Commission mixte paritaire demain 30 janvier sur le projet de loi de finances (PLF) 2025 : Analyse de Mélody Mock-Gruet
Le 23 janvier, le Sénat a voté le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 dont l’examen s’était arrêté après la chute du gouvernement Barnier. La commission mixte paritaire (CMP), prévue le 30 janvier, est un enjeu crucial pour le gouvernement Bayrou.
Composition de la CMP
· Chaque CMP est composée de quatorze sénateurs (dont sept titulaires) et quatorze députés (sept titulaires également).
· Depuis l’émiettement des grandes forces politiques et sans véritable majorité pour le gouvernement, la composition d’une CMP a d’autant plus d’impact sur la réussite ou l’échec des négociations.
· Concernant la CMP du PLF 2025, les groupes qui soutiennent le gouvernement Bayrou semblent majoritaires au sein de la réunion du 30 janvier, puisque le principe du tourniquet profite au groupe MoDem. Pour autant, cette disposition qui parait favorable au gouvernement peut tout de même échouer, les alliances étant fragiles.
· Les forces qui soutiennent l’action gouvernementale seront majoritaires avec 8 des 14 représentants qui siègeron : députés David Amiel (Renaissance) et Jean-Paul Mattei (MoDem), des sénateurs Vincent Capo-Canellas (Union centriste) et Didier Rambaud (Renaissance), et pour la droite, des sénateurs LR Jean-François Husson (rapporteur général du budget au Sénat) et Christine Lavarde, Stéphane Sautarel (apparenté LR), et du député LR Philippe Juvin.
· Les oppositions sont en minorité dans cette CMP (6 sur les 14): 4 parlementaires de gauche les sénateurs Claude Raynal (président de la commission des finances du Sénat) et Thierry Cozic, et le député Philippe Brun, la gauche comprend également Éric Coquerel (président LFI de la commission des finances de l’Assemblée nationale, et 2 députés RN Jean-Philippe Tanguy et Matthias Renault.
· Les suppléants seront présents. Meme s’ils ne peuvent pas voter, les suppléants peuvent participer au débat et proposer des modifications du texte.Pour l’Assemblée nationale : Jean-René Cazeneuve (Renaissance), Charles de Courson (Liot), Aurélien Le Coq (LFI), Philippe Lottiaux (RN), Emmanuel Maurel (GDR), Eva Sas (écologiste) et Boris Vallaud (PS). Pour le Sénat : Emmanuel Capus (Horizons), Raphaël Daubet (RDSE), Albéric de Montgolfier (LR), Bernard Delcros (Union centriste), Patrick Kanner (PS), Pascal Savoldelli (communiste) et Laurent Somon (LR).
Fonctionnement de la CMP
· Son fonctionnement reste obscur pour la plupart des acteurs de la vie parlementaire, ni les collaborateurs parlementaires, ni les collaborateurs de groupe, ni les conseillers du gouvernement n’étant présents dans ce huis-clos.
· Les négociations informelles ont déjà commencé en amont de la CMP. Par exemple, des députés et sénateurs du “socle commun” étaient réunis lundi soir au ministère des Relations avec le Parlement autour d’Eric Lombard, Amélie de Montchalin et Patrick Mignola pour parler des sujets sensbiles.
· Les réunions de CMP se tiennent alternativement soit à l’Assemblée nationale, soit au Sénat, en fonction du lieu de la dernière CMP. Lorsqu’elle se réunit, la CMP désigne son bureau. Le président de la CMP est traditionnellement le Président de la commission saisie au fond de la Chambre où se tient la CMP. Le vice-président est alors le Président de la commission saisie au fond de l’autre assemblée. Le bureau comprend également deux rapporteurs, un député et un sénateur, qui seront chargés de rendre compte des travaux devant leur assemblée respective. Il s’agit généralement des rapporteurs de chaque commission saisie au fond.
· La CMP donne lieu à la rédaction et au dépôt d’un rapport commun aux deux assemblées. Son contenu est bref, déposé simultanément dans les deux assemblées. Si la CMP est conclusive avec un texte commun adopté, le rapport intègre le tableau comparatif.
· La question de la publicité de ses travaux s’est posée à plusieurs reprises. La députée LFI Mathilde Panot et des députés suppléants de gauche de la CMP ont rendu publics les travaux de la CMP sur le PLFRSS retraites à travers les réseaux sociaux.
