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Interview de Jean-Philippe Hubsch : « la crise sanitaire a servi à souder la maçonnerie française »

 

 Bonjour Jean-Philippe. Si tu veux bien, en cette triste année commençons par du positif. Hors la crise, quels ont été les grands moments au GODF en 2020 ?

Jean-Philippe Hubsch : Je voudrais simplement dire qu’avant la crise sanitaire il ne faut pas oublier qu’il y a eu aussi une grève importante dans les transports, qui avait perturbé également le fonctionnement de notre obédience. Elle nous a affectés puisqu’elle nous a obligés à annuler un certain nombre de manifestations. Malgré cela cette année nous avons lancé les Universités Populaires Maçonniques. Avant les restrictions diverses et variées, nous avons quand même réussi à organiser 4 événements qui ont été, je crois, de vraies réussites. Ils ont rapidement trouvé leur rythme et leur public et c’est vrai que, dans ce contexte d’avant Covid, de grandes salles municipales étaient pleines d’un public essentiellement profane sur des sujets liés à l’actualité et aux grands sujets de société. Les sujets intéressaient les gens et on a réussi à chaque fois à proposer, partout sur le territoire, un certain nombre de personnalités intellectuelles : des journalistes, des universitaires, des philosophes, de très bon niveau et qui venaient dialoguer en toute tranquillité. Visiblement tout le monde a été satisfait de ce type de rendez-vous. Malheureusement les UPM se sont arrêtées en février et j’espère que mon successeur les reprendra, car c’est une nouvelle façon d’extérioriser la maçonnerie qui me semble très pertinente.

Nous avons également organisé les Rencontres Euroméditerranée à Marseille qui ont été un très grand succès. Il y avait à peu près 300 francs-maçons de tout le bassin méditerranéen. Ça a été une très belle journée. Là aussi « Euromed » commence à trouver son public. Les obédiences étrangères et nos loges de l’étranger et particulièrement celles des pays du pourtour méditerranéen se sont déplacées et il y a eu une vraie belle journée de réflexion sur des thématiques méditerranéennes partagées.

Une année maçonnique ce sont toujours des lancements de projet à l’automne, ensuite des événements en début d’année et une densification des activités au printemps. Énormément de choses avaient été programmées. Pour ma part, la déception la plus importante, c’est de ne pas avoir pu faire le voyage mémoriel à Auschwitz qui était l’un des points forts de l’année et pour lequel on avait quand même 900 inscrits. Cela démontre l’intérêt de ce voyage et j’espère là aussi qu’il pourra être fait dans l’avenir par d’autres, parce que l’on voit bien qu’il répondait à une attente.

Je n’oublie pas, évidemment, les nombreuses tenues organisées par les loges qui ont participé à l’extériorisation de ce que nous sommes, en partenariat parfois avec d’autres structures dans chaque région. Notre paysage maçonnique est riche. Nous savons nous en servir.

Venons-en à la crise du Covid. A part toutes ces annulations de manifestations, quelles ont été les plus grosses conséquences ?

Paradoxalement la crise sanitaire a servi à souder la maçonnerie française. Les grandes obédiences se sont réunies très rapidement pour avoir une réponse commune face aux évènements inconnus que nous découvrions. Cela nous a permis de réfléchir ensemble, parce qu’on ne voulait pas qu’il y ait une cacophonie dans le paysage maçonnique. Nous ne voulions pas que certains temples soient ouverts au GO et fermés à la GL ou l’inverse, et avec encore d’autres positions au DH ou dans les autres obédiences. Nous avons beaucoup travaillé ensemble et nous continuons de le faire. Cela a fortement renforcé les relations entre les grands maîtres et les grandes maîtresses des principales obédiences. C’est je dirais le côté positif dans cette crise parce qu’il était important face à une situation aussi inédite que la maçonnerie montre un visage et une image commune. Un effet collatéral intéressant est apparu notamment sur les discussions qui ont lieu actuellement sur la « loi confortant les principes républicains ». Il y a une cohésion entre les obédiences qui était peut-être moins évidente avant, y compris dans la façon de préparer les rendez-vous avec les représentants de l’état, ministres et administrations. Il ne faut pas oublier que dans mon programme de l’année le 7e point était de travailler à la recomposition du paysage maçonnique français.

