Le rapprochement entre la Russie et la Chine inquiète les États-Unis Par Alexandre Lemoine
On entend de plus en plus aux États-Unis que la Chine songerait à l’éventualité de livrer des drones de combat à la Russie ainsi que des munitions pour les armes d’infanterie et d’artillerie. Dans ce contexte, Washington appelait à décréter des sanctions contre Pékin.
Les discussions sur les restrictions visant la Chine ont commencé après que l’armée de l’air américaine a abattu un ballon chinois qui avait traversé pratiquement tout le territoire américain. Pour l’instant, les États-Unis se sont contentés d’adopter des sanctions contre plusieurs compagnies chinoises et un institut de recherche.
Mais le 28 février déjà, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a déclaré que Washington pourrait élargir les sanctions contre les entreprises et les personnes physiques chinoises qui soutiennent la Russie. Il s’agit d’un avertissement pour les entreprises et l’État chinois: réfléchissez si vous voulez vraiment coopérer avec la Russie. De plus, cette déclaration était également adressée au public intérieur afin de montrer la capacité de l’administration Biden de réagir aux différentes démarches de Pékin.
Ces actions de l’establishment américain visent plusieurs objectifs à la fois. Premièrement, empêcher les livraisons de Chine en Russie. Deuxièmement, faire pression sur son principal concurrent sur la scène internationale, qu’est la Chine, infliger un préjudice économique et empêcher à terme d’apporter la moindre assistance à la Russie, et pas seulement militaire. Troisièmement, créer les conditions empêchant les relations sino-russes de se développer.
La même initiative avait été avancée par l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger. Dans la seconde moitié des années 1960, sa diplomatie de la navette avait permis aux Américains d’améliorer les relations avec la Chine et même la retourner contre Moscou jusqu’à la fin des années 1980. Le succès de Kissinger n’était pas dû seulement à son approche du changement des relations avec Pékin, mais également au fait que la Russie et la Chine avaient à l’époque déjà des divergences idéologiques et politiques.
Le président de l’URSS Mikhaïl Gorbatchev a réussi à améliorer les relations entre l’Union soviétique et la Chine. De plus, à la fin des années 1990, au vu des évènements sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, la Russie a compris que les pays occidentaux n’étaient pas prêts à être autant amis que Moscou le voudrait. Puis des tournants se sont produits en 2001: Moscou et Pékin ont signé un accord de bon voisinage, d’amitié et de coopération et ont créé l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).
Un tel renforcement des relations entre Moscou et Pékin ne convient pas à Washington. Avant tout parce qu’il cherche à empêcher l’apparition d’une force équivalente à lui sur la scène internationale. Pour cela les États-Unis pourraient proposer à la Russie différentes préférences qui permettraient de laisser la Russie dans la zone d’influence de l’Occident. Ainsi, l’Amérique pourrait plus facilement contenir la puissance grandissante de Pékin. Mais les actions américaines dans l’espace postsoviétique, l’expansion de l’Otan et la pression économique ne faisaient que pousser Moscou vers Pékin.
La nécessité de semer la discorde entre la Russie et la Chine était également promue par l’ancien président Donald Trump. C’est pourquoi les États-Unis poursuivent la même ligne: ils menacent de sanctions, encerclent la Russie et la Chine par un environnement hostile pour eux. Par exemple, les alliances Aukus et Quad visent à faire face à la Chine en Asie et en Océanie. Tandis que l’Otan tente de contenir la Russie. De plus, les États-Unis sont actifs dans l’espace postsoviétique. C’est notamment la raison de la tournée du secrétaire d’État américain Antony Blinken en Asie centrale, qui a commencé le 28 février.
Néanmoins, il sera difficile de diviser Moscou et Pékin. Le niveau d’interaction dans différents domaines entre les deux pays est extrêmement élevé. Deuxièmement, ils ont de nombreux intérêts communs en politique étrangère. En outre, la Russie et la Chine savent contourner et régler les problèmes difficiles. Ils se considèrent comme des partenaires ayant un haut niveau de confiance et de respect mutuel établi depuis plusieurs dizaines d’années.
Quant aux nouvelles sanctions américaines contre la Chine, il est difficile de faire des prévisions. Les évènements depuis un mois indiquent que les États-Unis s’apprêtent à décréter encore plus de restrictions contre la Chine. Sachant que même le coronavirus pourrait servir de prétexte supplémentaire. Le 1er mars, le FBI a déclaré que la version la plus plausible d’apparition de la pandémie était une fuite de Covid-19 d’un laboratoire biologique à Wuhan.
Toutefois, on ignore pour l’instant si Washington veut seulement intimider la Chine ou s’il est réellement prêt à une confrontation économique avec son principal concurrent.
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