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Capitalisons sur les échecs de la transformation digitale Par Michaël Tartar

Michaël Tartar
Fondateur & CEO

Alors que la campagne présidentielle touche à sa fin, on ne peut que déplorer le peu de résonnance du numérique dans les propositions des candidats. Pourtant dans un pays qui pointe à la 15e place du classement DESI[1], le sujet est majeur pour le développement de la France à long terme. La transformation digitale du pays, certes accélérée sous l’impulsion de la crise du Covid-19, souffre encore de retards. Or nous devons capitaliser sur les échecs de la transformation digitale et créer les conditions favorables du développement de la France au XXIe siècle.

Les candidats à la présidentielle ont été assez timides dans leurs propositions pour développer le numérique en France. Accaparés par le pouvoir d’achat, la guerre en Ukraine ou les divers sujets d’actualité qui ont émaillé la campagne, le numérique est passé au second plan. Certains candidats ont innové dans leur programme en faisant un encart dédié au numérique. Certains ont présenté leurs propositions à France Digitale, d’autres ont pitché face à Numeum. Mais ces sujets n’ont pas fait l’actualité des grands médias.

Or, notre pays se doit de rattraper son retard en matière d’éducation au numérique, de formation continue, d’accompagnement des petites entreprises, de valorisation de nos actifs numériques, d’innovation numérique, de modernisation de nos administrations avec le numérique.

Force est de constater que depuis le programme informatique pour tous en 1985, il ne s’est pas passé grand-chose à l’école en faveur du numérique. Le résultat est un manque endémique de développeurs informaticiens. Les métiers de la communication digitale ne sont guère mieux servis. Le numérique fait aujourd’hui partie des humanités de nos enfants. Savoir lire, écrire, compter et coder, voilà le minimum pour vivre au XXIe siècle. Il convient donc de capitaliser sur les échecs de la transformation digitale des programmes d’éducation pour investir sur l’avenir de notre jeunesse.

La formation continue au numérique reste très lente. Les salariés des grandes entreprises bénéficient de programmes d’accompagnement. Les autres sont le plus souvent laissés à eux-mêmes. Des connaissances de base aux spécialités les plus pointues, les offres de formation existent, mais semble avoir du mal à percoler dans la population active. Les plus en retrait de la société numérique peuvent certes bénéficier du réseau des 4000 conseillers numériques France Services, dont la tâche est titanesque et l’impact encore difficile à mesurer.

Il convient aussi de s’occuper de la force vive de notre économie : les petites entreprises. Les millions de Français salariés des TPE/PME, évoluent dans un univers en retard sur le plan numérique. Le rapport France 2021[2] de l’OCDE signale que ce retard grève la compétitivité du pays. À l’évidence, les chèques numériques distribués par France Num dans le cadre du plan France Relance, ou encore les aides des régions, ne suffisent à pas développer l’efficacité de nos entreprises avec le numérique. La plupart n’ont d’ailleurs qu’une très vague idée de leur maturité digitale. C’est en aidant les entreprises, à commencer par leurs dirigeants, à prendre conscience de l’impact du numérique sur leur activité, que le changement se fera en profondeur et de manière pérenne. Un cercle vertueux d’accompagnement, assorti de mesures d’impacts, est à rechercher. Notre pays regorge aussi d’offres numériques qui peinent à se développer à grande échelle. Quasiment inaudibles face aux géants du numérique, ils sont peu soutenus par les pouvoirs publics.

Le collectif PlayFrance Digital[3] vise ainsi à faire connaître ces acteurs locaux, tout aussi efficaces que leurs concurrents le plus souvent américains. Le club IT50+[4] suggère de flécher 50% des dépenses informatiques vers des acteurs Français et Européens. Les deux initiatives visent à densifier l’écosystème tech en France et en Europe, à stimuler l’emploi dans le secteur, à créer des acteurs capables ensuite de conquérir le monde. Les marchés publics restent peu favorables à ces structures et le secteur privé est peu encouragé à leur confier leurs budgets. Si nous voulons vraiment faire de la France un acteur majeur du XXIe siècle, les politiques publiques doivent absolument agir à ces deux niveaux.

Sur le plan de l’innovation, la vision à long terme impose de créer les conditions favorables à l’émergence de projets. Les infrastructures de communication et d’hébergement, les clusters régionaux (écoles, universités, centres de recherche, incubateurs, etc.), doivent absolument être stimulés, non pour être en compétition, mais pour massifier l’impact des pépites. À ce titre, on peut s’étonner qu’un pays qui a inventé le Minitel n’ait pas su prendre le virage d’Internet. Encore un échec de la transformation digitale sur lequel nos dirigeants pourraient capitaliser pour mettre notre pays sur de bons rails numériques.

Enfin les administrations, ministères, collectivités territoriales, peinent à se moderniser. Les plus mâtures sur le plan numérique ont su innover, créer des services pour leurs administrés, citoyens comme particuliers, et attirer sur leur territoire des entreprises innovantes génératrices de richesses et d’emploi. L’exemple de la commune de Meudon (voir l’interview de son maire, Denis Larghero, page 285 du livre La transformation digitale pour tous ![5] ) est à ce titre un modèle. Ces structures publiques ont elles aussi tout intérêt à prendre conscience de leur maturité digitale à 360 degrés, afin d’orienter leurs efforts pour une plus grande efficacité grâce au numérique.

Espérons que le futur occupant de l’Élysée prendra le sujet du numérique au niveau qu’il mérite. Le quinquennat 2022-2027 verra en effet se développer de nouvelles technologies, de nouveaux usages, de nouvelles réglementations liées au numérique. Car la transformation digitale est loin d’être terminée. Que ce soit l’informatique quantique, l’intelligence artificielle, la blockchain, le télétravail, le développement des freelances, les nouveaux règlements comme le DMA au niveau européen et bien d’autres aspects, le numérique transformera en profondeur nos sociétés dans les années à venir, et ceci de manière bien plus rapide qu’au cours des trente dernières années. Alors capitalisons sur les échecs, tirons-en les leçons et mettons le pays en ordre de marche pour être un acteur majeur du XXIe siècle.

[1] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_5481

[2] https://www.oecd.org/fr/economie/france-en-un-coup-d-oeil/

[3] https://www.lesacteursdunumerique.fr/

[4]https://www.it50plus.com/fr/

[5] https://link.dimmup.com/livre4e

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