Allemagne : la fin de la coalition Scholz et les enjeux d’une possible élection anticipée
La coalition gouvernementale allemande, formée par les sociaux-démocrates, les écologistes et les libéraux du FDP (Freie Demokratische Partei), dirigée par Olaf Scholz, s’effondre. Le 6 novembre, le chancelier social-démocrate a annoncé sa décision de limoger Christian Lindner, ministre des Finances et président du FDP, déclenchant une rupture majeure au sein du gouvernement. « Trop souvent, il a trahi ma confiance », a déclaré Olaf Scholz lors d’une conférence de presse urgente à Berlin, qui faisait suite à une journée de négociations infructueuses à la chancellerie. En réponse à ce limogeage, le FDP a annoncé que tous ses ministres quittent le gouvernement, privant ainsi le chancelier de sa majorité au Bundestag, la chambre des députés.
Cette rupture, bien que pressentie depuis plusieurs mois, est le résultat de désaccords profonds sur la politique économique du pays, particulièrement sur la question du frein à la dette (Schuldenbremse). Cette règle constitutionnelle impose une limite stricte au déficit fédéral, fixé à 0,35 % du PIB. Dans un contexte de désindustrialisation et de déficit d’investissements, les sociaux-démocrates et les Verts ont plaidé en faveur d’un assouplissement temporaire de cette règle pour permettre de nouveaux emprunts. Mais Christian Lindner, fidèle à l’orthodoxie libérale, s’est opposé à toute modification, défendant une approche austéritaire et rigoureuse.
Face à cette crise, Olaf Scholz a annoncé qu’il remettrait, le 15 janvier, une proposition aux députés pour se prononcer sur la tenue d’élections anticipées. Si la majorité des parlementaires soutiennent cette idée, les élections pourraient avoir lieu bien avant la date prévue de septembre 2025, « au plus tard fin mars 2024 ». Cette annonce marque un tournant dans la situation politique allemande, marquée par des tensions internes croissantes et une instabilité qui pourrait affecter la capacité du gouvernement à gouverner efficacement.
Robert Habeck, ministre de l’Économie et du Climat et figure emblématique des Verts, a déjà exprimé son soutien à l’organisation d’élections anticipées. Selon lui, il est impératif de renouveler la confiance des électeurs et de clarifier l’orientation politique du pays face aux défis économiques, sociaux et écologiques actuels. Les Verts, qui partagent une vision plus progressiste, ont critiqué l’approche austéritaire du FDP, d’autant plus que l’Allemagne fait face à un vieillissement démographique, une forte pression sur son industrie et des enjeux environnementaux de plus en plus urgents.
Toutefois, Olaf Scholz espère que la situation ne se résume pas à une rupture brutale, mais qu’il pourra maintenir un gouvernement minoritaire pendant quelques mois. Dans ce cadre, le chancelier a proposé à Friedrich Merz, le leader de l’opposition conservatrice CDU-CSU, de « travailler ensemble de manière constructive sur des questions cruciales pour l’avenir de l’Allemagne », telles que l’économie, la défense, et la transition énergétique. Ce rapprochement avec la droite conservatrice est une tentative de maintenir une certaine stabilité politique, en dépit de la perte de majorité, et de trouver des compromis sur des enjeux de fond.
Les enjeux sont d’autant plus cruciaux que l’Allemagne se trouve dans un contexte économique difficile, où la désindustrialisation menace le tissu économique du pays, tandis que les tensions internationales, notamment avec la Chine et la Russie, compliquent davantage la donne. Par ailleurs, le vieillissement de la population entraîne un besoin urgent d’investissements dans les infrastructures et les services publics.
Parallèlement, le budget 2025 est une source de tensions supplémentaires. Si le parlement ne parvient pas à adopter le budget dans les délais requis, une version allégée et réduite pourrait être mise en œuvre dès janvier, permettant ainsi au gouvernement de continuer à fonctionner, mais avec une capacité de manœuvre limitée. Bien que cette solution soit temporaire, elle témoigne de la volonté de Scholz de maintenir une gouvernance stable, même dans un climat politique incertain.
Ainsi, face à une crise politique majeure, Olaf Scholz semble déterminé à éviter une paralysie gouvernementale et à poursuivre l’action pour le bien-être économique et social de l’Allemagne. Néanmoins, la situation demeure fragile. Si les tensions internes au gouvernement persistent et se creusent, la voie des élections anticipées pourrait devenir inévitable, ce qui marquerait la fin d’une ère pour la coalition tripartite.