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L’autophagie, l’auto-cannibalisme pour lutter contre la mort

cannibales
 

La semaine dernière, nous nous sommes intéressés à ce qui est peut-être un des principaux défis de l’humanité (rien que cela !) : lutter contre le vieillissement et la mort. Nous avons vu que différentes voies étaient possibles pour retarder autant que possible l’arrivée de la grande faucheuse : greffes, traitements contre les principales maladies de notre époque, amélioration de l’hygiène, de notre environnement.

Pour s’attaquer à la vieillesse et aux effets de l’âge sur notre corps, il est aussi envisageable de s’attaquer directement à la cause de ce processus, à l’intérieur de nos organes, de nos cellules, de notre ADN. C’est ce que nous pourrons peut-être accomplir grâce aux technologies d’édition génomique comme CRISPR.

D’autres recherches menées en ce moment l’autophagie pourraient permettre de significatives avancées non seulement contre le vieillissement mais aussi pour lutter contre le cancer et à ces maladies dégénératives liées à l’âge, telles que les maladies de Parkinson ou d’Alzheimer.

Le prix Nobel 2016 de médecine accordé au Japonais Yoshinori Ohsumi a beaucoup fait pour faire connaître plus largement le phénomène d’autophagie.

Se dévorer soi-même…
Commençons par une indispensable définition. Pas besoin d’être un étymologiste averti pour comprendre la signification du terme autophagie, soit « se manger soi-même ». Rassurez-vous, nulle question ici d’auto-cannibalisme ou d’autres pratiques alimentaires étranges. En biologie, le processus d’autophagie désigne le processus de nettoyage et de recyclage pratiqué par les cellules.

Le processus a été découvert dans les années 1960 et concerne les cellules eucaryotes, c’est-à-dire les cellules comportant un noyau — qui constituent les plantes et les animaux (dont les humains donc).

A l’intérieur de ces cellules se trouvent des « usines de traitement et de recyclage », appelées lysosomes et qui sont capables de digérer et recycler des composants de la cellule (protéines, lipides, bouts d’ADN).

Ces usines sont alimentées par des camions poubelle (je file la métaphore), les autophagosomes. Ceux-ci récupèrent tout ce qui traîne au sein de la cellule et l’apportent aux lysosomes, qui se chargent ensuite du processus de digestion.

Les lysosomes rejettent ensuite dans la cellule des éléments recyclés.

… Mais pour quoi faire ?
Tout ceci est certes fascinant, mais à quoi sert ce processus ?

Selon l’état actuel de la recherche, l’autophagie a 3 fonctions :

1. alimenter les cellules en cas de stress. La cellule se dévore elle-même (enfin, une partie de ses composants) pour trouver l’énergie dont elle a besoin pour survivre. Le processus d’autophagie s’avère particulièrement important chez les nouveaux-nés (du moins, selon les expériences menées sur les souris) : une fois le cordon ombilical coupé, l’organisme de l’enfant est privé de l’alimentation directement fournie par sa mère… et l’autophagie permettrait aux cellules des organes vitaux (comme le coeur, le cerveau ou les poumons) de survivre.

2. se défendre. En cas d’attaque au sein de la cellule (par des bactéries ou des virus), l’autophagie participe au processus de destruction de l’intrus… en l’avalant et le digérant.

3. Enfin, se nettoyer. L’autophagie permet d’éliminer les constituants périmés, défectueux voire dangereux de la cellule. Le nettoyage peut aller jusqu’à… l’élimination totale de la cellule, son auto-destruction.

Et ceci ouvre de formidables champs de recherche car vous l’aurez compris l’autophagie peut, selon les conditions, soit prolonger la durée de vie d’une cellule, soit accélérer sa mort.

L’autophagie, le Janus aux deux visages de nos cellules
Que l’on parle d’augmenter la vie cellulaire ou mort programmée, ces deux objectifs intéressent les chercheurs.

