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Brésil 2022 : le déclin d’une époque d’autoritarisme militaire ? Par Alexandre Lemoine

Les faits : La profonde connaissance de la société était toujours l’un des points clés de toute campagne électorale en Amérique latine. Il faut examiner en détail un aspect important qu’est la place et le rôle de l’élite militaire nationale dans la gestion de l’État pour mieux comprendre les processus qui se déroulent depuis un siècle dans l’espace politique brésilien. 

En dépit d’un progrès dans la réduction de l’inégalité pendant le récent boom des matières premières, aucun pays d’Amérique latine n’a réussi à passer de la catégorie des pays à revenu moyen de la population au niveau supérieur. Ce qui a conduit à l’apparition sur pratiquement tout le contingent latino-américain de foyers d’instabilité grandissante sous la forme de protestations de masse contre la gestion étatique inefficace. La fatigue accumulée de la démocratie a conduit à l’élection dans ces pays de candidats critiquant le pouvoir en place et contribuant à la polarisation politique de la société. 

Jair Bolsonaro est arrivé au pouvoir après une série de scandales de corruption au Brésil impliquant des politiques haut placés et des hommes d’affaires. Il s’était présenté en promettant de promouvoir une politique anticorruption et des mesures de lutte contre le crime, utilisait activement la critique des minorités raciales, ethniques et sexuelles réprimées, soutenait une politique de sécurité ferme et, surtout, mettait l’accent sur la glorification d’anciens régimes militaires. 

L’une de ses thèses de campagnes « Le monde appartient à l’élite » est le résultat des fondements politiques et idéologiques d’intégration des forces armées brésiliennes dans les processus de gestion de l’État. 

Les militaires ont réussi à passer un accord avec le candidat, qui était également un militaire, incarnant les valeurs militaires et attaché à leurs intérêts. Pendant toute l’histoire moderne du Brésil, les forces armées jouaient un rôle important dans la vie politique du pays. Même Luiz Inacio Lula da Silva, un opposant au régime militaire, chef syndical et fondateur du Parti des travailleurs, avait fait un certain compromis sur des questions sensibles pour les militaires en devenant président en 2002. 

Selon les normes universelles, le Brésil occupe actuellement l’une des premières places parmi les pays à démocratie politique développée. Mais en examinant de plus près le contenu et la qualité des institutions politiques, force est de constater qu’en réalité la transition de l’autoritarisme vers la démocratie y est entrée dans une nouvelle phase plus complexe et problématique où la véritable démocratisation ne fait que se profiler. 

Après l’élection de Jair Bolsonaro au poste de président en 2018, la politique étrangère du pays affichait un rapprochement avec les États-Unis, ce qui était également dans l’intérêt des militaires. Mais le temps passe, les choses changent, et le moment pour le rapprochement entre les deux pays du point de vue idéologique et diplomatico-stratégique est révolu. La situation actuelle d’approfondissement de la confrontation sino-américaine suscite des questions quant à savoir si le Brésil continuera de chercher une amitié avec son partenaire traditionnel ou s’il sera ouvert à une intégration internationale plus large, notamment compte tenu du rôle joué par la Chine dans l’économie du pays. 

À l’heure actuelle, Jair Bolsonaro brigue un nouveau mandat présidentiel, et il sera confronté à Lula da Silva. Les résultats du premier tour ont montré que, malgré une défaite mineure, Jair Bolsonaro conserve des chances de victoire. La question principale étant de savoir s’il bénéficiera cette fois du soutien de l’élite militaire. Nous le saurons très bientôt, le 30 octobre. 

Alexandre Lemoine

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