Contenu du champ de la discussion
· L’objet de la réunion de la CMP est de « proposer un texte sur les dispositions restant en discussion » (alinéa 2 de l’article 45 de la Constitution), c’est-à-dire les dispositions qui n’ont pas été adoptées dans les mêmes termes par les deux Chambres. En revanche, l’Assemblée nationale ayant rejeté le texte, aucun article ne peut être considéré comme adopté dans les mêmes termes par les deux chambres ; les dispositions initiales du PLF supprimées à l’Assemblée resteront intégralement en discussion. La CMP ne pourra donc examiner que les dispositions issues du PLF initial (soit le texte issu de l’examen à l’Assemblée du fait de son rejet), et issues de la version adoptée au Sénat.
· Les amendements examinés sont appelés des « propositions de rédaction », ne pouvant être présentées que par les membres de la CMP (titulaires et suppléants). Le gouvernement ou d’autres parlementaires ne peuvent donc pas en déposer. Les propositions de rédaction n’obéissent à aucun formalisme particulier et peuvent être modifiées lors de leur examen.
· Elles ne doivent pas être contraire à l’article 40 de la Constitution (irrecevabilité financière) et sont soumises à la règle de l’entonnoir (exclusion de toute disposition additionnelle ou insérant des dispositions additionnelles au sein d’articles toujours en discussion 😉 pouvant être considérées comme des cavaliers censurés par le Conseil constitutionnel.
· Pour rappel, , le Conseil constitutionnel a censuré 32 des 86 articles de la Loi pour contrôler l’immigration dont la plupart sur le fondement de la phrase du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution (amendement modifiant ou ajoutant des dispositions sans relation directe avec une disposition restant en discussion).
Longueur de la discussion
· En théorie, les CMP sont assez courtes. Mais des négociations de dernière minute ne sont pas non à exclure en pleine CMP, avec de multiples suspensions de séance.
· Pour rappel, la CMP du projet de loi immigration de 2023 avait duré 2 jours avec de nombreuses supensions.
· La CMP sur la loi Chevènement sur l’intercommunalité (juin 1999) avait duré 3 jours de CMP, non consécutifs, dont 18 heures de travaux.
Suite de la CMP
· Si la CMP est conclusive, le gouvernement soumet alors ce texte aux Chambres pour un vote final. La conférence des présidents de l’Assemblée nationale du 28 janvier a programmé la lecture des conclusions de la CMP au lundi 3 février, à 16 heures. Les sénateurs devraient ensuite se prononcer à leur tour sur le texte de compromis le vendredi 7 février, laissant le temps du résultat de la motion de censure de LFI (ou une partie du NFP) qui sera probablement déposée après le déclenchement du 49.3. Aucun amendement n’est recevable sauf accord du Gouvernement (alinéa 3 de l’article 45 de la Constitution).
· Si la CMP n’est pas parvenue à l’élaboration d’un texte ou si celui-ci n’a pas été approuvé par les assemblées, la navette reprend, d’abord à l’Assemblée nationale (vers le 3 février) sur le texte adopté par le Sénat, puis au Sénat (à partir du 17 février). Cette navette peut être limitée à une seule lecture dans chaque assemblée et le gouvernement peut décider à son issue de donner à l’Assemblée nationale le dernier mot (alinéa 4 de l’article 45 de la Constitution).
Saisine du Conseil Constitutionnel
· Si le PLF 2025 est adopté, le CC sera saisi (au moins par le groupe LFI).
· Le CC aura alors un mois pour se prononcer (ou 8 jours si l’urgence est demandé par le Gouvernement).
· Mais si la CMP est conclusive et que les deux assemblées votent le texte, on voit mal le Conseil Constitutionnel annuler l’intégralité du texte. Il pourrait tout au plus considérer quelques dispositions inconstitutionnelles.
· A noter tout de même la date du 7 mars, fin du mandat du Président du Conseil Constitutionnel, Laurent Fabius.
Analyse de Mélody Mock-Gruet
Docteure en droit public
Enseignante à Sciences Po Paris
Auteure du Petit Guide du Contrôle Parlementaire (éditions L’Harmattan)