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Discours du Président du Parlement européen Antonio Tajani au Conseil européen des 14 et vendredi 15 décembre 2017

A l’ouverture du Conseil européen, le Président du Parlement européen, Antonio Tajani, a prononcé un discours dont vous trouverez quelques extraits ci-dessous. Ont notamment été abordés les thèmes : migrations, réforme du système d’asile, sécurité et défense, brexit, renforcement de la gouvernance économique et cadre financier pluriannuel.

Brexit
Je souhaite féliciter le négociateur Michel Barnier pour l’excellent travail accompli et exprimer la satisfaction du Parlement devant l’esprit d’unité dont nous avons fait preuve.

Dans sa résolution adoptée hier, le Parlement a pris acte du fait que les progrès réalisés sont suffisants pour permettre d’aborder la deuxième phase. Il nous faut désormais nous montrer vigilants sur les prochaines étapes.

À la lumière des déclarations qui nous sont parvenues d’outre-Manche le week-end dernier, il est bon de rappeler que le rapport conjoint est un document contraignant, et non un escamotage permettant de passer à la deuxième phase. Des discussions sur les relations futures ne pourront avoir lieu qu’à la condition d’appliquer à la lettre ce dont nous sommes convenus dans l’accord de retrait.

Enregistrer des «progrès suffisants» ne signifie pas que tous les problèmes ont été réglés. Le travail à accomplir reste important. Le Parlement veillera notamment à ce que les droits des citoyens soient réellement préservés et suivra de près la mise en place de la procédure visant à leur garantir un statut spécial.

Je me réjouis également de voir que le gouvernement britannique a accepté d’honorer les engagements financiers souscrits. Ce dont je n’ai jamais douté. Sur la question de la frontière irlandaise, les problèmes de l’Irlande sont les problèmes de l’ensemble de l’Union.

Le Royaume-Uni doit sortir de toute ambiguïté: la solution spécifique pour cette frontière ne saurait se transformer en une porte d’accès secondaire au marché intérieur.

En ce qui concerne la future relation avec le Royaume-Uni, il existe des lignes rouges à ne pas franchir: l’intégrité du marché unique, l’autonomie de décision de l’Union européenne, le statut de pays tiers, avec tous les effets. Y compris dans cette deuxième phase délicate, l’unité sera notre atout le plus précieux.

Nous apporterons notre contribution à l’élaboration de l’accord sur les relations futures qui devra être approuvé par le Parlement.

De nombreux autres défis prioritaires pour nos citoyens nous attendent.

Sécurité et défense
Selon l’Eurobaromètre, les Européens souhaitent que l’Europe soit plus efficace dans le domaine de la défense et de la sécurité. Nous ne pouvons plus continuer à dépendre de la puissance militaire d’autrui. Notre sécurité, le contrôle des frontières, la gestion des flux migratoires, la lutte contre le terrorisme et la stabilité aux frontières dépendent de nous-mêmes.

Avec la signature de la déclaration de Rome, nous nous sommes engagés à relancer l’Union, en partant d’une défense commune. La première étape consiste à développer une industrie et un marché européens qui renforcent les économies d’échelle et l’interopérabilité.

25 États membres viennent de franchir un pas historique en mettant en place une coopération permanente dans le domaine militaire. Parmi leurs objectifs, figure la mise en place d’instruments de défense européens et d’opérations communes en matière de sécurité. Le fonds de l’Union européenne pour la défense, en discussion au Parlement, s’inscrit dans ce mouvement de soutien de l’industrie de ce secteur.

Notre industrie pourra bénéficier de retombées positives grâce aux projets de recherche et de développement de prototypes. Une utilisation plus efficace des fonds au niveau de l’Union permettra des économies à l’échelle nationale. Des normes et des marchés publics communs amélioreront notre capacité à mettre en place des opérations de sécurité communes.

Le modèle à suivre est celui de notre politique spatiale, où les infrastructures européennes, tels qu’EGNOS, Galileo et Copernicus, ont contribué à notre compétitivité. De la même manière, le prochain budget doit prévoir l’investissement de moyens adéquats dans la sécurité et la défense.

Dimensions sociale, éducative et culturelle
La mondialisation et les nouvelles technologies suscitent des préoccupations chez nos concitoyens qui demandent que l’Union ne laisse personne de côté.

