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La loi travail:Le paradoxe est que les opposants les plus violents à cette « loi travail » sont ceux qui bénéficient d’un emploi protégé et d’un revenu garanti.

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Beaucoup de choses ont été dite sur la loi travail. C’est une loi écrite par des gens qui ont la sécurité de l’emploi pour leur vie entière. Une loi qui va dans le bon sens, c’est-à-dire de rendre un peu de liberté à ceux qui prennent les décisions. Et une loi qui ne va pas assez loin.

Elle illustre la politique des petits pas qui a inspiré l’adage selon lequel « le gradualisme est le stade suprême de l’immobilisme ». Cette politique des petits pas, chère au cœur de ceux qui se préoccupent des prochaines échéances électorales plutôt que du résultat des mesures qu’ils prennent, plaît à ceux qui se disent modérés. Beaucoup ne sont que timorés. Parfois, la modération et le juste milieu reviennent à dire : « Si vous sautez du sixième étage, vous allez vous tuer. Sautez donc plutôt du troisième ! »

Le paradoxe est que les opposants les plus violents à cette « loi travail » sont ceux qui bénéficient d’un emploi protégé et d’un revenu garanti. L’autre paradoxe est que le gouvernement fait face aux manifestations, y compris dans leurs effets les plus violents, d’une manière assez bizarre à première vue. A première vue seulement, car, aux yeux d’un gouvernement, quiconque accrédite l’idée que le gouvernement détient la solution à tous les problèmes est un allié objectif. Quand bien même il s’oppose aux lois en cours d’examen.

Pendant ce temps, une autre réforme est en train d’être adoptée, celle du collège. Il y a une différence de fond entre cette réforme, qui fonce à toute allure dans le mauvais sens, et une loi travaille qui esquisse timidement un mouvement dans le bon sens. Mais il y a aussi des points communs. De même que les salariés du privé manifestent une quasi indifférence à l’égard de la loi travail, dont ils n’attendent pas grand’chose, les parents d’élèves, premiers concernés par la réforme du collège, restent étrangement inertes.

Cette apparente indifférence de ceux que les réformes concernent au premier chef contraste avec la passion de ceux qu’elles ne concernent pas. Que faut-il en déduire ? Que ceux qui attendent des réformes ont cessé de croire qu’elles pourraient venir du gouvernement. Beaucoup sont résignés. D’autres votent avec leurs pieds.

Voter avec ses pieds, concernant la liberté de l’enseignement (et donc sa qualité), c’est faire la fortune des entreprises de soutien scolaire qui comblent les lacunes, de plus en plus béantes, du service public. C’est charger les grand’mères d’apprendre à lire aux enfants à l’aide des bonnes vieilles méthodes (de même que, dans l’Union soviétique, elles transmettaient le catéchisme et les prières). C’est enfin quitter l’école publique pour l’école privée, puis l’école privée sous contrat pour l’école hors contrat ou l’instruction à la maison. Ceux qui ont les moyens de le faire le font. Les autres augmentent le nombre de déshérités qui sont les clients des subventions et de la mainmise du gouvernement.

En ce qui concerne la loi travail, voter avec ses pieds, c’est contourner le redoutable contrat à durée indéterminée et les effets de seuil en remplaçant les hommes par des machines, les employés par des sous-traitants ou des stagiaires. C’est délocaliser les activités qui coûtent cher en main-d’œuvre, et pourquoi pas les sièges sociaux. C’est profiter des lois européennes sur les travailleurs détachés. C’est se mettre à son compte pour offrir ses services aux entreprises. C’est prendre sa retraite là où le coût de la vie et le prix d’une femme de ménage sont moins élevés. Les deux solutions extrêmes sont les plus simples : à un bout de la chaîne, le bon vieux travail au noir, à l’autre bout, l’exil pur et simple. Ceux qui ont les moyens de le faire le font. Les autres augmentent le nombre de déshérités qui sont les clients des subventions et de la mainmise du gouvernement.

Ceux qui votent avec leurs pieds ne se rassemblent pas pour passer la nuit debout, assis ou couchés sur les places publiques, et ne brandissent pas de bannières. Ils se mettent en marche, au propre ou au figuré, vers des cieux fiscaux et administratifs (voire climatiques) plus cléments.

Ce n’est pas seulement de l’enthousiasme, de l’énergie et de la richesse qui disparaissent ainsi. C’est l’idée qu’il est encore possible, en respectant les lois, de jouir en paix du fruit de ses efforts et de ses talents. Les uns finissent par croire qu’en criant fort en en cassant tout, ils obtiendront les subsides du gouvernement – et ils les obtiennent en effet. Les autres finissent par croire que la seule manière de s’en tirer est de ruser avec le système et de tricher avec les lois.

Cette double croyance un puissant ferment de destruction de la société. Le gouvernement s’inquiète de l’évaporation de la matière fiscale. Ce qui devrait l’inquiéter, c’est l’évaporation des valeurs morales. Car les mauvaises lois sont capables de transformer un peuple honnête et travailleur en population paresseuse et fraudeuse.

Pierre de Laubier.

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