Chez les travailleurs du sexe la retraite est un « non sujet »
Dans le débat en cours sur la réforme des retraites, on parle beaucoup des femmes précaires aux carrières hachées par la vie parentale, les temps partiels imposés, les discriminations, sans jamais citer nommément les travailleuses du sexe qui sont l’exemple typique de ce genre de situations.
Elles sont escort girl, actrice pornographique, prostituée ou encore camgirl sur internet… l’éventail des différents métiers du sexe est large, tout autant que les régimes sociaux auxquels ces travailleuses du sexe sont rattachées.
On est ballotés d’un régime de retraite à un autre et le problème, c’est que les travailleurs du sexe ne sont pas ou peu informés de leurs droits », déplore Anna. Et de prendre pour exemple son cas, celui des acteurs pornographiques, normalement rattachés au statut d’intermittent.
En général, c’est ce qui devrait se passer, mais comme la législation est très dure avec les productions françaises, nous sommes de moins en moins payés au cachet et on nous demande de plus en plus de nous déclarer comme auto-entrepreneur.
La retraite mais surtout le droit d’exercer
La grogne contre le projet de réforme des retraites est aussi l’occasion pour ces travailleuses du sexe de revendiquer haut et fort le difficile statut des professionnelles de la rue, doublement pénalisées selon elles, par une absence de droits sociaux et la poursuite de leurs clients par la loi du 13 avril 2016.
Dans son volet pénal, si la loi a bien abrogé le délit de racolage, elle l’a remplacé par la verbalisation des clients, avec une amende de 1.500 euros pouvant aller jusqu’à 3.750 euros en cas de récidive.
Dans son volet social, le dispositif prévoit un « parcours de sortie », offrant à ses bénéficiaires un logement locatif social ou une place en foyer, un accompagnement médical ainsi que des actions d’insertion sociale et professionnelle.
La situation des travailleurs de sexe
Les personnes qui exercent le travail sexuel le font en général en complément d’autres métiers peu rémunérateurs ou bien parce qu’elles sont exclues de l’économie dite formelle par manque de titre de séjour avec permis de travail, à cause des discriminations à l’embauche ou au travail, d’un handicap ou état de santé non pris en compte, du manque d’offre de services publics notamment en garde d’enfants et transports en communs pour pallier vie personnelle et vie professionnelle, etc.
Se résoudre à travailler sans être déclarée fait partie des stratégies de survie dans un contexte d’absence de choix, ou d’options économiques réduites. Le manque de trimestres cotisés pour sa retraite n’est donc pas dû à un refus de travailler, mais aux contraintes du marché du travail. Parfois des travailleuses du sexe ont dû interrompre leur travail à la demande d’un conjoint qui ne supportait pas leur activité, mais sans nécessairement bénéficier de la solidarité au sein du couple, en particulier quand cela se termine en divorce, et sans avoir pu toucher de RSA ou autre aide qui aurait pu être comptée en trimestres supplémentaires, puisque vivant en dépendance des revenus du partenaire et que les aides sociales ne sont pas individualisées. A cela s’ajoute le fait que le statut d’auto-entreprise qui facilite l’entrée dans l’économie formelle pour les travailleuses du sexe, la possibilité de se déclarer et donc de cotiser pour sa retraite, n’existe que depuis 2008 !
Si en théorie, les travailleuses du sexe ont ainsi droit à la retraite, en pratique aucune d’entre nous en âge de partir ne le peut à présent sans décote puisque le statut n’existait pas encore en début de carrière (à moins d’avoir exercé d’autres métiers à côté du travail sexuel) et qu’il manque des trimestres et annuités pour partir à taux plein. De manière générale, les travailleuses du sexe ont beau avoir travaillé toute leur vie, dans les faits, nous n’avons pas droit à la retraite, et nous devons nous contenter du minimum vieillesse ou ASPA (allocation de solidarité aux personnes âgées).