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Le rôle de l’identité dans une société libre par Stephane Geyres

Nous n’avons pas toujours eu de carte d’identité et encore aujourd’hui, de nombreux pays n’imposent pas cette formalité à leurs citoyens. A l’heure où l’identité sur le Net, et à l’inverse l’anonymat, par exemple des « cybercriminels », fait question, il semble donc intéressant de tenter de mieux comprendre le rôle social de « l’identité » individuelle et la nature de son besoin.
Nous naissons connus de notre seule famille. Et aux grés de la vie, nous rencontrons plus ou moins de gens que nous connaîtrons et reconnaîtrons et qui eux-mêmes en retour nous reconnaîtront. Ils se comptent en quelques centaines probablement, parfois en quelques milliers, jamais en millions. Pour ces gens qui nous connaissent, il est rare que la question de notre identité leur importe.
La question commence à se poser dès qu’on entre en relation professionnelle avec des inconnus. Je souhaite me faire embaucher, et mon employeur aimerait bien s’assurer que le contrat que je signe m’engage vraiment et donc que ma signature n’est pas faite au nom d’un autre, par exemple. Plus généralement, un long contrat, à forts enjeux, ne peut se concevoir qu’entre personnes qui ont pu établir un niveau assez important de confiance mutuelle, et se connaître et se reconnaître fait partie intégrante de cette confiance – je peux difficilement faire confiance à quelqu’un dont je ne sais rien.
A ce stade, il convient de noter que l’identité en tant que telle a peu d’influence. Que mon nom soit Paul ou Jacques, que j’en change régulièrement ou pas, un peu comme on change d’habits, importe peu. Une femme qui se change reste elle-même, elle ne change pas d’identité envers les autres. Le nom est un outil social convenu, ce n’est guère qu’un raccourci pratique : ce qui compte c’est d’être reconnu. Cela peut d’ailleurs se faire de nombreuses manières. Il suffit par exemple que plusieurs personnes connues de votre interlocuteur lui confirment qui vous êtes. Et fassent votre réputation.
Arrive alors, dans la société dite moderne, l’administration. Et tout change, parce que rien du monde administratif ne repose sur des relations contractuelles ou des relations de confiance. Pour Elle et ses agents, nous ne sommes plus quelqu’un de précis, mais un simple citoyen. Un numéro. Sans raison, l’administration nous crée des obligations que nous n’aurions pas dans la vie normale. Devoir faire une demande de carte grise, déclarer ses impôts, payer un « excès de vitesse », aller voter. Toutes ces nouvelles exigences ont en commun de reposer sur une relation de défiance. Finie la confiance qui est à la source de toutes les relations volontaires et spontanées de la vie normale en société.
L’administration a alors besoin d’un mécanisme pour s’assurer qu’à ses yeux nous sommes bien celui que nous prétendons être – et c’est là qu’arrive la carte d’identité ou le numéro de sécurité sociale aux Etats-Unis – quiconque a vécu dans ce symbole déchu de la liberté sait le poids du « SSN ».
Je sens venir les minarchistes ou autres libéraux qui ne manqueront pas de me faire remarquer que la police ou la justice ont besoin de connaître mon identité pour – par exemple – éviter de jeter un innocent en prison à ma place. Comme souvent, ce serait mélanger objectif et moyen. S’il est clair qu’il est légitime de souhaiter ne pas inverser les coupables, cela peut être fait sans problème par une police de proximité, une police qui nous connaît en personne, celle que ma copropriété emploie pour notre sécurité locale et de ce fait connaît tous les habitants du quartier. Et donc les autres.
C’est bien beau la proximité me direz-vous, mais comment fait-on sur Internet ? Eh bien, on fait comme sur Facebook, par exemple, on s’appuie sur nos connaissances communes. Les amis de mes amis peuvent confirmer que je suis bien celui ou celles que je prétends être. Je m’affiche sous un pseudonyme, ce n’est pas ma véritable identité ? Qu’en savez-vous, puisque c’est celle que j’ai choisie et que mes amis me reconnaissent ? Qui mieux qu’eux sait qui je suis vraiment ?
On le voit, dans la société libre et spontanée, l’identité est un concept très subjectif. C’est la confiance envers l’individu et sa capacité à respecter ses engagements qui compte vraiment.

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