Ce sont les fameux sept grands enjeux dont tu avais parlé dans notre interview de l’an dernier ?

Oui, tout le travail sur ces points a continué à se déployer. Malgré la crise, le Conseil de l’Ordre a travaillé, mais pas que le Conseil de l’Ordre : les Congrès régionaux, les Loges, les Commissions nationales, les Instances. Il n’y a pas eu de suspension de travaux, et en tout cas personne n’a profité de la crise pour ne pas continuer un certain nombre de tâches qui avaient été programmées. Et d’ailleurs, concernant l’effectivité des décisions du dernier Convent, je peux annoncer que tout a été appliqué comme nous le faisons chaque année en régime nominal parce qu’il n’y avait pas de raison de ne pas le faire.

Pendant la crise le Conseil de l’Ordre a découvert la visio-conférence comme beaucoup, et dès les premiers temps du premier confinement j’ai proposé de nous réunir en visio-conférence toutes les semaines. Et tous les comptes rendus de ces réunions ont bien évidemment été publiés. Ça a été un surcroit de travail parfois très lourd, mais c’était indispensable pour garder une cohésion au sein du Conseil.

Je voudrais revenir aussi sur la consultation des Loges de mai-juin. Il ne faut pas oublier qu’elle nous a été demandée par le législatif. Elle nous a été demandée par les deux présidents du Convent (2019 et 2020), et elle était soutenue par une très grande partie des Présidents de Congrès. On a le droit de la critiquer bien sûr, mais elle n’est pas contraire au règlement général et je tiens à le rappeler une nouvelle fois : c’était une consultation. Et c’est là où il y a eu certainement une incompréhension. Beaucoup de loges pensaient que dès lors qu’on leur avait demandé leur avis et qu’elles l’avaient donné, nous devions l’appliquer.

Ce qui me semble ne pas avoir été compris, c’est qu’une consultation qui donne 83% d’avis favorables à une proposition ne soit pas suivie d’effet.

 

Oui, sauf que la question portait sur 3 points et que nous en avons suivi 2. Nous n’avons pas suivi le 3e, la prorogation des mandats, parce que nous savions qu’il serait contesté, et sans doute même jusque devant la justice profane. Les deux points que l’on a suivis sont : l’annulation du Convent présentiel de Rouen au mois de décembre, et l’avenir nous a montré que tout le monde avait raison, et le remplacement de ce Convent présentiel par un Convent Assemblée Générale dématérialisé. Ce sont les 2 premières questions. La 3e, qui était liée parce que c’était un bloc, c’était de savoir si dans cette hypothèse-là la prorogation des mandats était souhaitée. L’étude juridique qui a été demandée à un cabinet d’avocats indépendant travaillant pour le Grand Orient de France depuis un certain nombre d’années, et n’ayant strictement rien à voir avec moi comme ça a été écrit, a consisté à nous dire que la prorogation des mandats était possible dans certaines conditions, mais il fallait pour cela convoquer une Assemblée Générale Extraordinaire et la lui faire voter. La consultation ne le permettait pas, elle n’avait pas été faite dans le cadre d’une Assemblée Générale Extraordinaire et n’avait donc pas de valeur juridique dans ce sens. Et comme depuis toujours j’avais personnellement dit que je ne voulais pas prolonger les mandats et que je souhaitais pouvoir transmettre le maillet dès que possible au moment de l’Assemblée Générale, nous n’étions pas dans la meilleure configuration pour la prorogation des mandats. Nous voulions simplement avoir une sécurité sur l’état d’esprit de l’obédience pour le cas où nous aurions été contraints de le faire. On s’est certainement mal compris ou on a mal communiqué à ce niveau-là, mais juridiquement il n’était pas possible de le faire dans les conditions de l’organisation de la consultation.

