Entretien « Brésil : lumière sur une initiative en faveur de la protection de la biodiversité dans la Chapada dos Veadeiros »
Mariri Jungle Lodge est un centre écologique proposant des maisons de vacances exotiques totalement intégrées à la nature, au cœur de la jungle brésilienne (Chapada dos Veadeiros).
Le sanctuaire de la nature sauvage de Mariri est un projet à but non lucratif en phase de mise en œuvre, consacré à la conservation de la faune sauvage du Cerrado.
La Chapada dos Veadeiros est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2001. Considéré comme la savane comportant le plus de biodiversité du monde, elle constitue le cœur de la réserve de la biosphère de la région de Goias. Elle abrite 10 000 espèces – animaux et plantes confondus – et constitue le plus grand berceau d’oiseau du Brésil.
L’Institut Eco Nois, créé en 2012, est une association privée à but non lucratif, dont la mission est de contribuer à « l’évolution harmonieuse de la conscience planétaire en trouvant des moyens habiles pour aider réellement les autres êtres vivants, qu’ils soient humains, animaux ou végétaux. » L’un de ses principaux objectifs est de gérer, coordonner, promouvoir, organiser, encourager et exécuter des campagnes, des projets, des publications, des événements et des recherches qui promeuvent l’éducation environnementale, la préservation et la conservation de la diversité biologique du Cerrado.
Son action inaugurale a été « Plus de feu dans la Chapada » : un projet novateur qui, par le biais de l’art et de la musique, visait à inciter la communauté à s’informer sur les incendies criminels et à trouver des solutions individuelles et collectives pour réduire le problème.
Pendant la saison sèche, qui peut durer jusqu’à cinq mois, la méthode la plus rapide et la moins chère trouvée par la population rurale pour défricher les terres est de brûler la végétation. Cela n’est pas fait de manière responsable et en l’absence de contrôle, ces incendies dépassent largement les zones prévues et atteignent des proportions énormes, affectant la faune et la flore locale.
La création d’un sanctuaire pour animaux sauvages dans la jungle brésilienne
L’Institut Eco Nois travaille actuellement sur l’implantation d’un sanctuaire pour animaux sauvages, dans l’enceinte du Mariri Jungle Lodge. Situé au milieu d’une zone de Cerrado encore préservée, le sanctuaire accueillera des animaux sauvages du biome du Cerrado ayant subi un impact négatif de l’action de l’Homme.
Ce sanctuaire vise à fournir des enclos et de la nourriture de qualité, à reproduire en captivité les conditions de l’environnement naturel, à valoriser les pratiques d’enrichissement de l’environnement et à assurer le bien-être des animaux jusqu’à la fin de leur vie. Eco Nois souhaite également réhabiliter les animaux qui sont capables de retourner dans la nature, en se présentant comme un foyer temporaire.
Dans ce centre, les animaux tels que les pumas qui vivent dans des enclos dans les villes pourront avoir une meilleure qualité de vie, plus proche de la nature, avec des enclos beaucoup plus grands, un enrichissement de l’environnement et un suivi par des biologistes et des vétérinaires. Il s’agirait du premier centre de ce type dans la Chapada dos Veadeiros, ouvert par l’entrepreneuse et zoologiste Marianne Soisalo, qui a travaillé pendant des années en tant que chercheuse sur les jaguars du Pantanal.
Pour plus d’informations sur le projet, n’hésitez pas à visiter leur site internet : www.maririwildlifesanctuary.com
Entretien avec l’activiste Marianne Soisalo
- D’où provient votre engagement aux causes environnementales, notamment sur les questions liées à la biodiversité ?
Je suis née avec cet amour pour la planète. Les animaux ont toujours occupé une place très importante dans ma vie. Depuis que je suis enfant, le fait que l’on détruise la planète me rend triste. Quand mon père marchait sur une fourmi car ça le faisait rire, je pleurais toute la journée.
J’ai pris conscience que tout était connecté : le monde animal, minéral, végétal … Ils ne peuvent survivre les sans les autres. On pense que l’on est spécial en tant qu’humains, mais nous ne sommes que des animaux parmi tant d’autres.
Défendre la planète et toute les formes de vie qu’elle abrite a toujours été ma plus grande priorité, mon combat principal.
