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La zone euro est-elle au bord de la crise de dette ?

Les causes de la crise de la dette

Au lendemain de la crise financière aux États-Unis (2007-2008), la quasi-totalité des États européens doivent renflouer leur système bancaire et investir pour relancer leur économie. Un grand nombre de ces pays se retrouvent surendettés avec une faible croissance économique, provoquant ainsi une crainte chez les investisseurs quant à la capacité de remboursement de ces gouvernements. C’est pourquoi trois États ont dû demander un soutien financier à l’UE/FMI, soit la Grèce à deux reprises, l’Irlande et le Portugal

La première crise grecque (2009-2010)

Le premier pays européen touché par cette problématique de l’endettement a été la Grèce, ce qui était relativement prévisible dans la mesure où sa dette a toujours dépassé 100% de son PIB depuis son entrée dans la zone euro en 2001. Pourtant, l’économie grecque était l’une des plus dynamiques de l’UE durant les années qui ont précédé la crise, avec un taux de croissance globalement supérieur à 4 % par an. Mais à son arrivée au pouvoir en 2009, le nouveau gouvernement socialiste annonce que les comptes publics ne sont pas conformes à ce qui avait été annoncé par les précédents dirigeants et que le déficit s’élève à 10 % du PIB et non à 6 %. Finalement, en novembre 2009, le premier ministre Papandreou fait état d’un déficit de 12,7 % et d’une dette de 113 % du PIB, ce qui décide l’agence de notation Fitch à abaisser sa note en dessous de A. C’est le premier pays européen à subir une telle dégradation.

Le gouvernement lance alors un plan d’austérité et l’UE affirme que la Grèce ne quittera pas la zone euro. Cependant, des tensions se font jour au sein de la zone euro et Berlin traîne des pieds pour venir en aide à la Grèce. En effet, l’Allemagne se retrouve confrontée à ce qu’elle redoutait depuis Maastricht et qu’elle avait voulu éviter avec la mise en place tant des critères de convergence que du Pacte de stabilité : devoir renflouer un État en difficulté n’ayant pas respecté les règles communes. Aider la Grèce reviendrait à donner un mauvais signal aux pays laxistes, en leur laissant penser qu’ils peuvent se montrer négligents puisqu’ils seront de toute façon secourus par les autres. Néanmoins, ne pas intervenir n’est pas non plus une option envisageable dans la mesure où cela comporte des risques majeurs pour l’ensemble de la zone, à la fois sur le plan économique (exportations vers la Grèce, remise en cause de l’ensemble de la monnaie unique) et politique (symbole négatif d’un premier retour en arrière dans l’histoire de la construction européenne).

Entre ces deux options, le débat fait rage durant le premier trimestre 2010 et l’Allemagne se montre de plus en plus ferme, ne faisant ainsi qu’accroître la spéculation des marchés contre la Grèce, ce qui a largement contribué à augmenter le montant de sa dette, les taux auxquels elle pouvait emprunter ne faisant eux-mêmes que grimper.

Finalement, en mai 2010, un accord est trouvé au sein de la zone euro. Un plan d’aide de 110 milliards d’euros – 80 milliards de prêts de pays de la zone euro et 30 milliards du FMI – est adopté le 2 mai en échange d’un sévère plan d’austérité comprenant le gel des salaires des fonctionnaires pendant 3 ans, la suppression des 13e et 14e mois de salaire dans la fonction publique, le renforcement de la flexibilité du travail, l’allongement de la durée de cotisation pour les retraites (de 37 annuités à 40 en 2015) ou encore une nouvelle hausse de la TVA. La réaction de la population est rapide et vive : une grève générale est organisée et de nombreuses manifestations se déroulent à Athènes.

La création du FESF et le plan d’aide à l’Irlande

En parallèle, pour éviter une contagion de la crise à d’autres pays fragiles (comme l’Espagne, le Portugal ou l’Italie), l’UE décide, le 10 mai 2010, la création du Fonds européen de stabilité financière (FESF) doté de 750 milliards d’euros. Il s’agit d’envoyer un signal clair aux marchés : les pays de la zone euro n’entendent pas les laisser détruire la monnaie unique et se dotent donc d’un instrument capable de venir en aide aux pays qui seraient mis en difficulté.

