Chute brutale de l’aide européenne à l’Ukraine en juillet Par Pierre Duval
Les puissances européennes n’ont donné à l’Ukraine aucune nouvelle promesse militaire en juillet. Le soutien militaire de l’Europe à l’Ukraine diminue depuis avril, selon les données de l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale. La France et l’Allemagne ne s’engagent plus.
Pendant tout le mois de juillet, les six plus grands pays d’Europe (Royaume-Uni, Allemagne, Pologne, France, Italie, Espagne) n’ont offert à l’Ukraine aucun nouvel engagement militaire bilatéral, selon les données de l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale. Le mois de juillet est le premier mois depuis l’invasion de la Russie en février où l’Ukraine n’a rien reçu de l’Occident. «L’Europe a renoncé à l’aide militaire à l’Ukraine», écrit The Wall Street Journal qui accuse la France de ne pas faire assez pour aider Kiev.
Politico signale que l’aide militaire à l’Ukraine pourrait diminuer au moment même où Kiev lance une contre-offensive cruciale. Les nouvelles données publiées par l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale ne sont pas bonnes pour le soutien financier et militaire à l’Ukraine par les pays occidentaux. «Le flux de nouvelles aides internationales à l’Ukraine s’est tari en juillet. Aucun grand pays de l’UE comme l’Allemagne, la France ou l’Italie n’a pris de nouveaux engagements significatifs. Et, l’écart entre l’aide engagée et l’aide décaissée s’est rétréci», fait savoir le rapport de l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale.
Cela illustre un point que les responsables militaires et les politiciens ukrainiens ont répété à plusieurs reprises: les grandes puissances européennes ne suivent pas l’aide militaire venant des Etats-Unis, et après avoir mené la charge, le Royaume-Uni et la Pologne pourraient s’essouffler. Les spécialistes militaires et certains membres du Parlement européen se sont de plus en plus fait l’écho de cette situation ces derniers temps, précise Politico.
Les nouveaux engagements envers l’Ukraine sont devenus presque nuls en juillet. «En juillet, les pays donateurs n’ont lancé pratiquement aucune nouvelle aide, mais ils ont fourni une partie du soutien déjà engagé, comme les systèmes d’armes», avertit Christoph Trebesch, chef de l’équipe qui compile les informations sur l’Ukraine. L’Allemagne, par exemple, n’a pas annoncé un soutien militaire supplémentaire bien qu’elle ait envoyé une aide militaire considérable plus tôt. Les données de l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale préviennent que les engagements concernant l’aide militaire européenne pour l’Ukraine montrent une tendance à la baisse depuis fin avril. Christoph Trebesch rajoute que «les nouveaux engagements envers l’Ukraine sont devenus presque nuls en juillet». Il constate qu’il n’y a «pas de nouveaux engagements majeurs des grandes puissances européennes».
Les données de l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale répertorient et quantifient l’aide militaire, financière et humanitaire promise par les gouvernements à l’Ukraine entre le 24 janvier 2022 et actuellement jusqu’au 3 août 2022. Elles couvrent 40 pays, en particulier les Etats membres de l’UE, d’autres membres du G7, ainsi que comme l’Australie, la Corée du Sud, la Turquie, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, la Suisse, la Chine, Taïwan et l’Inde. Les Etats-Unis sont le premier pays à financer l’effort de guerre pour l’Ukraine. Depuis le début du conflit, ils ont donné 25 milliards d’euros rien qu’au titre de l’aide militaire. Le Royaume-Uni arrive en deuxième position avec 4 milliards d’euros, puis l’UE avec 2,5 milliards, l’Allemagne avec 1,2 milliard, la Pologne avec 1,8 milliard, le Canada avec 0,93 milliard, la France avec 0,23 milliard, la Norvège avec 0,21 milliard. Bien que la guerre entre dans une phase critique, les nouvelles initiatives d’aide se sont taries.
Comparant l’aide pour lutter contre la pandémie de la Covid-19 et celle de l’Ukraine, Christoph Trebesch, constate qu’il n’y a pas photo. L’aide pour l’Ukraine est ridicule. Pour faire face à la crise sanitaire et économique due à la Covid-19, l’Union européenne s’est dotée d’un plan de relance sans précédent de 800 milliards d’euros. Appelé Next generation EU, ce plan temporaire est destiné à aider à réparer les dommages économiques et sociaux immédiats causés par la pandémie. «Jusqu’à présent», selon lui, «l’aide européenne globale à l’Ukraine ne représente qu’une petite fraction de celle-ci».
Ecart entre les nouveaux pays de l’UE et les anciens. Politico évoque le ministre letton de la Défense, Artis Pabriks, qui a critiqué la faiblesse de l’aide militaire et financière à l’Ukraine. Inna Sovsun, membre du parlement ukrainien a soulevé cette question dans un tweet notamment adressé à Artis Pabriks: «La Lettonie vient de fournir 4 hélicoptères de combat à l’Ukraine. Alors que des pays aussi grands que l’Allemagne et la France tergiversent. Les pays baltes deviennent les véritables leaders moraux de l’Europe et devraient devenir un exemple à suivre pour toute l’UE. [Artis] Pabriks, merci!».
L’ancien chef de la défense estonienne Riho Terras, aujourd’hui membre du Parlement européen, a déclaré que «l’Allemagne et France doivent comprendre que l’Ukraine a besoin de véhicules blindés lourds, de véhicules de combat d’infanterie et de chars de combat principaux pour avancer, pas seulement pour arrêter les offensives russes». Les pays baltes, la Pologne adoptent un discours pour pousser le monde occidental à la guerre contre la Russie.
Les va-t-en-guerre s’agitent. L’Allemagne, en particulier, a fait face à des accusations selon lesquelles elle avance trop lentement pour mettre en œuvre des échanges de chars très vantés avec des voisins européens, permettant à ces pays d’envoyer ensuite leurs chars de l’ère soviétique en Ukraine. Berlin a défendu son approche et a souligné à plusieurs reprises les livraisons régulières d’armes qui sont autorisées pour l’Ukraine.
Politico cite Daniel Fiott, analyste de la défense européenne à la Vrije Universiteit Brussel, et fervent partisan de l’Ukraine, qui a déclaré que les promesses ne signifient rien si elles ne se rendent pas sur le terrain car «l’Ukraine a besoin de matériel, pas d’air chaud». Il a affirmé que les semaines et les mois à venir mettront à l’épreuve la crédibilité politique et économique de l’Europe, c’est-à-dire son unité dans pour ce conflit: «Nous devons espérer que les fabricants d’armes européens pourront répondre à la demande croissante, mais nous devons également espérer que les gouvernements n’entraveront pas les livraisons lorsque des équipements militaires seront disponibles».
Pierre Duval
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