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Du coup, la définition du capitalisme passait des mains des politiques à ceux de la banque centrale, et plus généralement du système financier.

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Pourquoi les repères sont-ils perdus ? Et pourquoi la droite et la gauche – de tous les pays occidentaux- semblent-elles appliquer la même politique économique, à quelques nuances cosmétiques près ? Où sont les clivages d’antan dans lesquels nous nous retrouvions – et pour lesquels nous nous affrontions – tous ? C’était la gauche qui défendait les dépenses publiques et les redistributions des richesses censées établir une société plus équitable. Pendant que la droite plaidait pour des finances publiques équilibrées afin de réduire l’intervention et le pouvoir de l’Etat à sa plus simple expression.

L’essentiel du débat et des déchirements était donc centré autour de la fiscalité jusqu’à ce que la politique monétaire – celle mise en place par les banques centrales – ne vienne brouiller les pistes et harmoniser les clivages traditionnels. Une école de pensée apparut et devait dominer les débats publics en gros dès l’arrivée au pouvoir de Reagan aux Etats-Unis et de Thatcher en Grande Bretagne qui, sous l’impulsion de Milton Friedman, unit progressivement sous sa bannière gauche et droite dont la vie fut quasiment du jour au lendemain facilitée. Ces deux bords irréconciliables furent en effet soulagés – et par la même occasion déresponsabilisés- par les enseignements de Friedman selon lesquels la politique de la banque centrale était bien plus déterminante pour l’activité économique et pour la croissance que la politique fiscale de leur Etat de tutelle.

A même de relancer la croissance en réduisant le loyer de l’argent, la banque centrale pouvait donc mettre ses liquidités à disposition du marché qui en disposerait ainsi à bon escient et de manière optimale. De fait, les années 1990 et le début des années 2000 furent des périodes de prospérité occidentales qui vinrent à l’appui de cette thèse monétariste. Quant aux cracks boursiers des années 2000 et 2007/2008, ils ne représentaient que des accidents de parcours provoqués par la lenteur de ces mêmes banques centrales à remonter le levier de leurs taux d’intérêt afin de contenir les bulles spéculatives du moment. Cette approche nouvelle réduisait donc l’ancien débat existentiel et passionné de la fiscalité – c’est-à-dire du choix de société – à des réajustements techniques et à leur moment opportun de la part de la banque centrale.

La question n’était donc absolument plus de savoir quel capitalisme voulait-on, mais plutôt quels leviers fallait-il activer et à quel moment afin d’assurer que le robinet des liquidités puisse en tout temps s’adapter aux besoins du marché. Du coup, la définition du capitalisme passait des mains des politiques à ceux de la banque centrale, et plus généralement du système financier. Si ce n’est que notre monde se retrouve aujourd’hui dans une situation ubuesque où les banques centrales n’ont strictement plus aucun pouvoir car confrontées au plancher du taux 0. Tandis qu’il leur suffisait d’appuyer mécaniquement sur quelques boutons pour relancer la croissance et l’inflation en baissant des taux quand ils sont autour de 4 à 5%, elles en sont réduites actuellement à rendre leurs taux négatifs – c’est-à-dire à faire payer les prêteurs ! – pour tenter de lutter contre la déflation.

Alors que nos économies entrent fermement et sûrement en période de glaciation, les banques centrales sont emmurées comme Hibernatus et dans l’impossibilité de réagir car à bout de munitions. C’est à peu près à ce moment que nos élus devraient intervenir pour ramener la politique – la vraie – au centre du débat démocratique.

Michel Santi

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