Cela semble fonctionner. En effet, quelques mois plus tard, l’Irlande se retrouve dans une situation compliquée car l’État a dû racheter la principale banque du pays, l’Anglo-Irish Bank, qui était en faillite, et voit ainsi son déficit passer de 11,6% du PIB à 32%. Premier pays européen à être entré en récession en 2008 et à adopter des mesures d’austérité, l’Irlande est secourue rapidement par ses partenaires. Soucieux de montrer l’effectivité du FESF et d’envoyer un signal fort aux marchés, ils encouragent le gouvernement irlandais, qui n’a pourtant pas d’échéance de paiement de sa dette, contrairement à la Grèce, à demander officiellement l’aide du FMI et de l’UE et adoptent un plan d’aide de 85 milliards d’euros le 28 novembre 2010.

2011 : une nouvelle crise grecque

Mais les problèmes ne sont pas réglés, loin de là, car la récession qui frappe la Grèce rend quasiment impossible la réduction de sa dette qui, au lieu de diminuer, passe de 120 à 150% du PIB, entraînant une augmentation du taux d’emprunt du pays qui est à nouveau au bord de la faillite au début de l’été 2011. Une fois encore, des débats opposent les membres de la zone euro entre partisans (France notamment) de la création d’ eurobonds – permettant de mutualiser la dette et, dès lors, de créer une solidarité au sein de la zone dissuasive pour les marchés – et opposants à cette solution (Allemagne en particulier). Doit-on laisser la Grèce faire faillite et sortir de l’euro ? Doit-on créer un gouvernement économique ? Doit-on faire contribuer le secteur bancaire, comme le souhaite la chancelière allemande Angela Merkel ?

Le 21 juillet 2011, lors d’une réunion extraordinaire de l’Eurogroupe (qui se réunit de plus en plus souvent au niveau des chefs d’État et de gouvernement depuis 2008 et non plus, comme prévu initialement, au niveau des ministres de l’Économie et des Finances), un nouveau plan de sauvetage de la Grèce est adopté. Il comprend 109 milliards d’euros d’aide du FMI et de la zone euro et une contribution des créanciers privés qui doivent accepter une décote. Néanmoins, la situation ne s’améliore pas, les dissensions sensibles au sein de l’eurozone ne faisant qu’alimenter le doute sur la viabilité de l’euro et la volonté de solidarité des plus riches. Dès lors, la crise se propage à l’Italie et à l’Espagne, alors que la Grèce est toujours en difficulté. Insatisfaits des résultats des plans d’austérité, ses partenaires tergiversent sur le versement de la nouvelle tranche d’aide qui doit lui être versée pour faire face à ses échéances et les marchés ne sont pas convaincus par le plan de juillet.

Un nouveau « sommet de la dernière chance » a lieu les 26 et 27 octobre 2011. Il en sort une série de mesures susceptibles d’enrayer la crise et renforçant la gouvernance de la zone euro : effacement de 50% de la dette grecque détenue par les banques privées ; nouveau prêt de l’UE et du FMI de 100 milliards d’euros d’ici 2014 ; instauration de la « règle d’or », c’est-à-dire l’interdiction des déficits publics structurels ; renforcement du FESF dont la capacité de financement devra atteindre 1 000 milliards d’euros (mais il ne devient pas une banque et ne pourra emprunter à la BCE) ; gouvernance renforcée de la zone euro avec une extension des compétences du commissaire européen aux Affaires économiques ; mise sous surveillance de l’Italie dans l’attente de mesures structurelles de réduction de la dette et des déficits.

