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La flambée des prix de l’énergie en Europe en quatre graphiques

L’envolée des prix du gaz et de l’électricité devrait perdurer cet hiver et souligne la nécessité
d’investir davantage dans les technologies de la transition énergétique

La hausse des prix du gaz et de l’électricité a fait les gros titres ces dernières semaines. L’Europe semble être au cœur de la tourmente, même si elle n’est certainement pas la seule à connaître de fortes hausses de prix. La Chine souffre également de pénuries d’énergie et rationne l’électricité dans certaines provinces en conséquence.
Nombre des facteurs d’offre et de demande qui expliquent cette évolution sont également de nature mondiale. Toutefois,l’Europe présente des spécificités qui pourraient contribuer à maintenir les prix à des niveaux élevés et il n’existe pas de solution facile pour faire baisser rapidement les prix.

Flambée des prix de l’énergie

Tout d’abord, comme le montre le graphique ci-dessous, les prix de l’énergie ont fortement grimpé en Europe ces dernières semaines. La majeure partie de cette hausse est liée aux pénuries de gaz naturel.

Le gaz naturel est depuis longtemps considéré comme un combustible « de transition » pour la production d’électricité. Comparé au charbon, il produit la même énergie, mais avec moitié moins d’émissions de CO2. Il ne s’agit en aucun cas d’une solution à long terme si l’on veut atteindre les objectifs de zéro émission nette (à moins que la technologie de captage du carbone ne puisse être appliquée), mais c’est un palliatif utile pendant la période de sortie progressive du charbon.

Toutefois, en partie du fait de son avenir incertain à long terme, il y a eu un sous-investissement dans le gaz naturel. De
nombreuses sociétés pétrolières et gazières intégrées ont été réticentes à approuver de nouveaux projets, leur objectif global étant la transition vers les énergies renouvelables.

Parallèlement, la faiblesse des prix du gaz régionaux au cours des années précédentes a entraîné l’arrêt ou le report de divers projets d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL). Les projets qui auraient approvisionné le marché du gaz en 2019, 2020 et 2021 ne sont désormais susceptibles de le faire qu’en 2025 et au-delà.
Dans le même temps, les stocks de gaz sont bas dans le monde. Le graphique ci-dessous indique le bas niveau des stocks de gaz en Europe par rapport à la normale alors que nous entrons dans les mois froids de l’hiver.

L’absence de vent nuit à la production d’électricité de sources renouvelables

Cette pénurie de gaz coïncide actuellement avec une hausse de la demande. La récente fermeture d’installations au charbon et les conditions météorologiques défavorables ont un impact sur d’autres sources de production d’électricité. Le graphique ci-dessous montre que la vitesse du vent au Royaume-Uni a été bien inférieure à l’habitude pendant une grande partie de l’été et en septembre, ce qui a diminué la production d’électricité éolienne.

Pas de solution miracle

Cela prendra toutefois du temps et il n’y a pas de solution rapide pour résoudre la pénurie de gaz dans l’immédiat. Le gisement de gaz de Groningen aux Pays-Bas, autrefois le premier producteur de gaz européen, a considérablement réduit sa production au cours de la dernière décennie en raison du risque de tremblement de terre lié au forage.

L’Europe est donc très dépendante de la Russie pour l’approvisionnement en gaz, mais les réserves de ce pays ont été épuisées comme celles dans le reste du monde. Les volumes continuent de se redresser après un incendie à l’usine de Novy Urengoy en août et la Russie attend toujours que l’Europe approuve le gazoduc Nordstream 2. Il nous semble peu probable que les livraisons de gaz via Nordstream 2 atteignent le marché européen avant la fin de l’année.

De plus, l’énergie éolienne ne parviendra probablement pas immédiatement à pallier la pénurie et à faire baisser les prix globaux de l’électricité. Comme le montre le graphique ci-dessous, l’éolien couvre une part importante de la demande européenne en électricité au quatrième trimestre, mais il pourrait de nouveau y avoir un déficit au premier trimestre.

Nous n’anticipons donc pas d’apaisement de la situation actuelle sur les marchés européens de l’énergie avant le mois de juin de l’année prochaine.
De plus, l’électricité ne peut pas se substituer au gaz. Le Royaume-Uni, par exemple, dépend du gaz pour la quasi-totalité de ses besoins de chauffage.

Quelles sont les implications pour les investisseurs ?

À court terme, la hausse des prix du gaz est clairement favorable aux sociétés énergétiques exposées au gaz, qui bénéficieront de l’augmentation des flux de trésorerie au cours des prochains trimestres.
Il faut toutefois faire preuve de prudence, car il n’y a aucune garantie que les clients accepteront de payer des prix toujours plus élevés. Si l’offre ne peut pas suivre, la demande pourrait baisser. Au Royaume-Uni, nous avons déjà constaté que la hausse des prix du gaz a entraîné un arrêt de la production de certaines sociétés d’engrais, ce qui a eu un impact sur le secteur alimentaire.

La flambée du prix du gaz ayant également fait grimper les prix de l’électricité, on commence à observer une hausse des prix des accords d’achat d’électricité (PPA) aux États-Unis et en Europe. Les PPA sont des accords de fourniture d’électricité à long terme entre les producteurs d’électricité et un client. Cette répercussion est bénéfique pour les développeurs de nouveaux projets d’électricité qui sont actuellement en mesure de compenser la hausse des coûts des équipements en concluant des PPA à des prix plus élevés.

À plus long terme, les tensions sur le marché de l’électricité devraient être favorables en termes d’accélération des
investissements dans la transition énergétique. Il est évident que la production d’énergie renouvelable et le stockage doivent augmenter.

Toutefois, globalement, ces hausses des prix de l’énergie viennent se greffer sur un environnement qui subit déjà des poches d’inflation et des perturbations des chaînes d’approvisionnement. Les entreprises et les consommateurs finiront par supporter l’essentiel de la hausse des prix, ce qui devrait avoir un impact plus large sur l’économie.
Les investisseurs devront faire preuve de prudence, non seulement dans les secteurs de l’énergie et de la transition
énergétique, mais aussi sur le marché actions dans son ensemble.

Mark Lacey, Responsable actions matières premières et transition énergétique et Alexander Monk, Analyste matières premières

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