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L’échine nationaliste ?



La géopolitique mondiale est en train de se réorganiser en profondeur, et c’est un facteur qui va être de plus en plus structurant dans les choix économiques des pays. Cependant, bien que les anciennes règles du jeu (le multilatéralisme notamment) apparaissent affaiblies, les nouvelles règles ne sont ni claires, ni stables, et l’imprévisibilité de Donald Trump brouille les cartes. On peut pourtant dégager une tendance dans les événements actuels, à savoir une organisation de la scène globale autour d’un triangle stratégique(1) (Russie, États-Unis, Chine), l’Europe étant pour l’instant paralysée par son cycle électoral. Pour prévoir les équilibres géopolitiques à venir, il faudra donc étudier ce qui pèse sur les choix de politique étrangère de ces trois grands acteurs.
En premier lieu, c’est bien sûr la politique intérieure, la nature du contrat social entre l’État et les citoyens, et la légitimité que ce contrat confère aux gouvernements en place. D. Trump, par exemple, a sans doute été incité à aller chercher une légitimité politique sur la scène géopolitique, parce qu’il était confronté à l’échec cuisant de sa réforme de l’Obama Care. Le même phénomène a eu lieu en Russie, où la popularité de V. Poutine est plus liée, depuis 2013, à la géopolitique qu’à l’économie. Quant à la Chine, la perspective du 19e congrès peut jouer un rôle important à l’automne prochain, car Xi Jinping, lancé dans une stratégie de centralisation du pouvoir, ne pourra pas faire preuve de faiblesse sur le plan extérieur : cela l’affaiblirait en interne.
En second lieu, les choix de politique étrangère des trois pays du triangle seront déterminés par certains facteurs plus profonds, moins apparents et souvent sous-estimés par les économistes. Il s’agit du poids de l’histoire, tout simplement, qui nourrit et structure la volonté de puissance des États et le regard que les populations portent sur elles-mêmes, quant à leur place dans le monde.
Dans le cas chinois, il s’agit notamment du rôle que le nationalisme a pris dans l’arrivée au pouvoir du parti communiste chinois (PCC). Rappelons en effet que le PCC, créé en 1921, est issu des manifestations de 1919, quand des milliers d’étudiants protestaient contre le transfert de territoires chinois au Japon. Dès ce moment-là, ils ont fait du nationalisme une idéologie qui nourrit encore aujourd’hui la légitimité du parti. Cette dernière repose sur un besoin de « renaissance nationale », selon les termes de Xi Jinping, notamment vis-à-vis des États-Unis et du Japon, qui sont perçus comme des impérialistes depuis le « siècle de l’humiliation(2) ». Cette instrumentalisation du passé à des fins nationalistes explique la forte réactivité de la population sur les questions de souveraineté, et elle influence les décisions du PCC en matière de politique étrangère(3).
Le nationalisme chinois est donc l’un des fondements de la politique du PCC(4), il est au cœur de sa légitimité, et il peut nourrir une sur-réaction politique imprévue de la population chinoise ou du gouvernement, que ce soit face à une provocation du président américain ou à une montée des tensions, sur l’un des points chauds de la géopolitique régionale. Cela fera donc partie des risques à surveiller en 2017. Mais il ne faut pas exclure non plus le scénario de nouvelles alliances, qui se noueront certainement en dehors du champ du multilatéralisme et sur la base d’avantages réciproques.
Par Tania Sollogoub et Elodie Pichon, Direction des Etudes Economiques de Crédit Agricole S.A.
Pour plus d’informations, consultez la publication : Les principaux risques géopolitiques
1 T. Gomart, « le retour du risque géopolitique », IFRI.
2 Le siècle de l’humiliation a débuté avec la guerre de l’Opium en 1840 et s’est terminé à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
3 Cabestan (2005), The many facets of Chinese nationalism, China Perspectives.
4 Bajoria (2008), “Nationalism in China”, Council on foreign relations.

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