« A un an du premier tour de la Présidentielle 2017, ce 21 avril 2016 est donc l’occasion pour moi de rappeler l’impérieuse nécessité à intégrer les votes blancs »
Certaines dates importantes restent curieusement oubliées des calendriers et des commentateurs. Pourtant, à leur façon, elles ont façonné notre démocratie, que ce soit en contribuant à son évolution ou en révélant ses failles.
Le 21 avril fait partie de ces dates qui, au même titre que le 14 juillet 1789 ou le 29 mai 2005, ont marqué l’histoire politique de notre pays.
Souvenez-vous.
Le 21 avril 1944, après une lutte en faveur de leurs droits civiques et de longs débats au parlement, les femmes obtiennent enfin le droit de voter. Elles l’utiliseront pour la première fois l’année suivante, le 29 avril 1945, à l’occasion d’élections municipales, puis le 21 octobre lors du referendum sur l’Assemblée Constituante.
Impensable quelques années plus tôt, le droit de vote des femmes est aujourd’hui une évidence. Qui pourrait en effet imaginer un seul instant revenir sur ce droit fondamental. Les droits civiques évoluant au rythme de nos mentalités, je rappelle qu’il faudra attendre le 13 juillet 1965 pour que les femmes puissent ouvrir leur propre compte bancaire, et la loi Veil de 1974 pour qu’elles disposent de leur corps librement. Les mentalités évoluent, certes, mais lentement…
Plus proche de nous, un autre 21 avril a marqué les esprits. Ce 21 avril 2002, porté par une vague contestataire sans précédent contre la politique du gouvernement socialiste, Jean-Marie Le Pen accédait au second tour de l’élection présidentielle, renvoyant aux vestiaires Lionel Jospin et ses ambitions Elyséennes. Quelles leçons ont été tirées de ce séisme politique national ? Une solution a t-elle été envisagée en réponse à ces électeurs déçus ou exprimant simplement un désaccord avec la politique menée ? Si le vote blanc avait été reconnu en tant que suffrage exprimé, les électeurs se seraient-ils portés de la même façon sur le candidat FN pour signifier leur mécontentement ? Aucun commentateur à l’époque ne s’est aventuré sur cette hypothèse pourtant plausible.
Ainsi, depuis ce premier coup de semonce de 2002, le score du FN n’a cessé de progresser, suivant une courbe inversement proportionnelle à celle des partis traditionnels. Mais tandis qu’un électorat de plus en plus protestataire venait grossir ses rangs, aucun garde-fou démocratique n’a été mis en place pour enrayer sa progression et éviter un nouveau ’’21 avril’’. A croire finalement que la présence du Front National au second tour du scrutin présidentiel de 2017 ne serait ni une surprise, ni même un problème.
C’est ce que semble confirmer ce dernier sondage Odoxa. On y apprend notamment que pour 74% des français, il ne fait aucun doute que le FN accède au second tour de l’élection présidentielle. Mais dans le même temps, ils ne seraient que 9% à estimer possible la victoire de Marine Le Pen au soir du second tour. Des chiffres qui auraient tendance à démontrer que le FN serait davantage un mouvement de contestation que de réelle adhésion.
Au-delà des discours de façade, je soupçonne nos politiques de se livrer eux-aussi à ce genre de calcul hasardeux. Considérant en effet la présence du FN au second tour comme inévitable, tout l’enjeu de 2017 réside désormais pour eux à pouvoir y accéder également. La suite ne serait qu’une formalité. Le ‘’front républicain’’ ferait certainement le boulot, et avec un peu de chance, le record de 2002 serait même battu !
Si tel était le cas, les partis se livreraient là à un jeu bien dangereux, un pari un peu fou, sorte de ‘’roulette Russe’’ qui engagerait bien plus que l’élection ou la réélection d’une personne. Car à trop vouloir jouer avec le feu, le retour de flamme n’est jamais loin. Gageons que les citoyens ne deviennent pas malgré eux les victimes collatérales de cette guerre d’égo où l’ambition personnelle de quelques individus l’emporte sur l’intérêt du plus grand nombre.
A un an du premier tour de la Présidentielle 2017, ce 21 avril 2016 est donc l’occasion pour moi de rappeler l’impérieuse nécessité à intégrer les votes blancs dans le calcul des suffrages exprimés. Un droit au désaccord qui, à l’instar du droit de vote des femmes, apparaitra immanquablement dans les années à venir comme une évidence démocratique et permettra d’éviter que d’autres 21 avril 2002 ne se reproduisent.
Stéphane Guyot