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Débat sur le plafond de l’Opéra Garnier. Par S de La Houssière

« Si l’œuvre de Marc Chagall présente un intérêt artistique incontestable, a-t-il réellement sa place au Palais Garnier? » Telle est la question que viennent de  poser l’association Urgence Patrimoine et sa présidente Alexandra Sobczak.
De quoi s’agit-il ? Tout commence en 1964, date à laquelle Chagall signe le plafond de l’Opéra de Paris commandé par le ministre de la Culture, Malraux. « Monsieur André Malraux me proposait de peindre un nouveau plafond de l’Opéra à Paris. J’étais troublé, touché, ému.… Je doutais jour et nuit ».
 Prononcés par Chagall le 23 septembre 1964, le jour de l’inauguration du nouveau plafond, ces premiers mots révèlent les difficultés qu’il eut à affronter.
 La peinture monumentale ornant le plafond du Palais Garnier, représentant de grands compositeurs  va, dès sa création, créer la polémique entre les classiques et les modernes. Une affaire  qui a secoué le monde de l’art et fit scandale à l’époque.
La polémique agite les intellectuels et les spécialistes du milieu artistique qui n’acceptent pas qu’une œuvre contemporaine soit introduite dans un bâtiment du plus pur style Second Empire. Les défenseurs du Palais Garnier soulignent l’unité formelle et structurelle du projet conçu par l’architecte qui en avait prévu le moindre détail et qui avait sélectionné avec soin les peintres chargés du décor. Introduire l’œuvre d’un peintre étranger, singulier, dont l’univers apparaissait très éloigné de la culture française, changer le plafond de Jules Lenepveu paraissait donc un sacrilège.
 Marc Chagall ne sous-estimait pas cependant la difficulté de l’entreprise. En accord avec André Malraux et avec Georges Auric, alors directeur de l’Opéra, l’œuvre originale de Jules Lenepveu ne fut pas déposée, mais simplement masquée. La conception technique d’une telle entreprise fut complexe. Chagall avait à couvrir pas moins de 220 m2 de surface totale. Cette difficulté liée à l’architecture de la salle se complétait des problèmes spécifiques à la perception visuelle du futur plafond.
Cette contrainte est au centre de sa proposition. Elle lui dicte la solution figurative qui se développe à l’Opéra et signe une réalisation dont le chatoiement chromatique peut rivaliser avec toutes les mises en scène à venir.
Mais Chagall tourne le dos à l’œuvre de Lenepveu. Alors que ce dernier, soucieux de s’inscrire dans la conception générale de Charles Garnier propose, avec Les Muses et les Heures du jour et de la nuit , une œuvre empruntant le langage allégorique  de la tradition classique, Chagall, lui,  fait le choix de la modernité en évoquant compositeurs et ouvrages présentés à l’Opéra de Paris. Il organise l’espace du plafond en cinq compartiments, chacun porté par une tonalité différente. Ainsi accorde-t-il au bleu Moussorgski et Boris Goudounov, Mozart et La Flûte enchantée ; au vert Wagner et Tristan et Isolde, Berlioz et Roméo et Juliette ; au blanc, Rameau associé au Palais Garnier et Debussy à Pelléas et Mélisande ; le rouge correspond à Ravel et à Stravinski dont Chagall avait réalisé les décors et les costumes de Daphnis et Chloé  et de L’Oiseau de feu .Enfin, le jaune fait référence à Tchaikovski et Alfred Adam et aux ballets Le Lac des Cygnes et Giselle. En une ronde joyeuse se mêlent les figures tendres des couples légendaires, des personnages ailés, des toits de Vitebsk et des monuments parisiens.
 Chagall se livre à une véritable célébration du spectacle : « J’ai voulu, en haut, tel dans un miroir, refléter en un bouquet les rêves, les créations des acteurs, des musiciens ; me souvenir qu’en bas s’agitent les couleurs des habits des spectateurs. Chanter comme un oiseau, sans théorie ni méthode. Rendre hommage aux grands compositeurs d’opéras et de ballets»
Aujourd’hui le débat est réactivé par l’association Urgence Patrimoine qui avance que « Charles Garnier a pensé son oeuvre jusqu’au moindre détail et le plafond d’origine est en parfaite harmonie avec cet édifice remarquable. (…)
Le plafond de Marc Chagall est un chef-d’oeuvre qui pourrait trouver sa place dans un de nos grands musées nationaux et même pourquoi pas, faire l’objet d’une exposition itinérante pouvant générer des bénéfices conséquents, permettant la sauvegarde du Patrimoine parisien et celle du Palais Garnier en particulier.
Nous respectons tous cette oeuvre moderne, mais nous respectons profondément le Palais Garnier et il est temps de lui rendre son aspect initial, désiré et créé par Charles Garnier.
Le plafond Chagall est fixé simplement par-dessus le plafond d’origine et les risques de dommages de l’opération de démontage sont infimes C’est la raison pour laquelle aujourd’hui nous demandons à Madame la Ministre de la Culture d’envisager ce démontage, afin que l’Opéra Garnier retrouve sa cohérence et son intégrité, fortement mises à mal par la destruction des loges en 2015. »
Une pétition adressée à Mme Nyssen, ministre de la Culture est en ligne sur Internet qui mettra peut-être fin à un débat qui dure depuis plus d’un demi-siècle….

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