» Il est temps de changer en profondeur la fiscalité locale » Nicolas Marques
Il est des détails qui cachent des réalités importantes. Des mentions ajoutées sur les avis de taxe d’habitation 2018 envoyés aux administrés de 6 000 communes provoquent le courroux d’élus locaux. L’Etat a acté au niveau national une baisse de la taxe d’habitation (-30 % dès 2018, -65 % en 2019 et -100% en 2020 sous conditions de ressources). Soucieux de mettre en avant l’intérêt de sa démarche, il met à profit les envois d’avis d’impôts pour pointer du doigt les communes ayant choisi d’augmenter au niveau local leur fiscalité, réduisant ainsi la portée du geste décidé au niveau national. « À la suite de la réforme nationale de la taxe d’habitation, vous bénéficiez pour cette année d’une réduction de 30% de cet impôt. Toutefois, l’une au moins de vos collectivités locales ayant augmenté son taux ou supprimé des avantages vous concernant, votre gain est diminué ».
Pour les maires concernés, la manœuvre s’apparente à de la discrimination et de la pression à l’encontre de collectivités autonomes. Pour l’Etat, elle relève, au contraire, de la transparence et de la pédagogie. De chaque côté, les arguments ont du sens, mais le ton monte. Surtout, cet épisode s’ajoute à une longue liste de frictions entre un Etat, accusé de jacobinisme, et des collectivités, soupçonnées de ne pas se comporter de façon responsable en matière financière.
l’absence d’autonomie fiscale des collectivités locales. En dépit du mouvement de décentralisation, les liens entre l’Etat et les collectivités n’ont jamais été coupés en France. C’est l’administration centrale qui organise le recouvrement de la fiscalité locale auprès des ménages (55 milliards d’euros en 2016 via les taxes d’habitation et foncières) et des entreprises (27 milliards). L’Etat collecte de cette manière 60 % des ressources des collectivités – communes, intercommunalités, départements et régions – le reste provenant d’une myriade d’impôts et taxes.
Conséquence : plus aucun contribuable ne sait combien lui coûte directement et indirectement chaque échelon d’administration locale. Qui plus est, les collectivités, dépendantes de l’Etat en termes de ressources, sont aussi susceptibles d’abuser de cette opacité fiscale permettant de masquer les dérapages fiscaux et budgétaires. Pour y remédier, le gouvernement a décidé de mettre en place une contractualisation avec 322 collectivités dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022. Ce mécanisme présente l’inconvénient de remettre les collectivités sous la tutelle de tiers externes, les Préfets. Une fois de plus, il complexifie la situation, au lieu de la clarifier en s’appuyant sur des mécanismes vertueux.
En bonne logique, les impôts locaux devraient, en effet, être décidés par les collectivités locales concernées, avec des élus locaux assumant pleinement leurs responsabilités devant les électeurs. Les communes, les groupements de communes, les départements et les régions devraient être astreintes à gérer en toute transparence leur budget. Ces collectivités devraient collecter leurs ressources d’une façon lisible pour leurs administrés, de manière à ce que ces derniers puissent interpeller leurs élus et les interroger sur le bien-fondé de leurs décisions. Cette démarche, conforme à l’esprit de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, serait bien plus vertueuse et efficace qu’une contractualisation préfectorale, par nature peu transparente.
Dans cette logique, masquer la dépense de collectivités, en remplaçant des fiscalités locales visibles comme la taxe d’habitation par une redistribution d’une partie des impôt nationaux tels la TVA, relève d’une attitude contreproductive. Plus nos concitoyens seront à même de suivre leur contribution au fonctionnement de chaque échelon, plus leurs responsables seront incités à se monter précautionneux avec les deniers publics et le recours à l’endettement. Faute de faciliter l’action du citoyen au niveau local, l’actuel gouvernement nous prive d’un ressort puissant. Il est peu probable que la stigmatisation, ex post, des collectivités soit aussi efficace qu’un vrai exercice démocratique au niveau local.
L’Institut économique Molinari (IEM) est un organisme de recherche et d’éducation. Il vise à entreprendre et à stimuler l’approche économique dans l’analyse des politiques publiques. Il a été baptisé du nom de Gustave de Molinari. Économiste et journaliste franco-belge, il a lui-même oeuvré toute sa vie à promouvoir cette approche.
L’IEM est une association dont la mission est de favoriser la liberté et la responsabilité économique. Elle cherche à faciliter le changement en participant à l’émergence de consensus en faveur de la liberté économique, à montrer l’intérêt de l’échange et d’un monde moins réglementé et moins fiscalisé et à toucher le grand public pour affaiblir les idées reçues génératrices de statu quo.
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Anonyme
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