Alors, comment cela va-t-il se passer maintenant ? Quand et comment sera élu le nouveau Grand Maître ?

Nous avons cette année dix renouvellements au Conseil de l’Ordre, et à ce jour il y a 5 Conseillers qui ont été élus par leurs régions, et les 5 autres le seront après le Convent Assemblée Générale, si celui-ci autorise l’élection par voie dématérialisée. Donc les élections devraient avoir lieu après l’Assemblée Générale dématérialisée et la prestation de serment des nouveaux élus, la réunion des collèges pour élire leurs nouveaux bureaux et l’installation des présidents des 3 instances, le Conseil de l’Ordre, la Chambre Suprême de Justice maçonnique, et l’Instance Nationale de Solidarité maçonnique et donc du nouveau Grand Maître aura lieu à la mi-janvier. Pour l’instant les conditions sanitaires semblent le permettre.

La crise a aussi eu cet avantage de favoriser la dématérialisation de nombreuses procédures, ce qui ne peut qu’être intéressant pour l’avenir si on peut faire perdurer ces méthodes de travail en visio-conférence.

Oui, on peut le faire pour beaucoup de choses. Nous avons eu vendredi dernier une expérience très intéressante puisqu’on a fait la première réunion en visio-conférence des loges d’Europe. Nous avons une cinquantaine de loges en Europe, dans tous les pays, allant de la Russie jusqu’au sud de l’Espagne et avec tous les pays de l’Est. La plupart des loges étaient présentes. Cette rencontre du Grand Maître avec les loges d’Europe est un échange qui a duré presque 3 heures. Ce fut une très grande satisfaction pour tous. C’est quelque chose qui pourrait très bien être réédité. On y voit tout de suite une économie importante, ne serait-ce qu’en coût de déplacement. Attention, rien ne remplacera la présence physique. Mais cela permet de se parler plus souvent. En effet, c’est particulièrement facile à organiser, ça ne coûte rien, et les frères et sœurs sont plus facilement disponibles. Je crois que nous pourrions réfléchir aux formes de dématérialisation diverses en ayant comme but une économie de moyens. Cela permettrait un transfert vers la Solidarité qui est aujourd’hui plus que jamais au cœur de notre engagement. Il reste que le Convent, pour nous, est aussi une expérience de Fraternité et de rencontres qui est assez unique. A réfléchir …

D’ailleurs des économies, avec tout ce qui a été annulé, le GO en a réalisé pas mal cette année ?

Je le dirais autrement. Nous n’avons pas réalisé d’économies avec les annulations, nous avons réalisé des non-dépenses. Je pense que c’est plus honnête de parler de non-dépenses que d’économies. On a fait d’importantes économies parce que nous avons renégocié beaucoup de contrats, mais nous avons surtout fait beaucoup de non-dépenses, notamment le Convent bien sûr, mais aussi quasiment toutes les manifestations d’extériorisation. Ces non-dépenses ont permis d’abonder la solidarité. Nous avons versé pour l’instant un peu plus de 900 000 €. Je crains que l’on ne se rende pas compte des efforts qui ont été faits. D’abord, il y a eu des abondements à l’INSM pour des aides aux Frères et aux Sœurs en difficulté beaucoup plus nombreux que d’habitude. Nous avons aussi fait un effort financier pour tous les apprentis qui nous avaient rejoints au début d’année 2020. La gratuité d’un semestre n’est pas négligeable. Nous avons aussi mis en place toute une procédure à la main des loges pour apporter des aides sur les capitations. Le budget voté de l’INSM pour 2020 était de 725 000 €. Il a été abondé cette année de près de 500 000 € supplémentaires, et nous proposerons au Convent de ce samedi de voter 300 000 € de plus que les 725 000 prévus pour 2021.

Il y a eu, tu en as parlé, un renforcement des relations Inter obédientielles, mais on a aussi remarqué une augmentation des échanges avec les pouvoirs publics.

