Le gouvernement collectif de la Chine est-il révolu ? Par Alexandre Lemoine
Les Faits: La préparation pour le 20e congrès du Parti communiste chinois (PCC) entre dans sa phase finale. Environ 370 membres et candidats à devenir membre du Comité central (CC) débattent sur le projet de rapport au secrétaire général Xi Jinping et les changements dans la charte du parti.
Y sera entendu également un rapport sur l’activité de la commission de discipline chargée de lutter contre la corruption. Comme le font remarquer les observateurs, la réélection de Xi Jinping pour un nouveau mandat de cinq ans est pratiquement garantie. Il constituera une nouvelle équipe de responsables. Mais on ignore si le successeur du dirigeant sera désigné et quel sera le sort du premier ministre Li Keqiang, qui pourrait se voir proposer un autre poste vu son âge.
L’organe central du parti le journal Renmin Ribao, dans le contexte de cette réunion à huis clos, a publié un article du philosophe italien Filippo Mignini, qui analyse les livres de Xi Jinping sur la gestion de l’État et pointe son lien inaliénable avec le public. Comme le souligne M. Mignini, le dirigeant chinois a fait sortir de la pauvreté plus de 700.000 villageois et a obtenu de bons résultats en termes de développement.
En d’autres termes, le secrétaire général peut présenter au public des résultats concrets de son travail. Le fait est que le niveau des revenus d’un habitant moyen du pays de 1,4 milliard de personnes est comparable au revenu moyen d’un Russe ou du citoyen d’un autre pays européen pas très riche. C’est sur ce point que repose la légitimité du Parti communiste. Mais Xi Jinping avait prévenu en 2012 déjà, en devenant dirigeant du pays, que le parti pourrait s’effondrer, comme l’a fait le PC en URSS, s’il ne surmontait pas la corruption et n’éradiquait dans ses rangs les dissidents et tout élément indécis.
Ce qui explique pourquoi la réunion plénière entendra le rapport de la commission de discipline. D’après l’agence de presse Reuters, 4,7 millions de hauts fonctionnaires ont fait l’objet d’une enquête depuis le début de la présidence de Xi Jinping. Il est notamment question de Bo Xilai, un chef du parti assez populaire dans la mégapole de Chongqing, et d’autres hauts responsables. De hauts fonctionnaires de ce ministère ainsi que du ministère de la Justine et des chefs de police de mégapoles ont été condamnés à mort, puis leur sentence a été remplacée par de longues peines de prison. Sachant qu’ils étaient inculpés non seulement pour corruption, mais également pour tentative de former un « clan », c’est-à-dire créer une intrigue pour saper l’unité du parti.
Bien évidemment, tout ce qui concerne les changements de cadres et les batailles en coulisse pour le pouvoir est recouvert de secret. Le 19e congrès précédent avait déjà mis un terme au processus d’élection de 25 membres du politburo par les membres du Comité central. À présent, toutes les nominations importantes sont évoquées en privé avant le congrès, en général en présence du secrétaire général. Lors de ses prédécesseurs, Hu Jintao et Jiang Zemin, la gestion du pays était plus collective en admettant un grand niveau de séparation des fonctions entre le parti et le gouvernement. Mais à présent, les travailleurs idéologiques disent que cette séparation était artificielle.
Ces deux dernières années étaient extrêmement difficiles pour Xi Jinping. L’épidémie, la baisse de la croissance économique, l’aggravation de la bataille économique et idéologique contre les États-Unis, qui risque de temps à autre de dégénérer en véritable conflit. Selon le quotidien hongkongais South China Morning Post, les représentants de grandes entreprises mais aussi certains hauts fonctionnaires désapprouvent le soutien moral accordé par Xi Jinping au président russe Vladimir Poutine, en signant avec ce dernier une déclaration conjointe que l’amitié sino-russe n’a pas de limites. Et depuis, le ministère chinois de Affaires étrangères se doit de rappeler constamment que la Chine n’est pas partie au conflit en Ukraine. Néanmoins, Xi Jinping est parvenu à consolider son pouvoir.
Les grands entrepreneurs et les banquiers chinois sont prêts à prendre la place des entreprises occidentales qui ont quitté la Russie, mais ils agissent avec prudence par crainte de se retrouver sous le coup des sanctions secondaires des États-Unis et de l’Union européenne.
Alexandre Lemoine
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