La numérisation, la robotique ou l’intelligence artificielle transforment la production et les compétences. Les nouveaux emplois ne compensent pas la perte de ceux auxquels les machines et les technologies se sont substitués. Près de la moitié des activités humaines peut être automatisée.

L’Union doit gérer la révolution en cours, en investissant dans la formation. Il est essentiel de faciliter le dialogue entre les universités, les centres de formation et l’industrie, afin que l’offre de compétences soit en adéquation avec l’évolution de la demande.

Le nouveau budget de l’Union devra prévoir des ressources supplémentaires, non seulement pour les échanges universitaires Erasmus, mais aussi pour l’apprentissage et les stages destinés à aider les personnes à réintégrer le marché du travail.

Les entreprises créent de l’emploi, c’est pourquoi notre politique sociale doit privilégier le soutien à l’économie réelle.

Nos entrepreneurs doivent pouvoir investir en Europe sans subir la concurrence déloyale de ceux qui écoulent leur surcapacité de production aux dépens des travailleurs européens, au moyen de subventions ou de ventes à perte. Le Parlement a exigé que la nouvelle méthode antidumping ne tende pas à augmenter les obligations probatoires des PME et tienne compte du dumping social et environnemental.

La proposition du Parlement concernant la directive sur le détachement des travailleurs favorise l’équilibre entre la protection des travailleurs, la compétitivité et un marché plus équitable. J’espère que nous pourrons dégager, le plus rapidement possible, un accord avec le Conseil.

Pour créer de nouveaux emplois, nous devons mettre l’accent sur des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre et sur la créativité. Notre histoire et notre culture millénaire offrent un potentiel de croissance dont nous devons encore tirer pleinement parti.

Je pense au tourisme, au design, à la numérisation des sites culturels, au luxe et à l’artisanat d’excellence. Nous ne sommes pas uniquement le continent qui accueille le plus grand nombre de sites de l’Unesco; nous restons également à la pointe dans de nombreux domaines de la culture et de la création.

Dans sa résolution intitulée «Une politique cohérente de l’Union pour les secteurs de la culture et de la création», le Parlement demande que soient adoptées des mesures pour promouvoir un secteur qui emploie 12 millions de personnes.

Dans ce secteur aussi, la révolution numérique ouvre des perspectives inédites, à condition de l’accompagner de politiques à la hauteur. Les plateformes numériques ne sauraient être au-dessus des lois.

Tout comme les autres entreprises, elles doivent être responsables, payer leurs impôts, garantir la transparence et protéger les droits sociaux, l’enfance, la sécurité, les consommateurs et la propriété intellectuelle.

Le piratage et la contrefaçon continuent d’augmenter, notamment grâce à internet. À défaut de protéger la créativité, le design, la mode, les œuvres musicales et cinématographiques, les articles ou les livres, les investissements chuteront, avec pour corollaire un grave préjudice pour la compétitivité européenne.

Plus que par l’économie, l’Europe est unie par sa culture. La conscience de notre identité constitue la base pour la réalisation d’une Union forte et ouverte aux autres, dont la diversité fait la richesse.

L’Année européenne du patrimoine culturel, fermement soutenue par le Parlement, offre l’occasion de redécouvrir et de promouvoir cette identité et de rapprocher l’Union de ses citoyens.

Immigration
Les citoyens aspirent à une solution à la crise migratoire. Ils veulent que cessent les flux incontrôlés, le défilé des demandeurs d’asile, les morts en mer ou dans le désert ou encore, la traite d’esclaves.

Avancer en ordre dispersé serait une grave erreur et nous éloignerait de solutions véritablement efficaces. Il nous faut, au contraire, adopter une stratégie européenne forte, mettre en place une véritable coordination de nos actions et mettre en commun davantage de moyens et de ressources.

D’une part, nous devons renforcer le contrôle des frontières extérieures, en repoussant, ou en rapatriant avec rapidité et fermeté, ceux qui n’ont pas le droit d’entrer; d’autre part, nous devons montrer notre solidarité envers ceux qui fuient les guerres et les persécutions.

Le régime d’asile actuel, qui fait peser tous les charges sur le pays de première accueil, ne fonctionne pas. Le Parlement a adopté, à une large majorité, la réforme du règlement de Dublin avec des règles plus solidaires, homogènes et efficaces. Nous demandons que la répartition des réfugiés soit automatique et qu’elle se fasse sur la base de critères objectifs et équitables, conformément à l’esprit de solidarité qui constitue une valeur fondamentale de l’Union.

