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La crise existentielle de l’euro Par Dan Denning

 
Est-ce cette année que l’euro finira par disparaître ? Les élections présidentielles en France pourraient y mettre fin, tout comme les élections allemandes.
Il ne faut pas oublier que l’euro  a toujours été un projet politique. Or 2017 est une année clé pour le projet de l’Union européenne. Si ce projet échoue, il pourrait bien entraîner dans sa chute la monnaie commune.
Le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz plaide en faveur de plus d’Europe – plus d’intégration, plus de régulation, plus de centralisation. Stiglitz a joué cartes sur table dans un article du magazine Fortune intitulé « Pourquoi 2017 pourrait voir la disparition de l’euro. » En voici quelques extraits. C’est moi qui souligne.
« La croissance de la Zone euro au cours de l’année dernière a été anémique, à seulement 1,6% – et ce taux est le double du taux de croissance moyen entre 2005 et 2015. Déjà, les historiens parlent de la décennie perdue de la Zone euro ; peut-être parleront-ils bientôt de sa ‘dernière’ décennie.
L’ambition de l’euro était de permettre à l’Europe une plus grande prospérité, celle-ci, à son tour, favorisant l’intégration économique et politique. L’euro était un projet politique mais la politique n’était pas assez forte pour créer les dispositifs institutionnels qui assureraient son succès. L’euro ayant mené à la stagnation et pire, il n’est pas surprenant qu’il ait conduit à des dissensions croissantes plutôt qu’à une plus grande solidarité. 
Pour que le système de monnaie unique fonctionne, il faut plus d’Europe — plus de solidarité ; plus de volonté de la part des pays les plus forts d’aider les pays les plus faibles ; plus de volonté de créer des institutions telles qu’une garantie des dépôts commune et un régime d’assurance chômage commun —plutôt que ces demi-mesures, qui ne sont tout simplement pas viables. Mais les échecs de la Zone euro rendent de telles réformes très difficiles. Il est probable que les forces politiques aillent dans la direction contraire. Si c’est le cas, ce n’est peut-être qu’une question de temps avant que l’Europe ne considère plus l’euro que comme une expérience intéressante et bien intentionnée qui a échoué – au frais des citoyens européens et de leurs démocraties. »
Stiglitz avance des arguments forts. Dès le départ, la principale faille dans le projet était que l’Europe avait une politique monétaire commune mais des politiques budgétaires séparées (nationales). La discipline budgétaire des gouvernements nationaux – la maîtrise du déficit, du ratio dette gouvernementale/PIB et de l’inflation – donnerait de la crédibilité à la monnaie.
Espérer que les gouvernements exercent une discipline budgétaire sans autorité supranationale budgétaire était… disons… peu réaliste. Lorsque le choc de 2008 eut lieu et que les gouvernements à la périphérie de l’UE renflouèrent leur secteur bancaire, les ratios de dette publique et les déficits explosèrent. Depuis, les déficits annuels sont devenus plus gérables. Et la dette ? C’est un boulet pour l’économie de l’UE et une bombe à retardement dans les banques.
On peut faire remonter le problème encore plus loin dans le temps. L’élimination des taux de change dans la Zone euro a rendu possible pour les prêteurs français et allemands de prêter à la Grèce, à l’Espagne, au Portugal et à l’Irlande. Ce qu’ils n’ont pas manqué de faire ! Ces prêts ont financé la consommation, les booms immobiliers et divers autres investissements non productifs.
Entre temps, les salaires dans les pays périphériques ont augmenté, rendant plus difficile pour ces économies de rivaliser avec la France et l’Allemagne. En d’autres termes, l’introduction de la monnaie unique a créé la plupart des problèmes que nous connaissons aujourd’hui et n’en a résolu aucun – sauf, peut-être qu’elle a facilité les voyages en évitant d’avoir à changer son argent aux frontières.
On peut voir que depuis le début, l’euro n’était qu’un moyen de favoriser la consolidation institutionnelle et la centralisation en Europe. C’était le moyen le moins politiquement effrayant d’arriver à ce qui a toujours été un objectif philosophique et politique d’une Europe fédérale. A présent, c’est une crise existentielle pour l’euro et l’Union européenne.
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