Hongrie : surpopulation carcérale, mauvais traitements infligés par le personnel et violence entre détenus figurent parmi les préoccupations soulevées par le rapport du Comité contre la torture
Strasbourg, 03.12.2024 – Dans un rapport publié aujourd’hui, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a établi que les mauvais traitements physiques infligés par le personnel, y compris les coups de poing et de matraque à la tête et sur le corps, et la violence entre personnes détenues apparaissent comme « particulièrement problématiques » à la prison de Tiszalök. Non seulement les conclusions de la visite suggèrent que le personnel n’intervenait pas toujours rapidement, mais la délégation a également entendu des allégations crédibles selon lesquelles certaines personnes détenues étaient autorisées à maltraiter leurs codétenus, voire recevaient des instructions en ce sens de la part du personnel (voir le résumé du rapport).
La surpopulation et les ressources limitées continuaient d’affecter négativement le régime pénitentiaire, la plupart des personnes incarcérées, en particulier les prévenus et les détenus de haute sécurité, n’ayant pas ou peu accès au travail, à l’éducation ou à d’autres activités en dehors de la cellule.
Le rapport, fondé sur la visite périodique du CPT en Hongrie en mai 2023, ainsi que sur la réponse des autorités hongroises, porte également sur le traitement des personnes détenues en garde à vue, dans plusieurs prisons, à l’Institut d’observation judiciaire et de psychiatrie (IMEI), et des patients de deux établissements psychiatriques civils.
Le CPT n’a reçu aucune allégation de mauvais traitements physiques infligés par le personnel de la prison de Székesfehérvár et quelques allégations isolées de mauvais traitements physiques infligés par le personnel de la prison de Nyíregyháza. En revanche, à la prison de Tiszalök, beaucoup d’allégations crédibles de mauvais traitements physiques infligés par le personnel ont été reçues, telles que des gifles, des coups de poing, des coups de pied et des coups de matraque à la tête et sur le corps. Dans certains cas, ces traitements ont été infligés alors que la personne détenue avait les mains et les chevilles menottées. Les mauvais traitements allégués avaient eu lieu dans des zones non couvertes par des caméras de vidéosurveillance, notamment dans la salle de stockage du bloc disciplinaire / de sécurité, dans la salle de consultation médicale, dans les douches communes et dans les cellules.
En ce qui concerne la police, la plupart des personnes interrogées par la délégation ne se sont pas plaintes de la manière dont elles ont été traitées par les policiers. Néanmoins, un certain nombre d’allégations crédibles de mauvais traitements physiques subis par des personnes détenues ont été formulées. Le CPT a également entendu plusieurs allégations de menottes trop serrées, de harcèlement sexuel de femmes, d’insultes, y compris à caractère raciste, par des policiers et de remarques humiliantes à l’égard de personnes transgenres ainsi que des allégations de fouilles à nu.
En général, les conditions matérielles dans les locaux de détention de la police étaient adéquates pour de courtes périodes de garde à vue (jusqu’à 72 heures). Toutefois, en vertu de la législation applicable, les personnes placées en garde à vue peuvent encore être détenues dans ces locaux pour des durées plus longues, jusqu’à 60 jours. Bien que cette pratique semble rare, les conditions de détention dans les locaux de garde à vue sont inadaptées à des séjours prolongés.
Dans les deux établissements psychiatriques civils visités – les services psychiatriques de l’hôpital Flór Ferenc de Kistarcsa et de l’hôpital Gróf Tisza István de Berettyóújfalu – la délégation n’a reçu aucune allégation de mauvais traitements physiques infligés à des patients par le personnel et les conditions matérielles dans les deux établissements étaient adéquates à bien des égards.
Cependant, les locaux étaient généralement austères, impersonnels et peu accueillants, sans couleur ni décoration. Les chambres de l’hôpital Gróf Tisza István de Berettyóújfalu pouvaient accueillir jusqu’à neuf patients, ce qui compromettait l’intimité de ceux-ci et empêchait la création d’un environnement thérapeutique et chaleureux. Dans les deux établissements, les patients hébergés dans des services fermés n’avaient en pratique quasiment aucun accès aux espaces extérieurs, ce qui est inacceptable. Le CPT souligne que l’objectif devrait être que tous les patients bénéficient d’un accès illimité à l’exercice en plein air pendant la journée, à moins que des activités programmées n’exigent leur présence à l’intérieur du service.
Le personnel soignant était peu nombreux dans les deux établissements, ce qui avait un effet négatif sur plusieurs aspects de leur fonctionnement, notamment l’incapacité du personnel à intervenir dans tous les épisodes de violence entre patients, le manque d’accès à l’exercice en plein air, la participation des patients à l’offre de soins à d’autres patients, et l’utilisation fréquente de moyens de contention.
En ce qui concerne les garanties, le placement involontaire des patients à l’hôpital Flór Ferenc était, en principe, conforme aux dispositions légales applicables. Cependant, à l’hôpital Gróf Tisza István, des patients officiellement volontaires étaient systématiquement placés dans des services fermés, qu’ils ne pouvaient quitter de leur plein gré si le personnel considérait que leur état nécessitait une hospitalisation. Le CPT considère que ces patients étaient de facto privés de leur liberté, sans bénéficier des garanties légales qui accompagnent le placement d’office dans un établissement psychiatrique et son réexamen régulier.
Les autorités hongroises devraient prendre des mesures pour garantir que, si l’on juge nécessaire de prodiguer des soins hospitaliers à un patient volontaire qui souhaite quitter l’établissement psychiatrique, la procédure de placement involontaire prévue par la législation pertinente soit pleinement appliquée.
La visite a également été l’occasion de discuter avec les autorités hongroises de plusieurs questions liées à la migration. À cet égard, il est regrettable qu’il n’y ait toujours pas de procédure légale offrant une protection efficace contre les renvois forcés informels de ressortissants étrangers (renvois sommaire ou pushbacks) et le refoulement, y compris le refoulement en chaîne.
***
Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) se rend dans des lieux de détention des Etats Parties à la Convention européenne pour la prévention de la torture pour évaluer la manière dont sont traitées les personnes privées de liberté, en vue de renforcer, le cas échéant, leur protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. Ces lieux incluent les prisons, les centres de détention pour mineurs, les postes de police, les centres de rétention pour étrangers, les hôpitaux psychiatriques et les foyers sociaux. Après chaque visite, le CPT adresse à l’État concerné un rapport contenant ses conclusions et recommandations.