A certains moments de mon activisme, ma rage prenait le dessus. Comment peut-on être aussi intelligent et ne pas prendre conscience des autres êtres vivants ?
- Comment pouvez-vous résumer votre activisme ?
Tout a commencé par la colère que je ressentais. Je voulais donner une voix aux animaux et aux forêts, qui n’en ont pas. On peut crier et on doit se faire entendre à propos des choses avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé mon activisme en créant des tee-shirts.
Les gens vendent leur poitrine aux grandes entreprises, en arborant leurs logos. Quel message voulez-vous faire passer ? Je voulais créer quelque chose qui disait quelque chose de plus.
Mon militantisme, mon cerveau de chercheuse scientifique et mon côté artistique se sont rejoints. C’est pour cela que je nomme mon activisme : « artivisme », où le fait d’utiliser l’art dans des manifestations pacifiques.
Mon activisme est réellement né à Londres. Vous avez plus de liberté pour accomplir des actes qui seraient impossibles à faire au Brésil. Comme renverser du pétrole dans un musée et commencer à lire de la poésie.
Je faisais partie du mouvement « art not oil ». J’ai commencé à produire des logos et stickers pour faire entendre nos voix et notre opposition aux projets d’hydrocarbures qui tuent chaque année des milliers de personnes, notamment en Afrique.
- D’où vient le principe de l’institut éco-nois ? Est-il né dans la Chapada dos Veadeiros ?
Eco Nois est né à Londres avec les tee-shirts. « Faisons de l’éco nois ! » (bruit écologique).
Je faisais tout moi-même, de la conception à l’expédition. Maintenant que je suis de retour au Brésil, je ne fais plus les tee-shirts. Eco Nois au Brésil devient un espace physique. C’était un centre écologique. Le premier magasin vert avec des produits biologiques et durables en ville.
J’ai créé le premier restaurant végan de la ville (Alto Paraiso). Nous organisions de nombreux ateliers et conférences sur la biodiversité avec des professeurs d’université. J’essayais de transmettre les informations parce que je pensais que le Brésil manquait d’éducation écologique.
Quand je suis arrivée, tout était en feu. Cela m’a beaucoup affecté et j’ai voulu en parler. Mes premières actions au Brésil se sont construites autour du feu.
- Combien d’animaux pourra recevoir le sanctuaire pour animaux sauvages ? Quand allez-vous accueillir les premiers ?
Cela dépendra totalement de nos ressources. Pour l’instant, nous avons deux grandes cages. Si nous obtenons plus de fonds, elles deviendront plus grandes. Si non, elles resteront telles quelles, comme un sanctuaire familial.
Normalement nous devrions les accueillir dans deux semaines mais la grippe aviaire vient d’arriver dans la région donc ils ne pourront pas nous envoyer d’oiseaux pour le moment. Les premiers arrivants devraient être des fourmiliers.
- Quelles espèces vous attendez-vous à recevoir ?
Nous pouvons maintenant accueillir tous les oiseaux et mamifères : félins, fourmiliers, tapirs et d’autres petits mamifères, comme des Coati par exemple. Toutes les espèces que nous recevons doivent être originaire du Cerrado. Nous ne pouvons pas avoir de girafe par exemple.
Nous travaillons en partenariat avec les institutions nationales de la biodiversité. Ce sont elles qui nous envoient les animaux. Cela va donc dépendre de ce qu’ils ont réussi à sauver du braconnage ou de tout autre action néfaste humaine.
- Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
J’effectue un travail qui devrait relever de la responsabilité du gouvernement et qui consiste à prendre soin des animaux. Si les gens ressentent le besoin de contribuer à la biodiversité, ils peuvent nous aider. Ce projet va vraiment permettre à la région de préserver sa biodiversité. Nous sommes attaqués par tous ces incendies. Bientôt, il n’y aura peut-être plus de biodiversité ici.
Au Brésil, la situation est un peu différente de celle d’autres pays, où des lois sont appliquées. Ici, il n’y a pas de lois. Pendant 4 ans, nous avons eu un gouvernement – sous la mandature de Bolsonaro – qui a démantelé toutes les institutions visant à protéger la nature et ses populations. Le pays se trouve dans une situation très compliqué. Nous essayons d’aider ce qui en reste.
Maya Soulaire