Oui, je l’ai constaté aussi à travers ce que me disaient les autres grands maîtres. Effectivement les relations avec les différents Ministères ou Secrétariats d’État sont aujourd’hui beaucoup plus fréquentes. Différents Ministres du Gouvernement ont fait appel à nous, par exemple sur le projet de loi sur le renforcement des principes républicains. De mémoire nous avons rarement été autant consultés, à la fois par le Gouvernement, mais aussi par un bon nombre de partis politiques. Nous avons été auditionnés par la Commission des Lois du Sénat. Différents responsables politiques et des parlementaires nous ont également consultés. En ce qui concerne les relations avec le Ministère de l’Intérieur et sa Ministre déléguée, je suis très satisfait des nombreux entretiens privés. Jusqu’à présent, la consultation était très souvent une consultation d’ensemble des obédiences maçonniques. Depuis quelque temps, nous avons pu affirmer nos spécificités en tant que Grand Orient de France. Je ne sais pas si on peut dire que le Grand Orient de France est de retour, mais en tout état de cause je pense qu’il y a une évolution sensible.

Un sujet peut-être moins agréable. On entend beaucoup dire que la crise a fait perdre beaucoup de membres aux grandes obédiences, notamment au Grand Orient.

Pour l’instant non. Ça fait partie de nos craintes et ça fait partie des prévisions budgétaires, mais pour l’instant on ne constate pas de baisse particulière du nombre de membres. Par contre, ce que nous vivons tous, c’est l’absence d’entrées parce qu’on a beaucoup de dossiers en attente et que les loges n’ont pas pu procéder aux initiations. Nous craignons les uns et les autres de perdre peut-être un certain nombre de profanes qui peuvent s’être lassés ou avoir changé d’idée entre-temps.

La reprise. Il semblerait que beaucoup de loges soient assez frileuses. Tu as des échos sur le nombre de loges qui ont repris leurs travaux depuis le mois de septembre ? 

La très grande majorité des loges avaient repris les travaux au mois de septembre, on a constaté simplement que l’assiduité était nettement inférieure à l’assiduité moyenne précédente. Par contre depuis la réouverture du 1er décembre, ça semble beaucoup plus timide. Ce qu’on a constaté au niveau des obédiences c’est l’adaptabilité des Frères, des Sœurs et des loges à ces nouvelles situations. Malgré toutes ces règles de réduction du nombre de participants et autres difficultés, les loges se sont débrouillées et elles ont réussi pour la plupart d’entre elles à trouver le moyen de se réunir, toujours conformément aux prescriptions en vigueur, et ça c’est une très bonne chose. J’en veux pour preuve les 907 contributions des 750 loges différentes qui ont participé à notre Livre Blanc sur l’Après qui est en cours de finalisation.

Une question au sujet de la mixité. Qu’en est-il des Sœurs au Grand Orient ?

Ça continue à progresser, forcément. Aujourd’hui plus de la moitié des loges sont mixtes et dans les créations de loges la quasi-totalité sont mixtes. On est maintenant à 9,7 % de sœurs dans l’obédience. Nous avons encore une certaine marge de progression si je peux me permettre de le dire ainsi. Nous partions de 0, je le rappelle.

Il serait intéressant de connaître la proportion de Sœurs dans les nouveaux membres. Peut-on savoir, pour 2019 car 2020 ne sera pas représentatif, quelle était cette proportion ?

Sur les initiations et les affiliations en 2019, au total près de 3 500 personnes, la proportion est de 80% de Frères et de 20% de Sœurs.

Et le moratoire sur la création de loges ?

Le moratoire a été maintenu, mais la situation fait que de toute façon il n’y a pas eu d’activité dans ce domaine-là cette année. Par contre ce qui a continué, et c’est une bonne chose, c’est la création de loges à l’étranger. Nous avons réussi à créer deux loges en Allemagne. Une à Berlin dont j’ai allumé les feux, et également une loge de mission qui a vocation à devenir rapidement une loge de plein exercice à Stuttgart. Nous avons également allumé des feux en Serbie et en Macédoine du Nord.

