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Les talibans cherchent des acheteurs d’armes américaines capturées

Au fur et à mesure de la prise de grandes communes en Afghanistan, les troupes des talibans se sont emparés de plusieurs grands entrepôts logistiques du contingent de l’Otan en Afghanistan. Ainsi que des unités des forces gouvernementales qui, selon les plans des Américains, devaient contenir l’offensive des talibans pendant 3 à 6 mois. 

D’après les sources ouvertes, les trophées afghans incluent : 

– des véhicules blindés de transport de troupes à roues d’origine américaine ; 

– 23 avions d’attaque à turbopropulseur A-29 Super Tucano (de la compagnie brésilienne Embraer); 

– 33 hélicoptères de transport Mi-17 achetés plus tôt à la Russie pour les forces gouvernementales afghanes ; 

– 33 hélicoptères de transport UH-60 Blackhawk ; 

– 4 hélicoptères d’attaque Mi-35 transmis par l’Inde. 

De plus, les talibans ont capturé plusieurs avions de transport à hélices légers et moyens de fabrication américaine. Ainsi qu’une grande quantité d’armes d’infanterie et de pièces de rechange, des équipements et des moyens de transmission. 

Les autorités talibanes pourraient décider de vendre une partie des blindés à roues à la Chine, à la Turquie ou à d’autres pays qui souhaiteraient examiner l’armement américain. 

En particulier, les entreprises militaires chinoises pourraient racheter aux talibans via des médiateurs pakistanais plusieurs hélicoptères UH-60 Blackhawk pour les démonter et analyser la structure des moteurs. 

Les talibans vendront une partie des avions d’attaque A-29 Super Tucano en pièces détachées aux pays qui ont établi des relations politico-militaires étroites avec le mouvement afghan (l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar). 

Dans l’ensemble, la vente du matériel aéronautique et automobile, de l’armement et des équipements fournira aux talibans du liquide pour payer les livraisons de la nourriture et d’autres produits nécessaires dans le contexte de la catastrophe économique qui perdure. À noter que la détermination des talibans à ce sujet n’a fait que se renforcer après l’annonce du blocage des réserves de change de l’Afghanistan par les États-Unis. 

Il est fort probable que l’ampleur des ventes du matériel militaire étranger soit conséquente, car sa valeur est estimée à près de 85 milliards de dollars. Rien que la moitié de cette somme permettrait aux talibans d’amortir les conséquences de l’effondrement économique, étant donné que les comptes du gouvernement afghan sont bloqués. 

Les talibans pourraient échanger une partie du matériel capturé contre d’autres armements et munitions plus efficaces dans les conditions afghanes. 

Fin 2021, les experts du Centre de la politique internationale (CIP) de Washington ont publié une étude intitulée « Les armes abandonnées en Afghanistan ». 

Les auteurs du rapport estiment qu’en deux décennies de guerre les États-Unis ont projeté des armes, des équipements et d’autres moyens pour des milliards de dollars. Mais avec le départ précipité des forces américaines et l’effondrement encore plus rapide des forces nationales de défense et de sécurité afghanes (ANDSF), les talibans ont pris le contrôle de l’arsenal abandonné par les États-Unis et leurs alliés. 

Les informations les plus détaillées sur les exportations d’armes américaines sont reflétées dans le rapport du Government Accountability Office (GAO) pour 2017 et dans le rapport de l’Inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan (SIGAR) pour 2020. Mais ces documents officiels ne permettent pas d’évaluer intégralement la composition de l’arsenal des ANDSF: il n’y a pas d’informations sur les dysfonctionnements de l’armement et du matériel, sur leurs pannes ou les pièces de rechange nécessaires. L’équipement pourrait être endommagé dans les conditions climatiques austères de l’Afghanistan ou tomber en panne pour d’autres raisons. De plus, les États-Unis ont perdu plusieurs véhicules lors de son transport. 

De cette manière, les spécialistes américains reconnaissent qu’il est impossible d’évaluer tout l’arsenal actuellement contrôlé par les talibans, mais cet arsenal représente différents risques tant bien au niveau local qu’en dehors de l’Afghanistan. 

Le réarmement des talibans entraîne l’apparition de nouveaux défis pour la sécurité internationale liés aux importations et exportations illégales d’armes conventionnelles. Au final, la communauté internationale pourrait assister aux tendances à long terme suivantes : 

1. La hausse du niveau d’équipement technique permettra aux talibans de lutter plus efficacement contre d’autres groupuscules qui prévoient des attentats visant des sites d’infrastructure du pays.

 2. Compte tenu des particularités de la confrontation en Afghanistan, les talibans pourraient activement utiliser des explosifs artisanaux de grande puissance et des mortiers de différents calibres. Les véhicules blindés à roues et même les véhicules de transport à chenilles de classe M113 n’assurent pas le niveau de protection nécessaire pour les unités. 

3. Avec le départ des pays membres de l’Otan d’Afghanistan, l’armement occidental se retrouvera en possession des ingénieurs d’entreprises militaires de plusieurs pays travaillant sur de nouveaux modèles d’armement ainsi qu’entre les mains des extrémistes, car les talibans ne se sont pas engagés à bloquer l’activité d’autres groupuscules même sur le territoire afghan. 

4. Grâce aux technologies de l’information modernes, à savoir aux réseaux sociaux, aux programmes de transmission de messages cryptés et d’autres, les groupes islamistes à travers le monde pourront coordonner leurs actions et utiliser plus efficacement les armements qu’ils recevront de la part des talibans à des prix raisonnables ou dans le cadre d’une « aide fraternelle aux musulmans combattant pour la liberté ».

Alexandre Lemoine

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