Afrique : L’Etat islamique et ses branches Par Alexandre Lemoine
L’activité de l’État islamique (EI ou Daech) en Afrique n’est pas apparue de nulle part. La base de l’expansion du « califat » dans ces régions était la présence terroriste sous forme d’une pléiade de groupes terroristes spirituellement proches de l’EI. Ainsi, l’émergence de l’État islamique en Afrique a seulement consolidé les organisations de « djihadistes » déjà opérantes sur ce continent, donnant un nouvel élan à leur activité.
Les branches et les réseaux de l’État islamique au Mozambique, au Burkina Faso, en République démocratique du Congo, au Nigeria et au Mali restent particulièrement actifs, commettant des actes terroristes contre des civils et des forces de sécurité. L’année 2023 n’a apporté que de nouveaux défis liés à l’incertitude de plusieurs gouvernements locaux quant à leur soutien de la part de la Russie en raison de l’affaire Wagner, sur fond d’absence de succès évidents dans le domaine de la lutte contre le terrorisme.
Toute réduction de la présence de forces extérieures dans les régions d’activité de l’EI en Afrique pourrait conduire à l’émergence de nouvelles zones de contrôle territorial par les terroristes, ce qui, à son tour, servirait de « vitrine » du succès du projet de l’EI, offrant aux terroristes de nouvelles opportunités pour attirer des adeptes et chercher de nouvelles sources de financement.
Il est fort probable que l’EI en Afrique restera très actif. Cela est favorisé par la faiblesse des gouvernements locaux, l’absence de véritable contrôle administratif sur de vastes régions qui sont détenues par divers groupes criminels et groupes rebelles et qui pourraient devenir de nouvelles bases pour l’EI.
En 2022, dans son bulletin d’information l’EI a de nouveau désigné l’Afrique comme le territoire où elle réussira probablement à rétablir le « califat territorial ». Dans cet article, l’EI a recommandé à ses adeptes, qui n’ont pas fait la hijra (émigration) en Irak, en Syrie ou ailleurs dans le passé, de s’efforcer de « se déplacer » vers leurs « frères sur la terre d’Afrique, car aujourd’hui c’est la terre de la hijra et du jihad ». Ainsi, l’EI a confirmé que l’Afrique était maintenant le centre du « califat ».
À noter également l’aspect idéologique de l’activité de l’EI en Afrique, où les terroristes peuvent affirmer qu’ils luttent non seulement contre les gouvernements « apostats » parmi les musulmans eux-mêmes, mais qu’ils propagent également l’islam dans de nouveaux territoires qui sont sous le contrôle de gouvernements non musulmans. De plus, l’EI pourrait probablement acquérir des partisans parmi les nouveaux convertis à l’islam. En outre, certaines branches de l’EI mettent en place un système administratif efficace, ce qui attire les habitants locaux, fatigués de l’incompétence des gouvernements nationaux.
Ainsi, les vastes territoires africains avec un contrôle gouvernemental faible transforment l’Afrique au sud du Sahara en une région attrayante pour l’expansion de l’EI. Et leur résistance ne sera pas facile. Les problèmes logistiques dans les vastes étendues de l’Afrique compliquent la conduite d’opérations antiterroristes par les pays européens et les États-Unis. Les désaccords entre les pays européens eux-mêmes et les gouvernements locaux réduisent également l’efficacité des mesures antiterroristes. La périphérie de l’Afrique au sud du Sahara donne aux terroristes l’opportunité de s’y établir, contrairement au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord, qui sont beaucoup plus intégrés avec l’Europe.
On pourrait s’attendre à ce que les actions de l’EI en Afrique au sud du Sahara soient axées sur la capture de territoires pour former leurs propres quasi-États au lieu d’attaques terroristes en Europe. Cependant, l’histoire de l’entrée de groupes islamistes terroristes en Afrique montre qu’il y a beaucoup de désaccords entre eux qui les empêchent de s’unir.
Alexandre Lemoine
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