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La Finlande et la Suède: la perte d’autonomie en échange d’une protection illusoire Par Alexandre  Lemoine

Le rêve de longue date de Washington d’aspirer les pays d’Europe du Nord, notamment la Suède, dans l’Alliance s’est réalisé. La Suède et la Finlande, des « pacifistes » de longue date dans la mer agitée de la politique mondiale, ont déposé leur demande d’adhérer à l’Otan sous la pression des États-Unis. 

Sur le papier du moins, le score est à l’avantage de l’Otan. Les principales questions sont de savoir si le renoncement des Suédois et des Finlandais à la neutralité est justifié et quels sont les avantages de la perte d’autonomie en échange d’une protection illusoire? 

Stockholm et Helsinki n’étaient pas sur la liste des cibles prioritaires de la Russie. Leurs relations étaient neutres ou conditionnellement amicales. Les intérêts croisés de la Suède et de la Finlande avec la Russie dans l’Arctique pourraient être qualifiés de négatifs. 

Le nombre du personnel des armées nordiques n’a jamais été impressionnant. À l’échelle de l’Alliance composée de 30 pays, les forces armées des candidats n’ont pas beaucoup de poids. La Suède compte 14.600 hommes avec seulement 10.000 réservistes, avec respectivement 19.250 et 238.000 hommes pour la Finlande. À titre de comparaison, l’armée turque compte plus de 550.000 hommes. 

Les deux pays en question possèdent des forces uniquement défensives incapables de lancer une vaste offensive. Les Finlandais disposent de 200 chars, environ 500 véhicules blindés de combat d’infanterie, 750 véhicules blindés de transport de troupes, plus de 3.000 pièces d’artillerie, 50 avions, jusqu’à 20 hélicoptères et plus de 20 navires de guerre. L’arsenal suédois, quant à lui, possède plus de 500 chars et VBCI, 96 chasseurs, un peu plus de 450 pièces d’artillerie, 5 sous-marins et plus de 30 navires. Comme l’indiquent les analystes occidentaux, cet arsenal ne possède pas de moyens pour « projeter la force en dehors de ses frontières ». 

Que pouvaient espérer la Suède et la Finlande sans adhérer à l’Otan en cas d’une troisième guerre mondiale? Conserver leur propre patrimoine culturel et gagner de l’argent sur la vente d’armes et de ressources. D’ailleurs, si la Finlande possédait depuis relativement peu son statut neutre (depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale), la Suède restait non alignée depuis plus de 200 ans. 

À partir du moment d’adhésion de ces deux pays à l’Otan, ils deviennent des cibles légitimes pour la Russie. Rappelons qu’au sommet de juin l’Alliance a proclamé la Russie « la plus significative menace » et ne la considère plus comme un partenaire. 

En cas de conflit chaud entre l’Otan et la Russie, la Finlande et la Suède se retrouvent dans une position défavorable. La proximité de la frontière russe ne leur permet pas de déployer une défense antimissile efficace: le temps de réaction se réduit à un délai critique. 

On ignore si les dirigeants de ces pays ont réussi à expliquer à leur population tous les « bienfaits » de l’adhésion à l’Otan et de la « sécurité » sous le parapluie nucléaire américain, britannique et français. L’article 5 de l’Alliance réglementant une réponse militaire collective à une agression contre tout pays membre fonctionne de la même manière dans l’autre sens. Tous les acteurs de l’Alliance sont entièrement responsables des actes de certains membres. 

Quoi qu’il en soit, stratégiquement l’Otan se dote de presque 800.000 km² de nouveau territoire à proximité immédiate de la frontière russe. Il est encore tôt de parler d’un grand avantage de forces à cette frontière: plusieurs années seront nécessaires à l’Occident pour reformater les forces armées de ces pays d’Europe du Nord. Il est également trop tôt pour parler du déploiement d’armes offensives menaçant directement la Russie: Bruxelles sera prudent pour ne pas provoquer une guerre. Alors que les aérodromes pour l’aviation de l’Otan en Finlande à Rovaniemi, Tampere, Kuopio et Tikkakoski représentent une sérieuse menace pour le nord-ouest de la Russie. Ainsi que la mer Baltique, qui deviendra définitivement une mer intérieure de l’Otan. 

Outre les pertes des vestiges d’autonomie, Helsinki et Stockholm subiront plusieurs fardeaux financiers. C’est avant tout l’exigence de l’Otan de dépenser au moins 2% du PIB pour la défense. Par le passé, de nombreux pays ne respectaient pas cette règle, c’était même plutôt une exception à la règle, qui était respectée seulement par les États-Unis, le Royaume-Uni, la Pologne, l’Estonie, la Grèce et la Lettonie. Après le 24 février, l’Otan a l’intention de s’armer jusqu’aux dents, et cette règle s’appliquera avant tout aux nouveaux membres. En cas de conflit, ce sont les Finnois et les Suédois qui devront contenir la Russie au nord, c’est pourquoi l’Alliance veillera scrupuleusement au renflouement du budget militaire. 

Dans ce jeu, la Suède est particulièrement convoitée par l’industrie de l’armement américaine. Contrairement à la Finlande, la Suède possède une puissante industrie militaire. Ce pays ne construit pas seulement des chars de sa propre fabrication, dans tout le reste son high-tech militaire est au niveau mondial. Saab Bofors Dynamics est capable de fabriquer des missiles antinavires, alors que Saab AB construit des chasseurs de quatrième génération et des systèmes de détection et de commandement aéroporté (Awacs). Les fabricants d’armes suédois font partie des dix plus grands explorateurs du monde. 

Ce qui ne convient pas du tout à Washington, qui fait activement travailler son industrie militaire dans le cadre de l’opération spéciale en Ukraine. C’est pourquoi une mort lente attend l’industrie de l’armement suédoises sous la forme d’une « optimisation aux normes de l’Otan ». Les armements passeront d’abord sur des plateformes unifiées, et ce ne seront pas des châssis Volvo. Après quoi sera remplacée la composante électronique, suivie du fameux acier suédois. 

Dans le meilleur des cas, l’industrie militaire suédoise conservera le rôle de fournisseur local, voire d’usine d’un géant militaire américain ne permettant pas de dépenser de l’argent pour de nouveaux concepts. Quand on souhaite entrer dans l’Otan, il faut savoir dire adieu à ses illusions.

Alexandre Lemoine

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