Il revient désormais au Conseil d’apporter au plus vite sa contribution. Si la recherche d’un large consensus sur un sujet aussi sensible est appréciable, il n’est pas juste d’exiger l’unanimité à tous prix lorsque le traité prévoit la procédure ordinaire de codécision avec vote à la majorité qualifiée. Cela risque non seulement de bloquer sine die une décision essentielle pour les citoyens, mais de priver le Parlement de son pouvoir de colégislateur. En tant que Président du Parlement, il est de mon devoir de protéger ses prérogatives.

Au sommet d’Abidjan, la nécessité urgente est apparue de travailler tous ensemble à la stabilisation de la Libye et à la sauvegarde des droits de l’homme. L’Union africaine nous demande de parler d’une seule voie et de coordonner notre action.

Nous devons mobiliser des ressources analogues à celles utilisées pour la route des Balkans pour fermer les routes de la Méditerranée centrale. Ces fonds doivent être dépensés en Libye, en Tunisie, en Algérie, au Maroc, au Niger, au Tchad ou au Mali. Ils doivent servir à la formation de gardes-frontières et de forces de sécurité, ou à la mise en place de centres d’accueil sous l’égide de l’ONU, avec protection humanitaire et gestion des demandes d’asile.

Le problème des flux migratoires liés à la démographie, au climat, au terrorisme, à la guerre et à la pauvreté, doit être pris à la racine. Nous devons apporter des perspectives aux jeunes Africains afin d’éviter que, de quelques milliers au départ, ils deviennent des millions.

Le plan d’investissement pour l’Afrique de 3,4 milliards d’euros que nous avons approuvé en juin dernier, est un pas dans la bonne direction. Mais il reste beaucoup à faire pour doter le continent d’une base industrielle, d’une agriculture efficace, de sources d’énergie renouvelable et d’infrastructures adéquates.

À Abidjan, j’ai proposé que, dans le cadre du prochain budget, le fonds d’investissement soit doté d’une enveloppe d’au moins 40 milliards. Grâce à l’effet de levier et aux synergies avec la Banque européenne d’investissement, quelque 500 milliards pourront être mobilisés, doublant les investissements étrangers sur le continent.

Renforcer la gouvernance économique
Il est indispensable d’achever la construction de l’union bancaire et du marché des capitaux. La réduction des risques doit aller de pair avec le partage des risques.

Le Parlement est favorable à la transformation du mécanisme européen de stabilité en un Fonds monétaire européen. Nous sommes également favorables à l’idée d’un ministre des finances de l’Union européenne – vice-président de la Commission et président de l’Eurogroupe, qui garantirait une relation de confiance avec le Parlement par le biais de l’audition et du vote.

Ces réformes ne doivent pas être de nature seulement déclarative, elles doivent prévoir de véritables pouvoirs, un budget approprié et un contrôle démocratique.

Un budget politique
Comme je l’ai souligné lors du dernier Conseil, je suis d’accord avec le commissaire Stylianides sur l’opportunité de développer une véritable protection civile européenne. Nous pourrions nous doter de capacités et de moyens communs pour réagir rapidement et de manière plus efficace aux demandes d’aide des États membres et de nos voisins. Cela montrerait au citoyen la réalité la plus palpable de la solidarité européenne.

Voilà une autre façon de montrer comment la mise en commun des ressources dans certains secteurs apporte une efficacité accrue et des économies pour tous les États membres.

De même, la défense, la formation, la culture et l’immigration nécessitent des ressources communes supplémentaires. L’Union doit se doter d’un budget politique qui reflète les priorités des citoyens. C’est la première réforme à mettre en place, sans même devoir changer les traités.

Nous ne pouvons faire peser une charge supplémentaire sur des citoyens ou des PME qui paient déjà trop d’impôts. Nous devons trouver des ressources propres de l’Union en récupérant l’impôt auprès de ceux qui ne paient pas.

Se fondant sur la base du rapport Monti, le Parlement examine actuellement une série d’idées. Parmi elles, des prélèvements sur les plateformes numériques qui résoudraient le problème du dumping fiscal et de la territorialité des revenus, ainsi qu’une taxe sur les transactions financières à caractère spéculatif.

Je pense également qu’il est indispensable de mener une action plus déterminée contre les paradis fiscaux est nécessaire

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