Macron: «Je vois trop souvent de l’hypocrisie, en particulier, sur le continent africain» Par Olivier Renault
Emmanuel Macron a débuté sa « petite tournée» africaine de son second quinquennat en foulant le sol du Cameroun pour un voyage qui conduit au Bénin et en Guinée-Bissau en consacrant, selon l’agenda de l’Elysée, un jour par pays.
Il est, donc, question d’une visite à la vitesse de l’éclair sur le continent africain en raison du ton employé par le chef d’Etat français qui est surtout venu y tancer le non-conformisme africain vis-à-vis de la politique française et occidentale. Il est intéressant d’observer que cette visite a lieu au même moment que celle du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, sur le continent africain.
Clash diplomatique de la France? Les Etats africains semblent adopter un comportement diplomatique plus responsables que la France. France Info indique que «depuis plusieurs années, les relations entre le [Cameroun et la France] sont quasiment inexistantes» alors qu’Emmanuel Macron parle dans sa conférence de presse à Yaoundé «de la profondeur de la relation franco-camerounaise et du caractère exceptionnel de l’amitié entre nos deux pays» et que «nos priorités communes ont fait du Cameroun l’un des premiers partenaires de l’Agence française de développement (AFD)».
Durant sa conférence de presse avec le président du Cameroun, Paul Biya, le président français a employé, en adoptant des mots frôlant le clash diplomatique en direction des pays africains concernant le conflit en Ukraine sans désigner directement la Russie: «Je vois trop souvent de l’hypocrisie, en particulier sur le continent africain (…) à ne pas savoir qualifier une guerre, parce qu’il y a des pressions diplomatiques, je ne suis pas dupe».
Emmanuel Macron déclare – dénonçant en somme la diplomatie intelligente et la sagesse des pays africains – constater «un contraste entre cette attitude et celle des Européens, qui «n’est en aucun cas de participer à cette guerre, mais de la reconnaître et de la nommer».
L’Agence française de développement (AFD) reconnaît, par ailleurs, que «le Cameroun est aujourd’hui pleinement entré dans l’économie mondialisée et séduit de nouveaux partenaires en Asie, au Moyen-Orient, en Europe occidentale ou de l’Est». C’est justement ce qui inquiète le président français et explique son voyage express. La France décroche sur le continent africain au profit d’autres puissances.
Violences ethniques, insurrection de séparatistes anglophones, attaques djihadistes. Emmanuel Macron affirme saluer «notre qualité de collaboration de sécurité et de défense» avec le Cameroun, précisant que «là aussi nous souhaitons la renforcer» avec une « coopération pour lutter contre le terrorisme dans le bassin du lac Tchad».
Il faut aller, par exemple, sur le site africain du Congo, Media Congo, pour apprendre que le Cameroun «est déchiré par des violences ethniques et une insurrection de séparatistes anglophones» et que «ces derniers luttent pour l’indépendance de deux provinces anglophones depuis 2017». A cela s’ajoute des attaques des djihadistes de Boko Haram dans le nord du pays.
Observateur Continental avait rapporté que le Mali, pays voisin du Cameroun, a annoncé «la rupture des accords de défense avec la France » et expliqué que les relations sont devenues mauvaises entre Bamako et Paris car l’establishment élyséen, et plus généralement occidental, est toujours dans la totale incapacité à faire preuve d’un minimum d’adaptation aux règles du monde multipolaire. La France a été incapable de mener la paix au Mali malgré ses promesses. Que valent dans ce contexte les paroles d’Emmanuel Macron au Cameroun et dans les deux autres pays qu’il doit visiter ?
Indignation du président du Cameroun. Media Congo a rappelé qu’Emmanuel Macron avait « provoqué l’indignation du président Paul Biya en déclarant qu’il appliquerait une « pression maximale » sur lui pour qu’il fasse face aux violences « intolérables » dans la nation qu’il dirige depuis près de 40 ans». Ce qui expliquerait le fait que, selon France Info, « depuis plusieurs années, les relations entre le [Cameroun et la France] sont quasiment inexistantes » et que ce pays comme d’autres sur le continent africain se tournent en direction de la Russie ou de la Chine. Le langage employé de l’actuel président français envers l’Afrique ne risque pas d’échapper, premièrement, aux habitants du continent africain, mais aussi aux observateurs internationaux.
La France est la Russie en visite en Afrique au même moment. «Le chef de la diplomatie russe [ Sergueï Lavrov] est arrivé en Ouganda. C’est la troisième étape de sa tournée africaine, après avoir été en Egypte et au Congo», informe TV5 Monde. Emmanuel Macron a, semble-t-il, emboîté le pas à la diplomatie russe pour tenter de ne pas laisser celle-ci seule à l’œuvre sur le continent africain puisque le président français commence sa «petite tournée» alors que le diplomate russe termine sa visite diplomatique.
Le média Al-Mayadeen, basé dans la capitale libanaise à Beyrouth, insiste sur le fait que le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukry, a souligné, lors de sa rencontre avec son homologue russe, l’importance de parvenir à une solution diplomatique à la crise ukrainienne, notant que la crise «affectait l’Egypte» en ce qui concerne la sécurité alimentaire et qu’il ne faut, donc, pas faire perdurer ce conflit en envoyant des armes comme la France le fait en se tapant sur la poitrine.
Congo Media Time titre que le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est venu apporter «un message de Vladimir Poutine à Denis Sassou Nguesso, le président de la République du Congo.
La France ne supporte pas la présence russe. Arrivé au Bénin, le chef de l’Etat français a déclaré, lançant ainsi une seconde charge plus forte contre la diplomatie russe en Afrique après sa déclaration au Cameroun, que la Russie était «l’une des dernières puissances coloniales» qui a commencé «un nouveau type de guerre mondiale hybride», qu’ «elle a décidé que l’information, l’énergie et l’alimentation étaient des instruments militaires mis au service d’une guerre impérialiste continentale contre l’Ukraine», et que «la Russie a décidé d’envahir un pays voisin pour y défendre ses intérêts», alors «quand vous les voyez poindre leurs têtes chez vous, n’y voyez pas autre chose, même s’ils vous tiennent le discours inverse».
Paris ne veut pas perdre son influence issue de l’époque coloniale. Emmanuel Macron a fait l’aveu de vouloir rénover la présence française sur le continent africain enchaînant une course contre la montre pour que la France garde un pied en Afrique: «Nous voulons bâtir ensemble la rénovation de la présence française».
Olivier Renault
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