Albanie : selon le nouveau rapport thématique, des progrès ont été faits contre la violence à l’égard des femmes mais des « lacunes importantes » subsistent
Strasbourg, 17.09.2024 – Le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), qui est chargé de suivre la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), se félicite des « changements législatifs importants » intervenus depuis la publication du rapport initial sur l’Albanie en 2017.
Le nouveau rapport thématique salue les réformes législatives, notamment la modification de la loi sur la violence domestique et du Code pénal, ainsi que l’adoption de nombreux règlements, instructions générales et manuels. Le GREVIO se félicite en particulier du lancement et du déploiement, dans toutes les communes albanaises, d’un mécanisme d’orientation coordonné, qualifié de « projet pionnier » dans le rapport, qui rapproche les victimes de cette violence d’une protection institutionnalisée et coordonnée.
Le rapport salue également les efforts visant à rationaliser la collecte de données par la mise en place d’une nouvelle base de données qui permet aux autorités de mieux intégrer des données provenant d’autres parties prenantes. D’autres réformes sont en cours, notamment une révision complète du Code pénal, qui confirme la volonté des autorités de mettre en place un cadre juridique solide et stable pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Ces mesures témoignent de l’engagement renouvelé dont font montre les autorités albanaises en matière de prévention et de protection des femmes contre la violence à l’égard des femmes, ce dont le GREVIO se félicite.
Malgré ces avancées dans la mise en œuvre de la convention, entrée en vigueur en Albanie il y a 10 ans, le GREVIO recense des domaines dans lesquels les autorités devraient prendre des « mesures urgentes » pour se conformer pleinement aux dispositions du traité.
Par exemple, les croyances traditionnelles ainsi que les rôles de genre stricts et les stéréotypes restent un « sérieux obstacle » en Albanie, en particulier pour les violences sexuelles et les viols, qui fait que ces infractions sont très peu signalées. Le rapport souligne qu’il existe un seul centre d’aide aux victimes de viol dans tout le pays, qui n’est pas suffisamment utilisé. Le GREVIO estime qu’il est « urgent » que les autorités investissent dans des mesures de sensibilisation supplémentaires et plus durables, et qu’elles mettent en place des services de soutien appropriés.
En outre, la conciliation obligatoire dans les affaires de viol et de mariage forcé est toujours d’actualité en Albanie, une question qui doit être « traitée d’urgence ». De même, le nombre élevé d’affaires qui sont déposées mais ensuite rejetées à un moment ou à un autre du parcours judiciaire et qui n’aboutissent jamais à une condamnation reste un problème important.
Le rapport critique également le fait que seules les victimes qui signalent l’infraction peuvent bénéficier de services de soutien spécialisés. En outre, la mise en œuvre et l’application des ordonnances d’urgence d’interdiction et de protection sont manifestement en deçà de l’engagement pris par les autorités. Le GREVIO a observé des « écarts importants entre la volonté politique de réforme et la mise en œuvre de ces dispositions », qui ont continué de « saper la confiance des victimes ».
Le GREVIO appelle les autorités à mener une « réforme importante » du système de santé, afin de garantir une offre de services de santé complets aux femmes et aux filles, y compris à celles qui présentent des problèmes de santé mentale. Des parcours de soins standardisés devraient être mis en place non seulement pour détecter les victimes, mais aussi pour établir des rapports médicaux qui détaillent les violences subies. D’importantes lacunes dans l’offre de soins spécialisés aux victimes de violences sexuelles ont également été identifiées.
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Le GREVIO est l’organe d’experts indépendant chargé de suivre la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dite « Convention d’Istanbul ») par les Parties. Ouvert à la signature de tous les pays du monde, en plus des 46 Etats membres du Conseil de l’Europe, le traité a été ratifié jusqu’à présent par 37 Etats et l’Union européenne, et signé par sept autres.