Un mot sur la politique culturelle, le Musée, les revues…

On a beaucoup travaillé sur les revues. C’était l’un des points du programme, notamment sur leur numérisation. Tout ce travail, lourd, a été achevé et il sera opérationnel à partir de 2021. Nos 3 revues, Humanisme, La Chaîne d’Union et les Chroniques d’histoire maçonnique existeront bien sûr toujours sous forme papier pour ceux qui le souhaitent, mais elles se trouveront aussi sur la plate-forme d’un opérateur qui vendra les revues par article, ce qui va donner une visibilité beaucoup plus importante et internationale à nos revues. Il fallait le faire parce que nous n’étions pas vraiment entrés dans le vingt-et-unième siècle à ce niveau. Les revues elles-mêmes fonctionnent bien, elles fonctionnent de mieux en mieux. Les équipes de rédaction ont été renouvelées ou confirmées. Humanisme continue à être une revue de qualité et la Chaîne d’Union dans sa nouvelle formule avec Jacques Garat comme rédacteur en chef et José Gulino en directeur de la rédaction, est redevenue ce qu’elle avait été il y a fort longtemps et qui faisait son succès c’est-à-dire une revue qui travaille sur des sujets de symbolisme. Elle a produit de très beaux numéros. Quant à Chroniques d’histoire maçonnique, elle s’adresse surtout à des historiens en assurant également notre rayonnement dans les milieux universitaires. Elle est dirigée par Pierre Mollier. En ce qui concerne le Musée, je ne t’apprends rien si je te dis que pour l’instant il est fermé. Ça n’empêche pas les équipes de travailler, et nous avons programmé plusieurs tranches de travaux. Entre autres sur la boutique pour lui apporter une place plus importante. Un éclairage des collections plus efficaces sera mis en place également. Nous continuons à investir dans ce Musée qui est la vitrine de la Maçonnerie. C’est le musée de la Franc-maçonnerie et pas seulement du Grand Orient de France. De nombreux partenariats sont en cours avec des loges ou orients qui souhaitent organiser des expos.

Nous avons, au-delà de ça, réussi à faire des choses malgré le confinement, en particulier le 1er mai traditionnel du Père Lachaise, où le défilé a été remplacé par un film avec un discours qui a eu un très grand succès sur la chaîne youtube du Grand Orient puisqu’on a battu tous les records avec plus de 30 000 vues. La journée commémorative concernant l’abolition de l’esclavage en revanche n’a pas pu avoir lieu. Nous l’avions reprogrammée au Panthéon qui malheureusement a été fermé le 2 décembre, le jour de la journée internationale de l’abolition de l’esclavage. Nous avons proposé un discours et puis il y a eu un certain nombre de prises de position dans le domaine culturel, ce qui fait que malgré la situation le Grand Orient a continué à être présent. En termes de communications extérieures et prises de position, le Grand Orient a toujours été là.

Concernant la République et la Laïcité, il y a eu deux discours que je pense importants : un pour l’anniversaire de la République que j’avais prononcé dans la manifestation laïque du 20 septembre place de la République et qui a fait l’objet d’une publication, qu’on retrouve dans le dernier numéro d’Humanisme, et puis ce discours « coup de gueule » crié avec le cœur après l’assassinat de Samuel Paty, où j’ai été le seul franc-maçon à prendre la parole place de la République lors de cette immense manifestation. J’ai été aussi présent lors de la cérémonie d’obsèques à la Sorbonne pour l’hommage de la nation à Samuel Paty.

Quel aura été le meilleur souvenir de ton mandat ?

