Franck Morel, Avocat associé Flichy Grangé Avocats : « Des idées pour un travail qui émancipe. »
Si nos compatriotes sont moins intéressés par cette campagne électorale, force est également de constater qu’aucune proposition majeure des candidats ne semble émerger et focaliser le débat. Le travail a été au cœur des précédentes élections avec le travailler plus pour gagner plus en 2007, le contrat de génération en 2012 et l’accès des démissionnaires à l’assurance chômage en 2017. Il peut encore revenir au centre des échanges et cela est souhaitable tant les grands enjeux auxquels notre société est confrontée sont organisés autour de la question centrale du travail.
La préoccupation centrale de nos concitoyens est le pouvoir d’achat et si la baisse du taux de chômage a relégué l’emploi bien après, tout est lié. Viser le plein emploi et un travail qui libère qui permet de s’accomplir, c’est répondre à une préoccupation plus large que celle liée au pouvoir d’achat et qui pourrait bien être en partie liée en réalité à cette demande de pouvoir d’achat, un besoin de reconnaissance. Deux notes élaborées pour l’Institut Montaigne permettent de formuler 34 propositions pour permettre de mettre de nouveau le travail au cœur des débats. Des idées, des idées, des idées ! Voilà ce qui peut permettre d’alimenter les réflexions et de contribuer à une campagne électorale utile pour le pays car la personne qui s’installera dans quelques semaines à l’Elysée doit avoir un mandat clair pour réformer notre pays et le faire progresser.
Un actif sur deux a engagé ou envisage une reconversion professionnelle. Alors que les besoins de recrutements demeurent à un niveau élevé et que les moyens financiers importants consacrés à la formation par les pouvoirs publics posent des questions de soutenabilité, il est primordial pour préparer l’avenir de faire en sorte qu’un euro dépensé pour la formation soit utile à l’emploi, aux parcours professionnels des actifs. Soutenir les reconversions professionnelles, c’est accompagner les mutations de l’économie au bénéfice des actifs. C’est un investissement et cela doit être pleinement considéré comme tel. Aujourd’hui à la différence de l’achat d’un équipement, une entreprise ne peut amortir les frais engagés pour une formation longue sur plusieurs années, préparant le renouvellement nécessaire de celle-ci lorsque les connaissances seront obsolètes. Il est nécessaire de le permettre sinon comptablement, les obstacles des règles du chiffre au respect desquels veille l’autorité des normes comptables étant importants, du moins fiscalement. Cela permettrait de faire effet de levier en incitant les entreprises à investir dans la durée sur des formations lourdes produisant des effets sur plusieurs années.
Le télétravail s’est développé massivement au cours de la période de crise sanitaire, la proportion des personnes concernées ayant un temps été multipliée par quatre. Le cadre juridique souple et adapté issu des ordonnances du 22 septembre 2017 puis conforté et complété par un accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 a contribué à cet essor tranquille. Pour autant, force est de constater que le caractère très autonome de la gestion du temps de travail par les salariés concernés en période télé travaillée est difficilement compatible avec les exigences d’un décompte en heures du temps de travail. De plus, le fractionnement des périodes de travail dans ce cadre, le salarié pouvant disposer de reprendre un travail tard le soir pour se ménager plus de temps dans la journée est difficilement compatible avec les exigences légales relatives au repos quotidien. Il est donc souhaitable de permettre de compter en jours le temps télé travaillé et d’autoriser le fractionnement du repos quotidien.
Il faut poursuivre le travail engagé de longue date de construction d’un droit à la formation tout au long de la vie, d’un droit du travail plus fondé sur le dialogue social, plus sûr et qui en réalité est plus protecteur.
Expert reconnu du droit du travail depuis plus de vingt ans, Franck Morel est avocat associé chez Flichy Grangé Avocats. Il a été conseiller du Premier ministre Edouard Philippe de 2017 à 2020 et de quatre ministres du travail de 2007 à 2012. En 2016, il a publié un ouvrage de l’Institut Montaigne avec Bertrand Martinot, Un autre droit du travail est possible (Fayard, 2016).