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Du pain et des jeux à quelques mois de la présidentielle

A quelques mois de la présidentielle, le ministère de la Culture va bénéficier d’une hausse historique de 5% de son budget après une augmentation déjà consistante de +2.9% cette année.pld

 

Les finances publiques sont exsangues, la pression fiscale n’a jamais été aussi élevée. Le pays s’inquiète du manque de moyens de la Justice – dont le budget a longtemps été inférieur à celui de la Culture – et de la sécurité intérieure pour traiter la menace terroriste. Alors que la Russie montre les crocs, que la Turquie se transforme en dictature islamiste et le Moyen-Orient en poudrière de plus en plus explosive, notre armée a été saignée discrètement année après année, par la droite comme la gauche. Mais la priorité du jour pour le gouvernement, c’est le ministère de la Culture, la plus efficace des agences de communication de la gauche.

Certains rétorqueront qu’en période de crise morale et politique, le pays a justement besoin de davantage de culture. C’est vrai. Nous avons besoin de spectacle vivant, de création pour nous oxygéner l’esprit et favoriser le flux d’émotions et de réflexions que l’art nourrit. De la matière pour l’esprit. Mais de quelle culture parlons-nous ? De la bureaucratie culturelle – 11.000 fonctionnaires directs – qui encadre et sélectionne les « bons » acteurs culturels, ceux qui méritent une aide ? Des médias « officiels » qui diffusent la bonne parole du clan au pouvoir ? Des réseaux de copinage qui s’approprient la manne des subventions au détriment des marginaux, des audacieux, des indépendants réellement créatifs ? De l’art « pompier » qui répond non pas aux goûts des Français mais à ceux des décideurs publics ? Une fois de plus, le gouvernement dilapide l’argent des Français – de leurs enfants via la dette – dans une perspective purement clientéliste. Il poursuit la « fonctionnarisation de la Culture » qui travaille de plus en plus au service non pas du public mais de l’Etat.

Les initiés vivent dans l’opulence des subventions et aides de toutes sortes, les autres survivent d’autant plus difficilement que les portes se referment vite sans l’estampille de l’Etat. L’exemple du cinéma est parlant. Le fondateur de Wild Bunch (qui a distribué The Artist et La vie d’Adèle entre autres), Vincent Maraval, s’est exprimé dans ce sens dans une tribune (1): « Le fameux système d’aide du cinéma français ne profite qu’à une minorité de parvenus« . Exit – ou exode – les outsiders. Il insiste : « les acteurs français sont riches de l’argent public et du système qui protège l’exception culturelle. » Cet univers fermé dominé par la cooptation ne va pas mordre la main qui le nourrit, surtout si cette main nourricière est de gauche. Ce système bien huilé vit aux dépens des jeunes talents et de la création insoumise qui doivent parfois s’exiler pour s’épanouir. C’est hors des sentiers battus, grâce à leur débrouillardise, qu’ils font éclore leurs œuvres magnifiques « malgré » leur exclusion du système. Ces vrais artistes ne verront certainement pas leur vie améliorée par ce cadeau budgétaire pré-électoral.

En revanche, les medias complaisants seront sans doute renforcés. Les 665 millions d’aides à la presse sont déjà bien ciblés. L’hebdomadaire conservateur Valeurs Actuelles s’est vu privé de ses aides, le quotidien libéral L’Opinion reçoit moins de 200.000 euros – 3 centimes par numéro – et le pure player Atlantico moins de 150.000 euros tandis que l’Huma continue à bénéficier de 6 millions d’euros (24 centimes par numéro) après avoir vu sa dette de 4 millions d’euros « effacée » par François Hollande qui sait être généreux envers ses alliés avec l’argent du contribuable. L’arbitraire règne en maître au détriment d’une vraie liberté de la presse. Le poids de l’Etat dans la diffusion culturelle et dans – la construction de – l’information ne s’arrête pas là. L’AFP fait de la France l’un des rares pays à disposer d’une agence d’Etat – largement déficitaire malgré ses aides indirectes massives – à l’information. Cette concurrence déloyale est sulfureuse, tout passe par elle en France. L’audiovisuel public consomme 3.9 milliards d’euros, plus de la moitié du budget du ministère. En plus de la chaîne pointue franco-allemande Arte, l’Etat dispose de 5 chaînes nationales (France 2, 3, 4, 5 et O), de 24 antennes régionales et 9 ultramarines. Auxquelles il faut ajouter le panier Radio France (France Inter, France Bleu, France Culture, France Musique, FIP, France Info, Mouv). Une nouvelle chaîne d’information ne devrait pas tarder pour concurrencer BFM TV, LCI et iTele sur ce terrain. Pour rappel, LCI qui a dû batailler ferme pour pouvoir être diffusée gratuitement, des rumeurs indiquent que cette décision est venue punir BFM jugée trop rude à l’égard du gouvernement. Très crédible. La hausse de 5% ira grossir les budgets de ces agences de propagande officielle au service des promotions successives d’énarques qui se succèdent au pouvoir. Indigne d’une démocratie moderne.

La seule certitude que nous livre l’histoire, c’est que l’art a besoin de liberté. La création ne se décrète pas, elle s’inscrit toujours dans une démarche spontanée, libre. Il existe heureusement un marché de la culture libre et bien vivant, même si l’Etat lui rend la vie dure. Ce bouillonnement d’initiatives individuelles et collectives permet d’entretenir le patrimoine et le dynamisme de la création. Pour le préserver et aider à son développement, la place de l’Etat dans la culture va devoir être sérieusement remise en cause. Ce n’est pas un hasard si le premier à avoir proposé la disparition de ce ministère (2) fut un ancien ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon (qui a voté François Hollande à la présidentielle). Il avait raison non seulement pour l’économie annuelle de presque huit milliards qu’elle engendrerait, mais surtout pour nous préserver de cette volonté malsaine de rééducation des Français pour les soumettre à la religion du tout-Etat. L’Etat culturel au service de la culture d’Etat.

(1)    « Les acteurs français sont trop payés », Le Monde du 28 décembre 2012

(2)    Le Monde le 19 décembre 2008

Par Aurélien Véron, article paru dans atlantico le 15 septembre 2016

 

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