La Suisse devrait améliorer l’identification des victimes de traite des êtres humains, leur accès à la justice et l’assistance, selon un rapport du Conseil de l’Europe
Strasbourg, 20.06.2024 – Dans un rapport publié aujourd’hui, le Groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) demande à la Suisse de prendre davantage de mesures contre la traite, notamment en améliorant l’identification des victimes, leur accès à l’indemnisation, en combattant la traite aux fins d’exploitation par le travail et en apportant une assistance spécialisée aux enfants et aux demandeurs d’asile victimes de traite.
Le GRETA salue les évolutions positives depuis la publication de son deuxième rapport d’évaluation sur la Suisse en 2019 en ce qui concerne la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. Les autorités ont, par exemple, adopté le troisième plan d’action national contre la traite des êtres humains, qui fera l’objet d’un suivi régulier et d’une évaluation indépendante. Des tables rondes chargées de coordonner les actions anti-traite ont aussi été mise en place dans trois cantons supplémentaires.
Malgré le cadre juridique pertinent qui a été mis en place, peu de victimes de la traite ont été indemnisées. Le GRETA demande ainsi aux autorités de faciliter et de garantir l’accès effectif à une indemnisation, notamment en veillant à ce que la collecte de preuves sur le préjudice subi par la victime fasse partie intégrante de l’enquête pénale. Les victimes qui demandent à se faire indemniser par les auteurs de l’infraction pour les salaires impayés devraient aussi obtenir une décision en la matière dans le cadre du procès pénal.
Tout en se félicitant que des avocats soient spécialisés dans l’assistance aux victimes de la traite, le GRETA note avec préoccupation que les demandes d’assistance juridique gratuite sont approuvées à un stade ultérieur de la procédure. La Suisse devrait garantir une assistance juridique dès qu’il y a des motifs raisonnables de penser qu’une personne est une victime de la traite, et veiller à ce que les victimes puissent bénéficier gratuitement de l’assistance d’un avocat spécialisé au cours de toute procédure judiciaire pertinente, y compris civile.
Par ailleurs, le GRETA constate avec satisfaction que certains cantons disposent d’unités de police et de procureurs spécialisés, et qu’une plateforme d’échange sur la traite des êtres humains a été mise en place pour les procureurs. Toutefois, le faible nombre de poursuites et de condamnations dans les affaires de traite, ainsi que la durée parfois excessive de la procédure pénale restent préoccupants. Le GRETA appelle les autorités à prendre des mesures pour y remédier. Il recommande également que les lignes directrices sur l’application du principe de non-sanction soient transposées dans tout le pays et que les procureurs et policiers soient formés à cet égard.
De plus, le GRETA demande à ce que soit renforcée la capacité des inspecteurs du travail à détecter les victimes de la traite. Afin de combattre la traite aux fins d’exploitation par le travail, il est par exemple nécessaire d’adopter des lignes directrices spécifiques concernant les enquêtes sur cette forme de traite, mais aussi de renforcer les contrôles dans les secteurs du travail domestique et de l’agriculture ainsi que la coopération avec les ONG spécialisées et les syndicats.
Tout en saluant la détection plus efficace des victimes de la traite parmi les demandeurs d’asile, le GRETA demande aux autorités suisses de veiller à ce qu’une procédure harmonisée soit mise en place dans tous les cantons et à ce que les organisations spécialisées soient associées à l’identification des victimes dans le cadre de la procédure d’asile.
Toutes les victimes, y compris les demandeurs d’asile et les personnes exploitées à l’étranger mais identifiées en Suisse, doivent bénéficier de mesures d’assistance spécialisée et un financement suffisant doit être assuré aux ONG qui viennent en aide aux victimes de la traite.
Le rapport exhorte également les autorités à mettre en place dans tous les cantons une procédure formalisée d’identification des enfants victimes de la traite, et à faire en sorte que, dans l’ensemble du pays, ils bénéficient des mesures d’assistance.
Enfin, le GRETA demande aux autorités d’intensifier leurs efforts pour que toutes les victimes présumées de la traite de nationalité étrangère se voient proposer un délai de rétablissement et de réflexion. Elles devraient aussi bénéficier concrètement du droit d’obtenir un permis de séjour renouvelable aux fins de la coopération avec les autorités ou pour motifs humanitaires.
Selon le rapport, la Suisse demeure principalement un pays de destination des victimes de la traite. Entre 2019 et 2023, la police a identifié 295 victimes, dont la plupart étaient des femmes, et environ 8 % étaient des enfants. Le nombre de victimes identifiées au cours de la procédure d’asile a nettement augmenté. L’exploitation sexuelle, principalement de femmes et de filles, reste la forme d’exploitation prédominante, même si la traite aux fins de criminalité forcée (y compris de mendicité forcée) et l’exploitation par le travail sont également en hausse.
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Le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) est un organe indépendant qui vérifie la mise en œuvre par les pays de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. Les 46 États membres du Conseil de l’Europe sont liés par cette convention, ainsi que deux Etats non-membres, le Bélarus et Israël.