Davos : le temple de l’interventionnisme étatique par Pascal Salin
Davos 2017 a confirmé que ce rassemblement était celui d’un groupe de pouvoir interventionniste, bien loin capitalisme libéral.
La réunion annuelle du Forum de Davos a réuni comme d’habitude des hommes politiques importants de divers pays, des dirigeants de grandes entreprises et quelques ONG. Comme en témoigne ce qu’on peut lire dans la presse à ce sujet, pour beaucoup de gens le forum de Davos est considéré comme le « temple du capitalisme » ou comme le « sommet de la mondialisation libérale ».
L’utilisation d’étiquettes de ce type reflète en réalité le fait que bien des confusions existent à propos du capitalisme et du libéralisme. Ce sont ces mêmes confusions qui conduisent souvent à exprimer l’idée, par exemple, que le Fonds monétaire international a pour rôle de faire mettre en pratique dans le monde entier des politiques économiques d’inspiration libérale.
Certes, le FMI a parfois préconisé des politiques de libéralisation économique et il essaie parfois de réagir contre des politiques budgétaires trop laxistes (financées par la création monétaire). Mais on ne peut pas considérer comme étant d’inspiration libérale le fait que des gouvernements fassent des prêts, par l’intermédiaire du FMI, aux pays les plus mal gérés, le fait que le FMI utilise des ressources obtenues au moyen de la contrainte étatique, ou encore le fait qu’il recommande souvent des politiques de type keynésien.
Mais revenons au Forum de Davos. Pourquoi en fait-on un symbole du capitalisme et de la mondialisation ? Il y a sans doute deux raisons à cela. Tout d’abord on a trop souvent tendance à dire que le capitalisme ou le libéralisme consistent à défendre les grandes entreprises. Le forum de Davos réunirait donc certains des représentants les plus typiques du capitalisme mondial. Mais cette idée est en fait radicalement fausse. Je considère pour ma part qu’une définition correcte du capitalisme consiste à dire qu’il constitue un système de droits de propriété légitimes (c’est-à-dire des droits de propriété qui n’ont pas été obtenus par l’usage de la contrainte publique mais par des efforts personnels de création).
Les vrais capitalistes ne sont pas ceux que l’on croit
Il n’y a donc aucune raison de considérer que défendre un système capitaliste c’est défendre les grandes entreprises. Comme l’a très bien expliqué l’économiste péruvien Hernando de Soto, les grandes entreprises sont souvent entre les mains de nomenklaturistes proches du pouvoir politique, dont ils obtiennent toutes sortes de privilèges; dans ces conditions les vrais capitalistes sont, par exemple, tous ces petits producteurs qui essaient de survivre en dépit des obstacles règlementaires et fiscaux que leur imposent les gouvernements.
Pourquoi, par ailleurs, est-il erroné de considérer que le forum de Davos est l’expression de la mondialisation libérale ? On entend souvent dire que, dans un monde mondialisé (par suite des progrès de la libéralisation des échanges au cours des décennies passées), il conviendrait aussi que les politiques économiques soient « mondialisées ». On entend par cela qu’il conviendrait que les politiques économiques soient « harmonisées » (comme on cherche à le faire explicitement dans l’union européenne).
La concurrence est aussi bénéfique aux systèmes politiques
De ce point de vue le Forum de Davos serait un lieu de rencontres entre les représentants des Etats pour travailler à cette « mondialisation des politiques ». Mais cette idée va en fait à l’inverse de ce qu’est effectivement la mondialisation. On peut en effet définir la mondialisation comme une situation où il n’existe pas d’obstacles à la liberté des échanges de telle sorte que les producteurs de tous les pays sont en concurrence les uns avec les autres.
Or, lorsque la concurrence existe chaque producteur essaie de faire mieux que les autres, c’est-à-dire que la concurrence incite à la diversification. Ttel est d’ailleurs l’un des grands mérites de la mondialisation : contrairement à ce que l’on prétend souvent elle n’a pas pour conséquence de créer un monde standardisé, mais au contraire différencié.
Ainsi, la « mondialisation » des politiques économiques ne devrait pas être conçue comme un effort pour les harmoniser, mais au contraire pour les mettre en concurrence. La concurrence est toujours bonne, elle l’est également pour les politiques économiques en permettant de multiplier les expériences et donc de comparer l’efficacité de diverses politiques. Il ne serait donc pas nécessaire, bien au contraire, dans un monde véritablement libéral que les gouvernants se rencontrent, aussi bien au sein du G20 qu’à l’occasion du Forum de Davos.
Délits d’initiés ou informations de qualité sur l’interventionnisme ?
Certes, on dira que le forum de Davos permet aux dirigeants des grandes entreprises d’obtenir des informations au sujet des politiques économiques pratiquées dans les différents pays et, éventuellement, de bénéficier d’informations privilégiées sur les intentions des gouvernements concernant leurs politiques futures. Il est indéniable qu’il est toujours souhaitable d’obtenir des informations de qualité et le forum de Davos peut, de ce point de vue, être utile pour les grandes entreprises (mais, bien sûr, pas pour les autres).
Cependant cette situation est un révélateur évident de la nature du monde contemporain : les activités économiques ne se déroulent pas dans un monde parfaitement libéral, mais dans un monde où l’environnement politique joue un rôle important et c’est pourquoi l’information concernant les décisions étatiques y est précieuse. On peut en effet estimer à juste titre qu’à notre époque les Etats constituent les sources fondamentales de l’instabilité économique du fait de la variabilité de leurs politiques monétaires, budgétaires et fiscales. De ce point de vue, loin d’être « le temple du capitalisme mondial », le forum de Davos peut être considéré comme « le temple de l’interventionnisme étatique ».
Bien entendu, il est très probable que les dirigeants des grandes entreprises présentes à Davos profitent de cette occasion pour essayer de peser sur les décisions politiques qui peuvent avoir une incidence sur leurs entreprises, mais ces pressions peuvent aller dans des sens variés et opposés. Ainsi, les entrepreneurs ont intérêt à obtenir des mesures protectionnistes qui leur évitent la concurrence des producteurs étrangers, mais ils ont intérêt à ce que les autres pays maintiennent la liberté des échanges afin de vendre plus facilement leurs produits. Le résultat de ces pressions variées est évidemment difficile à évaluer, mais il peut aboutir à un renforcement de ce qu’on appelle le « capitalisme de connivence ».
Une influence par le pouvoir et non pas par la pensée
Il ne faut donc pas s’attendre à ce que le forum de Davos contribue à la libéralisation des activités économiques et donc à la consolidation du capitalisme. Il constitue une société de pouvoir et non une société de pensée qui aurait pour objectif de rechercher les moyens d’affermir la liberté dans les activités humaines.
A titre d’exemple de société de pensée, une organisation comme la Société du Mont Pèlerin (association internationale des intellectuels libéraux fondée en 1947 par Friedrich Hayek) joue un rôle discret mais réel pour diffuser les idées favorables à la liberté. Elle est, comme le forum de Davos, à l’origine d’un réseau international de personnalités, mais elle a par ailleurs suscité la création de multiples think tanks libéraux. Son rôle en faveur d’un capitalisme véritable et responsable et d’un vrai libéralisme est totalement différent de celui que peut jouer le forum de Davos.
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