PPL retraites de la niche LFI : les explications de Mélody Mock-Gruet
Après le groupe LIOT (sous l’ancienne législature) et le groupe RN au mois d’octobre, le groupe LFI a décidé de discuter en tant que premier texte de sa niche une proposition de loi visant à abroger le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Alors que celle-ci pourrait être adoptée à l’Assemblée nationale, plusieurs mécanismes pourraient l’empêcher le vote.
– Le dispositif
· La PPL revient sur la réforme de l’âge de départ à la retraite, mais également sur la durée de cotisation. Celle-ci est en effet ramenée de 43 à 42 annuités, ce qui revient à abroger aussi la réforme portée en 2013 par la ministre socialiste Marisol Touraine pendant le quinquennat de François Hollande. Le groupe socialiste l’a votée malgré tout en commission.
· A noter que la PPL abrogeant le délit d’apologie du terrorisme du code pénal et le réintégrer dans le droit de la presse déposée ce week-end par LFI revient également sur une loi du PPS votée en 2014.
– La procédure
· Déposée le 15 octobre, validée par le bureau de l’Assemblée, la proposition de loi LFI a été débattue en commission des affaires sociales le 20 novembre.
· La PPL LFI a été adoptée en commission (35 députés pour, 16 contre) car le RN a soutenu cette initiative, au contraire de ce qu’a fait le NFP pour sa propre PPL. L’article 1er n’ayant pas été supprimé en commission pourra être débattu en séance puis dans l’Hémicycle le 28 novembre prochain.
– Le contrôle incident de la recevabilité financière
· La PPL LFI pourrait lors du débat en séance être considérée comme irrecevable financièrement.
· Selon l’alinéa 4 de l’article 89 du Règlement de l’Assemblée nationale, l’irrecevabilité peut être aussi soulevée a posteriori, par tout député ou le Gouvernement à tout moment, même pendant le débat en commission ou dans l’Hémicycle. Les saisines par le Gouvernement demeurent assez exceptionnelles.
· Toute la difficulté se trouve aujourd’hui dans la deuxième partie de l’alinéa 4 : « L’irrecevabilité est appréciée par le président ou le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire ou un membre de son bureau désigné à cet effet. » Le Président de la commission des finances, Eric Coquerel, étant LFI, donc pour l’abrogation de la réforme des retraites, et le rapporteur général, Charles de Courson (LIOT), ayant soutenu un texte similaire en mai 2024, pourraient avoir une appréciation plus politique que juridique et ne pas rendre à ce sujet une décision contraignante.
– Le grand nombre d’amendements du socle commun
· 977 amendements sur le texte, dont 352 par le groupe EPR, 252 DR, 193 MODEM, 161 Horizons.
· Pour l’instant 842 sont encore en traitement. 33 ont été retirés, 37 irrecevables. Aucun amendement du Gouvernement pour l’instant mais il n’est pas soumis au même délai de dépôt.
· Le rapporteur Ugo Bernalicis a déposé pour l’instant 2 amendements dont un de réécriture générale de l’art. 1er (qui serait selon l’exposé des motifs des ajustements liés à la rédaction du texte en commission).
· Ce grand nombre d’amendements (s’ils sont recevables et maintenus) peut prendre toute la journée de la niche.
· Pour rappel, LFI avait déposé environ 13000 amendements sur le texte du gouvernement l’an passé.
· Une question se pose également sur la présidence de séances qui pourrait ne pas être favorable aux LFI puisque pour l’instant aucune VP LFI n’est prévu. Ceci peut avoir un impact sur la tenue des débats et la discussion des amendements identiques (article 100 du RAN).
– La suite de la PPL après l’Assemblée
· Même si la proposition de loi est adoptée à l’Assemblée nationale, il faudrait également que le Sénat vote le texte en terme identique, ce qui est peu probable.
· Dans l’hypothèse inattendue du vote du texte par les deux chambres, le Conseil Constitutionnel pourrait peut-être déclarer l’irrecevabilité financière de la proposition de loi, s’il est saisi.
Le Petit Guide du Contrôle Parlementaire
de Mélody Mock-Gruet et Hortense de Padirac
paru le 17 octobre 2023 aux éditions L’Harmattan
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Si la fonction législative de l’Assemblée et du Sénat est généralement bien connue du grand public, leur mission de contrôle et d’évaluation des politiques publiques l’est moins. L’idée que le Parlement n’aurait pas les moyens d’exercer ce rôle demeure. Ainsi, malgré les progrès constatés, la « culture du contrôle » n’est pas encore pleinement intégrée dans les mœurs.
Inscrite dans la Constitution, elle est pourtant essentielle dans un État de droit. Devenu un véritable contre-pouvoir, le contrôle parlementaire ne se résume plus à renverser le Gouvernement mais bien à analyser les situations, identifier les difficultés, discuter et vérifier l’activité gouvernementale, afin de lui demander des comptes.
Volontairement tourné vers la pratique, l’ouvrage décrypte le contrôle afin de permettre à tous de se saisir des enjeux techniques et politiques qu’implique ce pouvoir. Chaque chapitre est consacré à un outil de contrôle, avec à chaque fois un « bon à savoir ». Protéiformes et en constante évolution, ces instruments contribuent aujourd’hui plus que jamais à la qualité des débats parlementaires et des décisions politiques, méritant l’attention de tous ceux qui s’intéressent à la bonne santé démocratique du pays.
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Mélody Mock-Gruet est docteure en droit public de l’Université Paris II Panthéon-Assas (thèse sur le coup d’État moderne) et titulaire du Certificat d’aptitude à la profession d’avocat. Après trois ministères, elle a travaillé dix ans à l’Assemblée nationale, notamment en qualité de conseillère législative en charge de la prospective et du contrôle dans un groupe parlementaire. Elle est également enseignante à Sciences Po Paris, dispensant un cours sur les actualités et enjeux parlementaires.