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JOHNNY HALLYDAY, FRANCE GALL… ET QUELQUES AUTRES : Pourquoi tant d’émotions ?

Ces morts d’artistes et la façon de les célébrer disent beaucoup de nous-mêmes… et de notre société. Ils disent surtout que nous sommes « émotionnables ». Chacune de ces morts a soulevé, en effet, chez nos contemporains une vague d’émotions qui, dans le cas du premier disparu, Johnny, a ressemblé à un « tsunami » émotionnel. Chanteur populaire, légendaire de son vivant, la disparition de Johnny Hallyday a été perçue comme un choc par des millions de Français. Si l’on ne peut comparer ces morts d’artistes avec celles de journalistes sauvagement assassinés – nous pensons bien sûr aux caricaturistes de Charlie Hebdo exécutés en janvier 2015 par un commando terroriste, force est de reconnaître que chaque fois c’est la même « mécanique émotionnelle » qui se met en marche. Les Français descendent dans la rue pour dire leur colère ou leur chagrin, avec une grande sincérité, le fait n’est pas douteux.
Le besoin d’émotion, comme je l’explique dans mon livre Les Larmes de Charlie et cie, est devenu un besoin vital. L’expression de la douleur permet en effet à chacun de se sentir exister dans ce monde terriblement anonyme où les hommes peinent à donner un sens à leur existence.

Le problème avec l’émotion, c’est qu’elle passe. Par définition, un « événement émotionnel » s’évanouit avec le temps. C’est d’ailleurs cet « évanouissement » qui permet, a posteriori, de dire d’un événement qu’il était émotionnel, et pas autre chose. Charlie, quoi qu’on ait pu dire ou écrire, était un événement émotionnel, et ce malgré l’habillage républicain qu’on a voulu lui donner. « Je suis Charlie » voulait juste dire « Je suis ému » – mais évidemment l’émotion en question était une émotion « juste ». Mouvement émotionnel donc. Il est ainsi facile de comprendre qu’il n’y ait plus beaucoup de « Charlie » aujourd’hui puisque l’émotion a disparu depuis 2015. Dire par conséquent que le 3ème anniversaire de l’attentat d’il y a trois ans a été délibérément célébré avec « sobriété » n’a pas de sens. Charlie est un « événement émotionnel » du passé, qui ne pouvait donc mobiliser des foules comme en 2015. L’attention émotionnelle s’est reportée sur Johnny Hallyday, qui était une part de nous-mêmes : nous avons tous grandi, vieilli au rythme des chansons de cet artiste. Mais cette attention s’affaiblira elle aussi avec le temps.

Dans trois ans, à coup sûr, il n’y aura plus un million de personnes dans les rues de Paris pour rendre hommage à la mémoire de notre chanteur national.
Notre société est devenue terriblement émotive et c’est dommageable pour elle, pour nous. L’émotion et la raison ne font pas toujours bon ménage en effet. Que de décisions politiques émotionnelles aujourd’hui ! Il est regrettable qu’on ne cherche plus aujourd’hui à toucher les gens par leurs facultés intellectuelles, mais par leurs émotions. Il est regrettable que l’intellect ait définitivement cédé le pas à l’affect.
Michel FIZE, sociologue, auteur des Larmes de Charlie et cie ; pourquoi tant d’émotions ? (Editions LGO, 2017)

Comments

  • Anonyme
    janvier 12, 2018

    0.5

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