Les meilleurs souvenirs ce sont les rencontres que j’ai faites avec les Frères et les Sœurs au cours de mes déplacements. J’ai fait pendant deux ans et demi beaucoup de déplacements, j’ai fait beaucoup de conférences, j’ai présidé un certain nombre de tenues un peu partout, et cette fraternité que j’ai rencontrée, ce plaisir de recevoir le Grand Maître et le bonheur pour moi d’aller rencontrer les loges, ça reste des moments extrêmement forts dans la vie d’un homme et d’un maçon. Ça reste des choses inoubliables et ça c’est vraiment gravé parce qu’il y a des images magnifiques, des ressentis. Heureusement qu’il y a tout cela. C’est très important d’aller puiser cette énergie dans les loges.

Le « Grand Maître bashing » pour terminer. Il y a une tradition au GO, est-elle enviable, qui consiste à voir fleurir dans les semaines qui précédent le Convent, émanant de Frères ou de petits groupes de Frères, toute une série de critiques, plus ou moins acerbes et crédibles sur l’action et la gestion du grand maître sortant, le traitant généralement globalement d’autocrate quand ce n’est pas de menteur ou d’escroc. Tu n’as pas été épargné à ce niveau. Qu’est-ce que cela t’inspire ?

Il est clair que l’on constate au Grand Orient, comme dans le monde dans lequel on vit, qu’il y a un certain nombre d’hommes et de femmes qui ont très mal vécu la pandémie, les différents confinements, et qui ont fortement modifié leur attitude. Certaines études montrent qu’il y a un besoin d’accompagnement des populations qui se trouvent dans des situations de détresse morale que nous avons encore du mal à vraiment identifier. Hélas parfois ce qu’on découvre dans la société on le trouve au sein du Grand Orient. J’explique une grande partie des prises de parole individuelles et très critique comme une certaine forme de détresse ou de manque. Une sorte de manque d’exutoire que le travail en loge permet parfois. Le confinement n’a pas permis ce sas et cela se ressent me semble-t-il. Une sorte de trop-plein qu’il faut extérioriser à tout prix. Nous nous sommes retrouvés comme une surface de projection de tous les ressentiments divers et variés.

L’Assemblée Générale telle qu’elle est organisée, le Convent Assemblée Générale prévoit la possibilité pour les loges de prendre la parole sous forme de contributions. Il y a un certain nombre de loges qui ont émis des critiques, parfois constructives, d’autres moins. C’est le fonctionnement démocratique normal. Ce qui est tout à fait anormal, parce que le Grand Orient de France est une fédération de loges, ce sont les prises de parole individuelles. Nous lisons depuis quelques semaines des écrits individuels, produits par des membres ayant eu des responsabilités de différents niveaux, sans aucune connaissance des dossiers en cours. Je trouve cela personnellement regrettable car si la parole reste libre, les faits sont sacrés … J’en suis personnellement extrêmement choqué parce que je suis respectueux du processus démocratique et là on est dans l’utilisation des fichiers, des réseaux sociaux, des adresses mail, pour diffuser des choses qui sont parfois totalement erronées et, ce qui est pire pour ma part, blessantes à bien des égards. Cela m’attriste parce que ces frères qui ont souvent servi le Grand Orient de France ne prennent pas conscience qu’aujourd’hui ils sont en train de participer, je n’ose l’imaginer, à une grande manœuvre de déstabilisation. L’obédience, dans cette période, n’a pas besoin de ça. C’est particulièrement grave surtout de la part de Frères parfois anciens et qui devraient à priori faire preuve de mesure, de maitrise, de rectitude et de fraternité. Certains d’entre eux semblent avoir oublié ces fondamentaux de la démarche maçonnique. Personnellement, j’ai le cuir assez épais pour le supporter. Je n’ai objectivement rien à me reprocher. On peut ne pas être d’accord avec des décisions qu’on a prises, c’est normal, c’est la démocratie, mais tout ce que nous avons fait nous l’avons fait en pleine transparence et surtout en pleine collégialité.

Je crois en tous les cas que notre maçonnerie est beaucoup plus forte que ces écrits vengeurs, et nous avons tous en mémoire quelques éléments importants de notre rituel qui font que je reste serein et que notre chemin a été éclairé par la justice pour toutes et tous.

 

 

Cette interview a été réalisée par  Hiram.be

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