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Congo : L’opposition congolaise serait-elle devenue la principale alliée du régime de Brazzaville?

Maître Brice NZAMBA

En politique, les mots ne sont pas qu’une combinaison de voyelles et consonnes constituant des phrases dont on userait en toute légèreté sans la moindre conséquence sur la cause qu’on prétend défendre.

 Les mots, disaient Gorgias « Sont des êtres vivants ». C’est parce qu’ils sont des êtres vivants qu’une classe politique digne de ce nom devrait toujours choisir avec le plus grand soin, les mots qu’elle entend utiliser dans le cadre de sa lutte politique. Elle devrait déterminer après réflexion, le qualificatif qui indique avec précision le régime qu’elle combat, et établir une lexicologie qui rend compte de la façon la plus parfaite, de la nature du régime qu’elle combat.
C’est ainsi que dans toute classe politique qui se respecte, les éléments de langage, en ce qu’ils rendent comptent des idées forces et de l’imaginaire auquel ils sont associes dans l’inconscient collectif des populations, sont d’une importance capitale dans la lutte politique. En effet, selon les mots auxquels une classe politique désigne et qualifie un régime politique, s’infèrent non seulement l’objectif qu’elle poursuit dans sa lutte, mais aussi les moyens pour atteindre cet objectif.
 En clair, se qualifier d’opposant dans un système politique, c’est reconnaître par déduction logique le caractère démocratique de ce système : le mot opposant est un être vivant avec des implications logiques implacables et des connexions à un imaginaire politique collectif sur la scène nationale et internationale.
 Ainsi, lorsqu’une classe politique se déclare « opposante » dans un système politique, elle reconnaît par cette seule déclaration que le régime en place dans ce système est démocratique, comme l’est d’ailleurs le système lui-même. En effet, comme le disait si bien Ursula le GUIN, « S’opposer à quelque chose, c’est contribuer à son maintien ». Dès lors, cette classe politique opposante n’aspire pas à renverser ce système politique, mais plutôt à le maintenir par un simple jeu de changements de rôles. Puisque, comme nous l’instruit, robert SABATIER, s’opposer n’est autre que proposer sinon l’opposition se résout à un simple mouvement d’humeur.
Aussi, se qualifier d’opposant dans un système politique, c’est reconnaître le caractère démocratique de ce système et du régime qui en exerce le pouvoir, en ayant pour seule marge de manœuvre : des propositions pour améliorer le système.
Dans ce cas, l’objectif poursuivit par la classe politique opposante ne pourrait être qu’un apparent changement politique se limitant à une mutation des rôles où certains passeraient de l’opposition à l’exercice du pouvoir politique, à travers des postes à responsabilité ministérielle et de l’exercice du pouvoir à l’opposition.
A la vérité, il s’agirait non pas d’une lutte politique liée à des contradictions sur la vision de la société ou du monde mais plutôt une lutte sur la répartition des prébendes du pouvoir. Le qualificatif qu’une classe politique se donne, et celui qu’il donne à son adversaire politique comporte l’objectif politique qu’elle poursuit, sans même qu’elle s’en aperçoive consciemment. En effet, l’une des grandes vertus des mots, c’est qu’ils disent de ceux qui l’utilisent, plus que ce qu’ils croient en dire eux-mêmes. Or, en République du Congo, après le renversement par la force des institutions démocratiques issues de la constitution du 15 mars 1992, et les pseudos élections qui s’en sont suivies les unes après les autres, la classe politique combattant ce régime s’accorde à dire que celui-ci est de nature dictatoriale.
Ce qui est étonnant, c’est qu’une fois le qualificatif mérité de dictature ou de tyrannie attribué au régime de Brazzaville par la classe politique qui le combat, cette dernière s’empresse elle-même à disqualifier la nature de ce régime en se qualifiant elle même d’opposante. Il n’est pas possible sur le plan de la rigueur sémantique et politique d’être opposant dans un système politique dictatorial ou tyrannique. En effet, soit le système politique est démocratique, et alors il y existe forcement une opposition, soit le système politique y est dictatorial ou tyrannique alors il ne saurait y avoir d’opposants politique. Se proclamer opposant dans un système politique tout en affirmant que ce régime est une tyrannie ou une dictature est une monstruosité intellectuelle.
C’est ici la première confusion qui rend illisible et incohérente la lutte de la classe politique qui combat le régime en place à Brazzaville. De cette confusion ou incohérence originaire naît une chaîne d’incohérences dans laquelle s’est empêtrée cette classe politique d’opposition.
Dès lors qu’il y’a incohérence entre sa propre appellation et celle de son adversaire, il s’ensuit non seulement une confusion sur l’objectif a atteindre, mais aussi sur les moyens à utiliser pour y arriver. C’est ainsi que ceux qui se disent opposants congolais, tout en proclamant qu’ils se battent contre une dictature, sont contraints de jouer le jeu de la parodie démocratique qui leur est servie par le régime en place. Comment ne pas participer aux différentes élections organisées par le régime en place en toute légitimité face à la communauté internationale, tout en se proclamant opposant politique ? Cela ne saurait être cohérent. Et comment soutenir avec sérieux, face à la communauté internationale que le régime en place est une tyrannie ou une dictature, tout en participant aux différentes élections organisées par celui-ci ? Cela ne saurait non plus être cohérent. Et voilà nos opposants politiques soumis à une sorte de complexe de l’âne de Buridan, ne sachant quel choix définitif faire. Aussi longtemps que cette opposition ne ferait pas le choix de la Raison, impliquant une cohérence et une rigueur sans faille entre la nature du régime combattu, l’objectif à atteindre et les moyens pour y arriver, elle ne serait qu’une alliée objective du régime
 Denis SASSOU NGUESSO. Benjamin DISRAELI disait « Le secret du succès en politique, est la cohérence des objectifs. » Outre cette incohérence, il s’y ajoute une illisibilité de stratégie même lorsqu’un objectif semble avoir été fixé. C’est ainsi que lors même qu’était fixé l’objectif de contester les résultats électoraux issus du scrutin présidentiel de Mars 2016, et qu’une crise post électorale en résultait, cette opposition cru devoir saisir un conseil constitutionnel faisant partie d’une architecture institutionnelle dont elle contestait la légitimité.
A la vérité, il transparaît de ce qui semble être une incohérence de cette classe politique d’opposants, une cohérence dans tous ses échecs qui se vérifie dans les victoires du régime en place. Ainsi, l’incohérence, la démarche courbe de l’opposition et tous ses errements en fait une alliée objective du régime en place. Grâce à elle, le régime en place à Brazzaville peut se targuer d’être un régime démocratique, d’avoir été élu à travers un jeu électoral démocratique. La cohérence serait de s’en tenir à la cohérence qu’impliquerait une lutte politique contre une tyrannie, contre un système politique qui s’oppose même aux principes d’une République. Lorsqu’il y’a accaparement de l’appareil d’Etat par une famille, par un clan, il n y a plus de République, et la seule lutte politique qui vaille dans ces conditions, est celle qui nous est conseillée par Saint Just lors de sa déclaration à la convention nationale en date du 26 février 1794 : « Ceux qui font des révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau. Ce qui constitue une République, c’est la destruction de tout ce qui s’oppose à elle. »
 B. NZAMBA

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