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Interview Denis Tillinac :  » Car la droite n’est pas moins généreuse, ouverte à autrui, compatissante pour les humbles, accessible à l’esprit critique et en prise avec l’universel que la gauche. « 


Denis Tillinac, vous entretenez un lien charnel, presque amoureux avec la France…

La France, je l’aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l’étreins, elle m’émerveille. C’est physique. J’aime enchâsser l’or et le sang de son histoire dans la chair de sa géographie. Il en résulte un patriotisme de facture rustique, un peu comme la foi du charbonnier…  Je suis français au naturel et j’en tire autant de fierté que de volupté. J’ai pour ce vieux pays l’amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d’auberge, de l’érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron… J’ai la France facile, comme d’autres ont le vin gai; je l’ai au cœur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n’a pas dépendu de moi et ça n’a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur…
 
–      Michelet disait que la France est une personne, dans son sillage, vous semblez dire qu’elle a une âme ?
–      La personnalité de notre pays se reflète dans un patrimoine symbolique commun, décrypté par l’historien Pierre Nora, maître d’œuvre d’une somme précieuse, « Les Lieux de mémoire ». De Vercingétorix aux poilus de Verdun et aux monuments aux morts qui honorent leur sacrifice, nous avons la matière d’un récit national qui, sans faire l’unanimité, nous rassemble en quelque façon.
L’histoire selon Lavisse, les «hussards noirs» de Ferry, Hugo, Zola ou Péguy se sont évadés de leur gangue idéologique initiale. Nous partageons tous un respect mêlé de nostalgie pour les instituteurs à blouse grise, nous avons tous de la tendresse pour Esméralda, de la compassion pour Jean Valjean. Nous entonnons tous La Marseillaise pris d’un frisson cocardier en regardant flotter le drapeau tricolore. Oui la France a une âme qui fait vibrer le cœur des Français.
 
– Que vous inspire la situation actuelle de la Droite?
– Un politique manque à son devoir en restant à quai quand le train de l’Histoire fait escale dans sa gare. Une fois n’est pas coutume : l’Histoire propose à la droite française l’aubaine d’une aventure. Elle échouera si elle ne sait pas à quoi se référer. Même si les urnes lui consentent un nouveau tour de piste. La droite des partis ? ?Les Républicains? et dépendances ? pèche par ignorance de soi. Elle ne comprend pas avec quoi le mot a envie de rimer dans les profondeurs de l’âme de la France. Nous risquons tous de le payer cher : les Français en ont marre des trocs de figurants sur les estrades où des politiciens interchangeables s’auto-célèbrent, s’auto-encensent et s’auto-reproduisent . Car la droite n’est pas moins généreuse, ouverte à autrui, compatissante pour les humbles, accessible à l’esprit critique et en prise avec l’universel que la gauche. Elle l’est autrement. Puissent ces pages mettre au clair les racines spirituelles, intellectuelles, morales, sentimentales et esthétiques de cette différence.
 
– Comment vous situez-vous dans ce contexte?
Le rôle de l’écrivain est d’allumer des lumières dans la nuit de l’esprit qui nous entoure, pour préparer l’aube du renouveau. Ma génération a été lamentable, mais la nouvelle génération peut renverser la vapeur: il faut faire table rase de cet héritage de mai 68, et repartir à zéro à partir des fondamentaux.
Le prétexte déclencheur a été le mariage «pour tous» mais en vérité, ce que les gens refusaient c’était un changement de civilisation, ils voulaient crier leur attachement à leurs ancrages spirituels, sentimentaux, affectifs: le terroir, la famille, les traditions et l’art de vivre, menacés sourdement, mais sûrement. Une France conservatrice, catholique culturelle, jeune est en train de se lever, qui dépasse les configurations partisanes. Ce soulèvement populaire est accompagné par une école historique et universitaire, des livres: des disciples de Furet qui lisent autrement la Révolution Française, des philosophes comme Jean-François Mattei et Chantal Delsol qui étaient marginalisés et qui commencent à avoir du succès.Le vent tourne, et c’est pour ça qu’ils deviennent si agressifs, que les noms d’oiseaux, réac, facho fusent à tout bout de champ. Le nihilisme soixante-huitard qui structure notre génération est à bout de souffle: je crois à la possibilité d’un printemps des âmes.

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