Entretien avec Laurent de Gaulle : « De sa foi, le Général ne parlait jamais ».
Laurent de Gaulle diplomate, photographe, et historien valmondoisien, a écrit un livre pour mettre en lumière une facette peu connue de son illustre ancêtre : sa foi en Dieu.
« Une vie sous le regard de Dieu » aux éditions du Toucan, permet de mieux saisir l’engagement de son grand oncle dans son combat contre les forces nazies. Le petit neveu du Général avait 9 ans à la mort du « Grand Charles » mais il a recueilli dans l’entourage familial les éléments qui étayent son livre. Au cours de ses recherches il a retrouvé les traces d’un enracinement chrétien vigoureux. Par les deux branches de sa famille, le Général a développé sa foi aux sources les plus pures : un catholicisme y compris social, vivace dans les régions du nord de la France et une foi intime cultivée par une pratique assidue mais sans ostentation. Son catholicisme s’inscrit dans la conscience des injustices sociales et l’indifférence à la nature du régime politique, république ou monarchie. Totalement respectueux de la laïcité dans l’exercice de ses fonctions présidentielles, le Général assistait à la messe dans sa sphère privée : les paroissiens de Colombey le voyaient chaque dimanche à l’église.
Cette éducation et cette culture catholiques ne permettent aucun doute sur cette foi à propos de laquelle Laurent de Gaulle souligne pourtant deux paradoxes.
De sa foi, le Général ne parlait jamais. Pour lui Dieu est une évidence que la naissance en 1928 d’Anne, sa fille trisomique ne remet pas en cause, au contraire. « Lorsque cette enfant vint au monde, elle fut la source d’un immense chagrin. Aujourd’hui, c’est un don de Dieu » confiera t-il. Il dira même que cette naissance fut une « grâce »… Face à ce drame intime, de Gaulle mobilise des trésors de tendresse et sans doute puise t-il dans sa foi la compassion et l’amour qu’il lui prodigue. Anne meurt en 1949 et devant son cercueil il prononce : « Maintenant, elle est comme les autres. »
En 1967, deuxième paradoxe, le catholicisme traditionnel du Général est de nouveau mis à l’épreuve par la loi Neuwirth. Le député Lucien Neuwirth doit convaincre de Gaulle de la nécessité de rendre la contraception accessible à toutes les Françaises, autrement dit, autoriser la vente libre et le remboursement par la Sécurité sociale. Pour un homme de l’âge du Général (77 ans) avec sa culture chrétienne, le sujet ne coulait pas de source… mais enfin, il accepta ce que sa morale devait sans doute réprouver : c’est surtout le remboursement qui avait du mal à passer : « on va donc rembourser la bagatelle !» s’indigne t-il. Son intransigeance s’efface donc devant l’exigence du bien public, au nom de la « charité » envers les femmes victimes des avortements clandestins et pour lui donner la vie doit être un acte lucide.
De tout cela il résulte pour l’auteur la conviction progressive que « sans la foi et une relation singulière et régulière avec Dieu, Charles de Gaulle n’aurait pas existé tel que nous le connaissons. Il n’aurait pas accompli son œuvre de salut pour la France et une parie du monde.» Il ajoute :« Charles de Gaulle n’est pas un bloc. Il n’est pas figé, loin s’en faut. Mais il est centré sur une dimension culturelle et spirituelle qui lui donne toute sa solidité. Au milieu du désastre de 1940, il sait que la défaite est d’abord une question morale. » Qui se conclura par le Magnificat sous les voûtes de Notre-Dame de Paris le 26 août 1944, chanté à pleine voix, une action de grâce qui sanctifie la quête spirituelle du Général et qui n’est pas sans rappeler le regard flamboyant que Jeanne d’Arc portait sur le jeune roi Charles VIII lors du sacre à Reims.
Sandrine M
Cédric Leboussi
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