En effet, je vous disais, que l’autophagie entrait en jeu quand les cellules deviennent défectueuses ou dégénèrent. C’est exactement ce qui se passe à l’intérieur des cellules cancéreuses.
Vous saisissez l’intérêt de l’autophagie : en maîtrisant au mieux ce processus, en l’orientant, en l’incitant, nous pourrions le pousser à éliminer les cellules qui prennent la tangente et dégénèrent, en les poussant à se suicider.
Mais, comme je vous le disais, l’autophagie est un véritable Janus : si d’un côté, elle peut accélérer le processus de destruction, elle peut aussi lui permettre de survivre. C’est de ce côté que sont menées d’autres recherches dans le domaine de l’oncologie. En bloquant le processus d’autophagie parmi les cellules cancéreuses, nous pourrions littéralement les affamer, les priver de carburant et ainsi détruire les tumeurs.
Toujours en matière de lutte contre le cancer, l’autophagie pourrait aussi être très utile pour améliorer la capacité de résistance des cellules au stress provoqué par la chimiothérapie. L’idée est, cette fois, de ralentir le processus de l’autophagie pour empêcher les cellules soumises à cet accès de stress de se détruire elles-mêmes. De quoi espérer réduire les effets secondaires des chimiothérapies.
A mort la dégénérescence !
L’autophagie pourrait aussi s’avérer cruciale dans notre lutte contre les maladies dégénératives. En septembre dernier, j’évoquais une des causes probables de déclenchement de la maladie d’Alzheimer : l’accumulation anormale de protéines dans les cellules, et tout particulièrement dans celles du cerveau. Or une des tâches courantes de l’autophagie est justement d’éliminer les protéines qui s’accumulent et finissent par détruire les neurones .

Le potentiel de l’autophagie est loin de s’arrêter à cela : il pourrait aussi jouer un rôle dans le diabète, la mucoviscidose mais aussi la tuberculose ou en le virus puisque l’autophagie permet aussi de « dévorer » les agents pathogènes étrangers au corps humains comme les virus ou les bactéries.
Et l’âge dans tout cela ? Eh bien, les protéines auraient là encore une grande responsabilité. Les chercheurs ont remarqué qu’avec l’âge, nos cellules éliminent de moins en moins bien les protéines. Le processus est toujours identique : les protéines s’accumulent de manière anormale et finissent par provoquer la mort de la cellule, ce qui — multiplié à des centaines de milliards de cellules — participe à la dégénérescence programmée de notre organisme. En améliorant le recyclage interne de nos cellules grâce à l’autophagie, nous pourrions, à terme, jouer sur les mécanismes internes du vieillissement.
Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Les mécanismes de l’autophagie aussi bien que ceux du vieillissement sont encore loin d’être parfaitement compris mais le potentiel est — vous vous en doutez — à la hauteur du rôle que joue l’autophagie dans notre corps. Et des enjeux.

Le prix Nobel de médecine décerné cette année à Yoshinori Ohsumi a donné des ailes à certaines équipes de recherche et biotechs, bien décidées à profiter de ce nouvel éclairage dont bénéficie l’autophagie.
Reste une question primordiale : où en est la recherche ? Les premiers traitements reposant sur l’autophagie vont-ils être bientôt commercialisés ?
Comme nous l’avons vu, c’est en matière d’oncologie et de lutte contre les maladies dégénératives que l’autophagie pourrait, à moyen terme, nous permettre de réaliser les avancées les plus significatives. Malgré tout, la plupart des traitements en cours d’étude n’en sont qu’au stade des essais sur les animaux. Il faudra encore plusieurs années pour que les essais sur les humains commencent.
A plus court terme, les espoirs se concentrent sur des molécules qui ont été déjà été autorisées pour d’autres usages mais qui auraient un effet sur l’autophagie. Cela pourrait être par exemple le cas du Tasigna (nilotinib) de Novartis qui va être testé sur des patients atteints par la maladie de Parkinson dès l’année prochaine. Ce médicament, développé à l’origine pour traiter certaines formes de leucémie, pourrait avoir accélérer le processus d’autophagie de cellules, et en particulier au niveau du système nerveux.
Une autre valeur à garder à l’oeil est la biotech française non-cotée AlzProtect qui, comme son nom l’indique, développe des traitements contre la maladie d’Alzheimer dont une molécule qui stimulerait le processus d’autophagie pour éliminer les accumulations anormales de protéines Tau.

[NDLR : Visionnez ici le dernier message vidéo de Ray Blanco. Vous savez déjà que les produits anti-vieillsement sont un sujet brûlant mais aussi un de nos axes d’investissement préférés. Et nous ne sommes manifestement pas les seuls : selon une étude de BCC Reseach, les marchés pour ces produits devraient passer de 261,9 milliards de dollars en 2013 à 345,8 milliards en 2018. Et je suis intimement persuadée que ce n’est qu’un début.
C. Chevré

Comments

  • water water
    novembre 16, 2016

    La science est cartésienne, on peut s »attaquer à la vieillesse, c’est à dire ralentir ce phénomène, logiquement on n’espère jamais vivre 1000 ans.
    La mort n’a rien à voir avec la vieillesse, c’est une vérité de tous les jours sans explication,
    L’univers est né du big bung , lui meme du néan, c’est la seule explica

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