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Finances publiques : Danger Par Yves-Thibault de SILGUY

 La situation de nos finances publiques doit nous alarmer : plus de 3 000 milliards de dettes publiques, soit 112 % du PIB. Nos amis allemands sont à 63 %, et les règles européennes nous demandent de ne pas dépasser 60 %. La moyenne de la zone euro est de 89 % : nous faisons partie des plus mauvais élèves de la classe. Lorsque la France est entrée dans l’euro à la fin de 1998, son endettement représentait 55 % du PIB, l’un des meilleurs taux d’Europe. Quel dérapage !

Évitons d’entrer dans le débat des responsabilités. Contentons-nous de constater qu’aujourd’hui, la charge pour le contribuable liée à la dette française s’alourdit : 53 milliards d’euros en 2024, 83 milliards prévus en 2025, et même 100 milliards en 2028. Pour financer cette dette, il faut lever plus de 300 milliards d’euros chaque année sur les marchés.

Pas de panique : n’alimentons pas des craintes qui risqueraient d’accélérer une crise. La note de la dette française (AA-) reste solide au niveau mondial, comparable à un 18/20. De surcroît, il y a de plus en plus de prêteurs, car la plupart de nos partenaires réduisent leur propre dette. Les marchés financiers cherchent des clients et apprécient la France : nous payons nos impôts, et le pays demeure riche en actifs détenus par ses habitants.

Cependant, restons vigilants : la dette française est placée « sous perspective négative », un signal préoccupant. L’écart entre les taux d’intérêt à long terme français et allemands s’accroît. Depuis le lancement de l’euro, ce différentiel oscillait entre 0,1 et 0,3 point. Il est désormais de 0,8 point, proche du seuil d’alerte fixé à 1 point.

Notre solde primaire du budget, c’est-à-dire hors charges de la dette, est déficitaire : il n’est pas couvert par les seules recettes fiscales. Les marchés financiers n’apprécient pas cette situation. S’ajoute à cela un climat politique français peu rassurant pour les investisseurs étrangers.

J’ai été témoin de crises financières en Grèce, en Argentine et dans une grande entreprise française. Le scénario est toujours le même : lorsque la crise éclate, elle est soudaine, rapide et d’une brutalité extrême. Ces situations se terminent généralement par l’intervention du Fonds Monétaire International (FMI), qui impose des mesures drastiques pour garantir le refinancement de la dette : baisses des retraites, coupes massives dans les dépenses publiques, privatisations à grande échelle, voire blocage des liquidités sur les comptes bancaires des citoyens. En France, de telles mesures pourraient déclencher une véritable révolution.

Pour éviter une telle situation, la priorité doit être de relancer la croissance. Seule une croissance soutenue permettra d’accroître les recettes fiscales et, ainsi, de réduire le déficit public, actuellement supérieur à 6 %, alors qu’il devrait être inférieur à 3 %. Cette nécessité est d’autant plus pressante que les prévisions de croissance pour 2025, avant même l’application du budget gouvernemental, sont inférieures à 1 %. Si ce budget était adopté tel quel, il est probable que la croissance économique de la France en 2025 avoisinerait 0 %.

Pour accélérer la croissance, deux conditions sont essentielles : restaurer la confiance des créateurs de richesse et renforcer la compétitivité de notre appareil productif.

Cela exclut toute augmentation des impôts. Les prélèvements obligatoires atteignent déjà 47 % du PIB, contre 42 % en Allemagne. Les augmenter davantage inciterait les capitaux à fuir à l’étranger, nuisant ainsi à notre croissance.

Il est également crucial de combler le retard de compétitivité de nos entreprises, qui souffrent d’un handicap de 10 points (en termes de coût du travail, de charges sociales, etc.) par rapport à leurs homologues européens. Ce déficit encourage les délocalisations et freine les investissements dans les entreprises françaises. Selon un récent rapport, les grandes entreprises envisagent déjà de réduire de moitié leurs investissements en France en 2025. Par ailleurs, 67 000 entreprises ont fermé en 2024, tandis que la production industrielle continue de baisser. Il est donc impératif de concentrer nos efforts sur celles et ceux qui créent de la valeur, à savoir les entreprises.

Si un besoin urgent de trouver plusieurs dizaines de milliards d’euros pour 2025 se fait sentir, d’autres solutions que les augmentations d’impôts doivent être envisagées. Par exemple, il serait possible de recentrer les entreprises et établissements publics français sur leurs missions de service public, en rapatriant les capitaux investis à l’étranger ces dernières années. Un tel rapatriement est non seulement faisable, mais urgent : il éviterait de disperser les ressources financières de l’État et permettrait de renforcer les services publics en France.

Une autre piste consisterait à valoriser une partie des stocks d’or importants détenus par la France. Bien que symboliques, ces réserves pourraient être en partie vendues pour financer les priorités nationales.

Enfin, pourquoi ne pas exploiter davantage l’atout majeur de l’Europe sur la scène internationale : sa monnaie, l’euro ? Depuis son lancement, l’euro a résisté à toutes les crises. Il est désormais la seconde monnaie mondiale après le dollar, recherché et apprécié à l’étranger. De nombreux acteurs publics et privés à travers le monde le considèrent comme une monnaie alternative ou de diversification. Les États-Unis, dont les taux de déficit public et de dette publique sont comparables à ceux de la France, compensent ces fragilités grâce à l’usage international du dollar. De même, développer l’usage international de l’euro pourrait offrir à la France un répit précieux pour mener les réformes nécessaires de ses dépenses publiques.

En conclusion, nos problèmes ne seront pas résolus, mais aggravés par la création de nouveaux impôts ou l’augmentation de ceux déjà existants. D’autres solutions existent : stimuler la croissance, préserver notre compétitivité économique et protéger le pouvoir d’achat des Français. Il est temps de les explorer et de les mettre en œuvre.

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