INTERVIEW DE JEAN PATRICK GRUMBERG SUR L’ELECTION AMERICAINE ET L’AVENIR DU PARTI LIBERAL EN FRANCE
PENSEZ-VOUS QU’UN PARTI LIBERAL POURRAIT PRENDRE LE POUVOIR EN FRANCE UN JOUR ?
Absolument pas. Les Français ont une méconnaissance totale de l’économie, et ils ne s’y intéressent pas. Avez-vous vu les Français, pourtant champions du monde des grèves, descendre dans la rue quand la TVA est passée à 33.33% ? Quand les impôts fonciers et la taxe d’habitation ont progressé deux fois plus vite que la hausse des prix ? Quel libéralisme espérer d’un pays qui considère le mot capitalisme comme un gros mot, et ne peut parler de libéralisme sans lui accoler le stupide quolibet de sauvage ?
L’UMP et Sarkozy, le plus « libéral » depuis l’après guerre, faisaient du dirigisme d’état. L’entreprise était entravée par plus de 150 sortes de taxes différentes, et par une législation liberticide, complexe et idiote. Quel libéralisme espérer quand les patrons sont regardés avec suspicion, quand gagner de l’argent est une activité sale, et quand une entreprise est libre d’embaucher mais pas de licencier, libre de s’adapter à la hausse de son activité mais pas à la baisse ?
J’ai été, entre 2003 et 2009, celui qui a libéralisé le travail du dimanche en France pour réduire certaines anomalies du droit, avec le soutien de Sarkozy. Mais les commissions parlementaires que j’ai constitué m’ont appris que la majorité d’alors était frileuse et qu’elle n’entend pas grand chose au monde de l’entreprise. Je n’avais trouvé qu’un seul allié solide à l’Assemblée nationale, en la personne de son questeur, Richard Mallié. C’est peu pour un gouvernement et un parti accusés d’être libéraux.
QUE SAVEZ VOUS DU PARTI LIBERAL DEMOCRATE EN FRANCE
J’en sais qu’il est marginal, que l’UMP ne le prend pas au sérieux, qu’il n’a pas de leader charismatique connu du grand public, qu’il n’a aucun média propre, qu’il est rarement invité dans les débats télévisés et que s’il l’était, ce serait pour le caricaturer, et que les quelques think tanks libéraux qui existent tournent en rond avec toujours les mêmes femmes et hommes qui n’avancent pas, non par manque de talent ou d’enthousiasme, mais parce que la montagne à franchir est trop haute.
Le jour où la France, quelque soit son gouvernement, demandera conseil à son petit voisin suisse au taux de chômage à 2.5% pour faire baisser le sien, (ce que je ne crois pas qu’elle fera jamais), alors un parti libéral pourra peut-être trouver sa place dans le paysage politique. Mais tant qu’on n’enseignera pas Friedrich Hayek et Milton Friedman au lycée et à l’université, à la place de croutons dont on cherchera en vain les succès économiques, tant que les économistes français auront le cerveau bloqué sur Marx et Keynes, je crains que le Parti libéral reste ce qu’il est aujourd’hui, un club d’élites.
DEPUIS QUELQUES ANNEES ON ASSISTE A UNE MONTEE EN FORCE DU PARTI NATIONALISTE EN ISRAEL, LE LIBERALISME SERAIT ENTRAIN D’ETRE REMIS EN CAUSE ?
Loin de là ! On dit souvent qu’Israël est le seul pays au monde où les riches sont de gauche et les pauvres de droite et c’est une réalité qui dure.
La ligne de démarcation entre les nationalistes et les libéraux, entre la droite et la gauche, ne passe pas par l’économie mais par la politique vis à vis des Palestiniens. Le système économique israélien, forgé par la gauche depuis 60 ans, est inspiré du modèle libéral inscrit dans les fondamentaux du sionisme dès 1897, et il reste le vecteur de la société : marché libre, liberté d’entreprendre, légèreté de l’administration, même si la bureaucratie héritée de l’immigration ashkénaze de gauche demande à être simplifiée, et même si les monopoles d’une centaine de familles nuisent au modèle libéral. Les nationalistes ne sont pas moins libéraux que, par exemple, les ultra religieux ou le centre gauche, ils se distinguent les uns des autres par l’attitude à adopter vis à vis des voisins.
Si Romney est élu, le gouvernement israélien sera peut-être tenté de réduire le budget allouée à la R&D en armement, au prétexte que l’on peut un peu plus s’abriter sous l’aile des Etats Unis. Dans ce cas, l’élection de Mitt Romney n’est pas forcément bonne pour la sécurité israélienne et pour la haute technologie à long terme. Un allié aussi hostile qu’Obama réélu, et n’ayant plus rien à perdre, renforcerait le sentiment qu’Israël doit moins compter sur l’aide extérieure.
En revanche, avec Romney, la menace iranienne sera jugulée. Les sanctions économiques auraient pu être bien plus draconiennes si Obama n’avait pas traîné les pieds pendant ses 4 ans, au point qu’il a pu être légitimement suspecté par d’éminents géopolitologues comme Guy Millière, de vouloir la nucléarisation de l’Iran pour faire pression sur une dénucléarisation d’Israël. Obama a trahi Israël a plusieurs reprises, dans le domaine militaire, Romney sera un allié solide, avec qui une frappe contre l’Iran, si elle s’avère nécessaire, ne sera plus repoussée.
Ensuite, doit être abordé la radicalisation du monde musulman Moyen-oriental. Nous avons publié sur Dreuz une interview exclusive du conseiller Moyen Orient de Mitt Romney, Walid Phares, dont la vision du monde arabe est très lucide et pragmatique. Il connaît le danger intégriste, le projet du califat mondial des Frères musulmans, et, s’il est écouté, le gouvernement Romney exigera des actes de bonne volonté des pays qui reçoivent l’aide financière américaine.
Comment expliquer, par exemple, que le gouvernement Obama qui se dit l’allié d’Israël, verse 1.5 milliard de dollars d’aide annuelle à l’Egypte sans exiger en retour le maintien des accords de paix ? Romney changera cette situation et exigera des réciprocités.
Quand au conflit avec les arabes de Palestine, Romney a clairement connaissance du fait que jamais avant 1967 les arabes n’avaient montré le moindre intérêt pour Jérusalem, ni géographique, ni religieux, ni historique, ni national, et que leur demande est subitement apparue après 67, quand Israël l’a reprise des mains de la Jordanie.
Même si Israël, sous un gouvernement de droite, n’a aucune intention de diviser sa capitale, une Amérique dirigée par Romney abaissera les pressions internationales. Vous observez qu’un pays comme la France, mais ce n’est pas le seul, qui a depuis 1948 refusé de considérer Jérusalem comme la capitale d’Israël, fut prêt à première demande de la reconnaitre pour les arabes.
Il en va de même pour cette invention d’Obama des frontières de 67. Elles n’ont jamais existé, et n’ont été réclamées par Mahmoud Abbas que depuis qu’Obama en a parlé. Romney a déclaré qu’elles n’existent pas et il a raison, et si la région doit être partagée, elle ne le sera que sur des frontières qui assurent la sécurité d’Israël.
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