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L’armée israélienne a lancé lundi une opération d’envergure à Jénine, cette ville qu’elle qualifie de « nid à terroristes ». Il s’agit de la plus importante opération de l’armée israélienne en Cisjordanie depuis 20 ans.

Lundi 3 juillet, au moins 12 Palestiniens – des militants armés – dont 4 de 16 à 18 ans, ont été tués et une centaine d’autres blessés au cours de cette opération. Plus d’un millier de soldats israéliens ont été déployés sur le terrain. Un militaire de l’armée israélienne a été tué.

L’Autorité Palestinienne accusée de faiblesse

Lors des funérailles de 10 des Palestiniens morts lors du raid, trois hauts responsables de l’Autorité palestinienne – dont les pouvoirs sont limités en Cisjordanie – ont dû quitter les lieux après avoir été confrontés à une foule qui scandaient “Sortez ! Sortez !”.

Cette opération israélienne a mis en évidence la faiblesse de l’Autorité palestinienne, – créée à la suite des accords de paix d’Oslo – qui n’a pas été en mesure de s’imposer face à Israël ou aux groupes militants à Jénine.

Un regain des tensions

L’ampleur du raid a mis en lumière la puissance croissante des groupes militants à Jénine où Israël estime que près de la moitié de la population est affiliée au Hamas ou au Jihad islamique.

Mardi 4 juillet, après le retrait des forces israéliennes, les dirigeants du Jihad islamique soutenu par l’Iran et d’autres factions armées ont revendiqué la victoire. Les habitants qui rentraient chez eux semblaient relativement rassurés, sans aucune volonté de baisser les bras.

A Janine, on pouvait entendre : « Il y a 12 martyrs et nous sommes fiers d’eux, mais nous nous attendions à plus de dégâts vu l’ampleur du raid. » 

Les forces israéliennes ont arrêté plus de 150 militants présumés, saisi des caches d’armes, déterré des mines en bordure de route et détruit un centre de commandement, a déclaré l’armée. Cette dernière précise que tous les Palestiniens tués étaient des combattants armés.

Le Jihad islamique a annoncé que sept de ses combattants ont été tués, et le Hamas a perdu un de ses membres.

Le même jour, un Palestinien a lancé une attaque à la voiture bélier à Tel-Aviv, blessant huit personnes avant d’être abattu. Le Hamas l’a revendiqué comme l’un de ses membres. Les tensions sont en train de s’accroitre de nouveau.

Benjamin Netanyahu, le Premier ministre israélien, a prévenu que l’opération de Jénine ne serait probablement pas « la seule » et a déclaré qu’elle marquerait « le début d’incursions régulières et d’un contrôle continu sur le territoire ».

Entretien avec un militaire israélien

Pour comprendre ce regain des tensions, nos équipes ont rencontré un jeune réserviste de l’armée israélienne, que l’on nommera Tzachi pour préserver son identité.

Tzachi a 23 ans, il a fait son service militaire de mars 2019 à décembre 2021. Il est réserviste depuis lors.

• Que pensez-vous de ce qui s’est passé à Jénine ? Pour vous, ce genre d’opérations est-il nécessaire ?

Je pense qu’il s’agit, malheureusement, de l’unique moyen que l’on a de nous protéger des organisations terroristes. J’aimerais qu’il y ait des interlocuteurs capables d’amener les deux côtés à la paix. Jusqu’à ce que cela arrive, la seule manière d’éviter des attaques terroristes à l’intérieur d’Israël est d’attaquer leurs leaders et de confisquer leurs armes. Donc, pour moi – et pour la majorité des Israéliens – ce genre d’opération est plus que nécessaire.  

• Comment percevez-vous ce regain des tensions ?

Ce regain des tensions peut s’expliquer par les attaques terroristes qui se sont produites sur notre territoire et par celles que nos services de renseignements ont contrées. Tous les jours sans paix sont des jours tristes en Israël. Je pense que la plupart des gens aimeraient vivre en paix. Nous sommes tous citoyens du monde après tout. Tout le monde mérite la paix.

• De quelle manière appréhendez-vous le futur des relations israélo-palestiniennes ?

Pour moi, cela dépendra de ce qui va prendre le dessus entre la connexion des citoyens ou les désaccords entre les gouvernements et/ou les organisations terroristes. De nombreuses ONG (organisations non gouvernementales) s’attèlent à connecter les citoyens palestiniens et israéliens, afin de discuter des différents problèmes. Je pense que cela pourrait grandement aider la situation. En revanche, lorsqu’il est question des gouvernements et des organisations terroristes, rien de bon ne peut en sortir.

• Comment percevez-vous l’hostilité de certains Palestiniens à votre égard ?

Je suis plutôt triste à ce propos car ma vision de la vie est d’être bon envers tout le monde – sauf ceux qui ont fait des choses terribles-. Je les invite à venir parler avec moi.

• Quelles sont les règles de l’armée concernant l’utilisation de l’arme à feu ?

Pour se servir de son arme à feu, 3 facteurs doivent être remplis. Il faut que la personne en face de toi ait : l’intention, les moyens et la capacité de te tuer. Dans aucun cas tu ne peux tirer sur quelqu’un si la situation ne répond pas à ces critères.

Par exemple, si quelqu’un a un cocktail molotov mais qu’il est à 10 mètres, impossible de tirer. Tu as besoin qu’il soit vraiment proche. L’armée israélienne a également décidé que si quelqu’un te jette des pierres, tu ne peux ouvrir le feu sous aucun prétexte.

Si tu ne suis pas ces règles, tu vas en prison. Ainsi, tout le monde fait très attention.

• Il y a régulièrement des morts du côté des territoires occupés, lors des raids de l’armée israélienne. Comment expliquez-vous cela ?

Les opérations que mène l’armée israélienne sont souvent synonymes de couper la tête des leaders des groupes terroristes ou de leur prendre leurs armes afin de les empêcher de les utiliser contre nous. La réponse est assez évidente donc.

• Que pensez-vous de l’annonce de Benjamin Netanyahu quant au fait que l’opération de Jénine « marquerait le début d’incursions régulières et d’un contrôle continu sur le territoire » ?

Je ne suis pas un grand fan de Netanyahu mais dans ce cas, je supporte ses idées. Je pense qu’Israël doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour nous protéger, tant que cela reste dans la « zone humaine ». Par exemple, tuer un terroriste s’inscrit dans la zone humaine, ce qui n’est pas le cas pour les personnes innocentes.

• Voulez-vous rajouter quelque chose ?

Je voudrais ajouter que souvent les personnes en dehors d’Israël qui jugent le pays et ce qu’il s’y passe, devraient venir et observer la situation de leurs propres yeux. S’ils sont vraiment curieux, ils peuvent organiser une réunion avec un Israélien et un Palestinien afin de comprendre les problématiques de l’intérieur. Beaucoup de gens à l’extérieur prennent position sans savoir.

Maya Cottet-Emard