INTERVIEW DE GUY MILLIERE AU SUJET DE L’AVENIR DES PARTIS LIBERAUX EN FRANCE
LCL:Pouvons-nous défendre les idées libérales en France sans passer par le système des partis politiques?
GM: Les partis politiques libéraux subsistant en France sont minuscules et sans aucun poids réel sur les débats. Il n’existe plus un seul homme politique libéral de premier plan en activité depuis qu’Alain Madelin s’est retiré de la vie politique. Cela est le résultat d’une marginalisation des idées libérales et des penseurs libéraux. Cette marginalisation est le fruit tout à la fois du monopole de l’éducation nationale sur l’enseignement supérieur et d’un fonctionnement d’économie administrée. Le monopole public sur l’enseignement supérieur débouche logiquement sur le fait que l’enseignement de l’économie et du droit soit aux mains de défenseurs de l’étatisme. L’économie administrée place les entrepreneurs en relation d’interdépendance avec les autorités publiques et les désincite à financer le travail des idées. Au stade où nous en sommes seul le financement à un niveau bien plus élevé de structures libérales de recherche et de proposition permettrait de redresser la situation : je crains que ce financement ne vienne pas, et que les idées libérales deviennent dès lors plus marginales encore.
LCL:Pourquoi les Français sont ils hostiles au libéralisme économique?
Tout simplement parce qu’ils ne savent à peu près rien du libéralisme économique et ne le connaissent que par les caricatures grotesques qu’en dessinent les marxistes et autres étatistes ou dirigistes. L’esprit d’une population se façonne. La gauche et l’extrême gauche le savent bien. Nous sommes dans une situation d’hégémonie de la gauche et de l’extrême gauche dans l’éducation, la culture, les médias et la politique. Même les partis tels que l’UMP et le Front National sont pétris d’idées marxistes, étatistes et dirigistes. Ce qui est étonnant en ces conditions est qu’il reste des gens en France qui ne sont ni marxistes, ni étatistes, ni dirigistes. Ils risquent fort d’appartenir à une espèce en voie de disparition.
LCL: Comment pouvons nous faire la différence entre un libéral de gauche
et un libéral de droite?
la pense liberale est un ensemble défendant la liberté politique, la liberté économique, la liberté de parole, la liberté de passer contrat, la liberté de déplacement, etc. Comme l’ont montré de grands penseurs tels Friedrich Hayek, commencer à détruire l’une de ces libertés est commencer à détruire toutes les autres. Je ne vois dès lors pas comment on peut être un libéral de gauche : la gauche est, par définition, hostile à la liberté économique et entend la contrôler plus ou moins strictement, elle entend contrôler aussi la liberté de parole, la liberté de passer contrat et la liberté de déplacement. Je suis loin d’être certain qu’elle est adepte de la liberté politique quand je lis certains propos. Il n’y a pas de libéraux de gauche. Point. Et prendre quelques petits points comme le mariage gay pour dire que c’est une position libérale de gauche relève de l’abus de langage. Le libéralisme, pour autant, est-il à droite ? On le classe ainsi dès lors qu’il n’a rien à voir avec les positions de la gauche en France. Mais la droite en France est elle-même, je l’ai dit un peu plus haut, souvent étatiste, dirigiste, teintée de marxisme, tentée par des décisions liberticides. Un libéral est classé à droite par défaut, mais il n’est à droite que par défaut. Un libéral est libéral, point final : dans le monde qui parle anglais, il peut se dire conservateur, ; car le conservatisme du monde qui parle anglais conserve l’héritage des défenseurs de la liberté et du droit naturel. En France, il ne peut pas se dire conservateur, car il n’y a pas en France ce type d’héritage à conserver. Ou alors il peut se dire conservateur au sens anglo-américain du terme, c’est ce que je fais.
L'oeil de Brutus
Un joli tissu de propagande et de contre-vérités. Ce que j’ai çà dire sur cet interview : http://loeildebrutus.over-blog.com/article-sur-la-propagande-neoliberale-108915944.html
Jean Robin
Bravo, j’aurais dit la même chose ! J’ai toujours été surpris que des libéraux se disent de gauche, de Jean-François Revel à Pascal Bruckner. J’imagine que cela vient du fait que dans un système où la gauche domine outrageusement, on ne peut pas agir au sein de ce système sans se dire soi-même de gauche.
Jacques Peter
Excellente analyse.
Je ne partage pas tout à fait le pessimisme de GM. Certes il y a hégémonie des idées de gauche, mais nous voyons aussi que ces idées échouent totalement dans notre monde ouvert et concurrentiel. Face à l’effondrement des idées marxistes-dirigistes-étatistes il y a peut-être une chance pour que les idées libérales deviennent audibles.
Joss
J’ai constaté que dans les faits que nos concitoyens sont plus libéraux qu’on ne le pense… Attachés à la liberté, au travail, au mérite, à l’esprit d’initiative et ne croient plus en l’Etat, qui est de plus en plus perçus comme un boulet qu’on doit trainer, faute d’engager une véritable révolution sanglante qui pourrait faire encore plus de gâchis…
Il y a un réel divorce entre le peuple d’une part, les médias et l’Etat d’autre part.
Trop d’impôt tuant l’impôt… L’économie souterraine se développe à vitesse grand V… On se débrouille comme on peut… Beaucoup d’échanges de bons procédés non taxables…
Hélas, les partis politiques qui se revendiquent en tant que partis libéraux, sont trop méprisants du peuple qu’ils ne savent pas appréhender, qu’ils connaissent mal… Craignent-ils être taxés de populisme? Certainement… C’est ce que j’ai observé…
Les libéraux trop souvent se référent à des intellectuels du 19 ème siècle, Tocqueville, Bastiat and so on
Ils sont trop hermétiques pour le plus grand nombre, pas assez de proximité avec les préoccupations au quotidien de nos concitoyens… Ils essaient trop souvent de faire la leçon et ils ressemblent trop à des sachants… Ils ne croient pas assez dans le bon sens populaire, qui est souvent plus lucide qu’ils ne le croient… Pourtant il n’est pas d’autre richesse que d’hommes !!!