Accord du 9 décembre 2011 et nouveau traité (mars 2012)

Pourtant, cet accord ne semble pas suffire à enrayer la crise et ses différents volets peinent à être appliqués. Dès lors, le Conseil européen du 9 décembre 2011 doit à nouveau se pencher sur la crise pour tenter une énième fois de sortir la zone euro de la tourmente qui la frappe depuis 2010. Mais les désaccords sont nombreux, notamment entre Paris et Berlin, malgré leur dialogue constant. La chancelière allemande Angela Merkel ne veut ni de la modification du statut de la BCE (pour le rapprocher de celui de la Réserve fédérale américaine), ni des eurobonds et souhaite une surveillance par la Commission et la CJUE des budgets nationaux, ce qui est considéré comme une atteinte inacceptable à leur souveraineté budgétaire par de nombreux États.

L’idée d’un nouveau traité voit néanmoins le jour face à l’urgence de mettre un terme définitif à la crise. Le Conseil européen du 9 décembre 2011 décide donc la signature d’un traité qui ne concerne en revanche que 25 des 27 pays membres, du fait du refus du Royaume-Uni et de la République tchèque d’y participer.

Ce traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), signé le 2 mars 2012 lors d’un Conseil européen à Bruxelles, instaure davantage de discipline budgétaire dans la zone euro. Dans son économie générale, cette approche oriente vers une solution intergouvernementale au détriment de la voie communautaire.

Les éléments saillants de ce texte sont :

la « règle d’or » budgétaire et son inscription, « de préférence », dans la Constitution ;

la correction automatique du non-respect des déficits autorisés ;

l’établissement de sanctions de la CJUE s’agissant de la mise en place des règles d’or dans les ordres juridiques nationaux (amende pouvant aller jusqu’à 0,1% du PIB du pays fautif) et des sanctions quasi automatiques pour les déficits excessifs.

Ce dispositif consolidé au plus haut niveau des normes juridiques le dispositif dit du « Six Pack », officiellement signé le 16 novembre 2011 et qui constitue un bloc de six textes réformant la gouvernance économique européenne (trois règlements réformant spécifiquement le Pacte de stabilité et de croissance, deux autres élargissant la surveillance à l’ensemble des déséquilibres macroéconomiques, et, enfin, une directive énonçant des règles applicables aux cadres budgétaires des États membres).

La nouvelle version du Pacte de stabilité prévoit notamment une « majorité inversée » pour voter les sanctions contre les États en déficit excessif ne respectant pas les recommandations qui leur ont été adressées : ceux-ci se verront infliger des sanctions automatiques à moins qu’une majorité d’États s’y oppose. En outre, elle contraint les États à avoir un déficit structurel limité à 1% du PIB et la Commission définit pour chaque État un objectif à moyen terme (OMT) pour atteindre ce but.

Ce nouveau traité, qui réduit le déficit structurel autorisé à 0,5% du PIB (au lieu de 1% dans le Six Pack), a pu entrer en vigueur le 1er janvier 2013, dès lors que 12 États signataires membres de la zone euro l’avaient ratifié. Ceci constitue une véritable « révolution » dans la construction européenne dans la mesure où tous les traités européens ont jusqu’alors dus être ratifiés par la totalité des États signataires pour pouvoir entrer en vigueur. Il s’agit là d’une évolution notable. Cependant, les contraintes du traité ne s’appliqueront qu’aux seuls États l’ayant ratifié, qui seront en outre les seuls à pouvoir bénéficier du mécanisme européen de stabilité (MES). Officiellement créé en octobre 2012, ce dernier doit prendre le relais du Fonds européen de stabilité financière (FESF) instauré en mai 2010 dans le cadre du premier plan de sauvetage de la Grèce.

Si ce traité constitue une avancée dans la gouvernance de la zone euro et a semblé apaiser les marchés dans les mois qui ont suivi son adoption, il apparaît fin 2012 que la crise n’est pas encore totalement réglée dans la mesure où la Grèce voit sa dette continuer à augmenter pour atteindre quasiment les 200% de son PIB, et ce en raison de la récession qu’elle continue à subir pour la sixième année consécutive. En outre, de nombreux pays, notamment l’Espagne, ne cessent de demander des délais à la Commission européenne pour réduire leur déficit, l’absence de croissance économique et la montée du chômage et de la pauvreté rendant les objectifs fixés inatteignables.

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