu bien informé fait des choix économiques, et les keynésiens sont près à dénoncer ceux qui sont prudents au motif qu’il faudrait à tout prix relancer la machine économique par encore plus de dette. Cette attitude est attentatoire aux libertés et elle est socialement immorale.
3.3/ Mais alors comment trouver une solution à la problématique Wolfienne?
Martin Wolf, l’éditorialiste économique du Financial Times, répète depuis plusieurs mois que si l’Allemagne à un compte courant positif (elle exporte plus qu’elle n’importe), c’est parce que d’autres pays acceptent d’être dans le rouge – c’est à dire d’importer plus qu’ils n’exportent. Et aussitôt il déclare, péremptoirement : il faut que l’Allemagne consomme plus, sinon les déséquilibres vont persister en Europe avec une monnaie commune qui sera nécessairement menacée à terme dans son existence même.
En réalité il y a deux problèmes.
– L’Allemagne mais aussi d’autres pays sont de gros exportateurs, la Chine par exemple. Ce que les citoyens achètent à ces pays a été, depuis des décennies, financé en partie par de la dette bon marché et des monnaies, notamment l’euro, très surévaluées. Et c’est bien là que des dysfonctionnements ont alimenté les déséquilibres, s’agissant de la dette privée.
Mais, répétons-le, ce n’est pas le problème de la France ! La France est endettée par son gouvernement et son parlement,, pas par les décisions personnelles de ses habitants, ou même de ses entreprises, qui, eux, sont assez prudents ! Sii les acheteurs de biens et services allemands ou chinois s’endettent ,cela aura nécessairement une fin que le marché régule très bien. Il ne faut en aucun cas que les gouvernements jouent les apprentis sorciers en essayant de faire en sorte que les allemands consomment ! Car cela ne règlera en rien l’endettement actuel privé, ou public, qui est la cause unique de nos problèmes.
– La monnaie unique et sa résilience aux déséquilibres économiques. Là aussi c’est l’éviction des mécanismes de marché qui est en cause.
En décrétant une monnaie unique, mais en s’interdisant (notamment à Dublin) toute sanction pour ceux qui ne respecteraient pas la discipline budgétaire, les gouvernements ont sapé les fondations de l’euro. Il eut fallu que les mécanismes de sanction soient effectifs pour que les grecs redressent leur bâteau à temps, et d’autres avec eux. Les allemands ne sont pas responsables, mais les français et ceux qui ont soutenu la non-automaticité des sanctions, oui.
Ainsi, et contrairement à la description de Martin Wolf, les choses ne sont pas figées. Les nations exportatrices auront plus de difficulté avec la crise du crédit à trouver des acheteurs, à moins que leurs produits ne soient réellement indispensables et supérieurs, ce qui consacre en quelque sorte un avantage concurrentiel et poussera les autres pays à des réformes indispensables de leur tissu économique. Le marché permet les adaptations nécessaires; nul n’est besoin de stigmatiser le mode de vie des allemands!
C’est bien ce qui se produit. La téléphonie mobile, les ordinateurs nous démonternt combien la concurrence et l’innovation sont les clés de la réussite économique, mais il en est de même dans d’autres industries à cycle de produit plus long ou bien plus éloignées du choix direct des consommateurs.
4/ Nous avons besoin de la croissance, pas de dette!
Oui, nous avons besoin de croissance. Et ce n’est pas la faute de la crise; cela fait 35 ans que la croissance décline. C’est bien là que se trouve le problème. Plusieurs analyses démontrent de manière indubitable que la croissance inexorable des prélèvements obligatoires et de la dette est corrélée à la chute de la croissance.
Les keynésiens s’empressent d’ajouter que corrélation ne saurait être causalité, et ils nous ressortent la faiblesse de la demande.
En réalité c’est bien l’extravagante dépense publique qui assèche la demande et l’investissement privés. Si à côté de cet effet d’éviction on rappelle les rigidités de notre système économique, le poids des prélèvements sur le travail, un assistanat disproportionné par rapport à la situation sociale, on comprendra pourquoi, après la crise, la croissance restera bridée, comme avant la crise.
Cette crise aura été une occasion manquée pour dire la vérité aux français : nous sommes trop peu à travailler trop et à produire beaucoup pour un secteur public trop important qui produit peu, et un nombre d’inactifs grandissant qui jouissent de droits sociaux exorbitants financés par de la dette.
La version originale de cet article a été publiée sur le blog personnel de Guy-André Pelouse, TheGap-Cosmosophy, en date du 23 juin 2010